Le chapitre III de la loi « Engagement national pour le logement » (ENL) est consacré à la sécurisation des autorisations d'urbanisme et des constructions existantes. Ces dispositions, qui modifient et complètent sur plusieurs points le Code de l'urbanisme, font suite au rapport Pelletier et à l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, ratifiée à l'article 6-I de la loi.
Sécuriser les autorisations d'urbanisme
Retrait : un délai unique de trois mois.
L'ordonnance du 8 décembre 2005 prévoit déjà que la décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait. La loi ENL poursuit cet objectif.
Actuellement, à moins que le retrait de l'autorisation ne soit sollicité par le pétitionnaire lui-même, ou que l'autorisation soit obtenue par fraude, le retrait n'est possible que sous certaines conditions. Si l'autorisation de construire est expresse, le retrait n'est admis que si elle est illégale et s'il intervient dans un délai de quatre mois à compter de sa signature (1). Passé ce délai, l'autorisation de construire ne peut-être remise en cause que par le juge, si elle a été attaquée par un tiers dans le délai de recours contentieux.
En revanche, si l'autorisation est tacite, elle peut être retirée pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en œuvre ou, à défaut, pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, ou bien encore pendant la durée de l'instance en cas de recours contentieux (2).
L'article 6 de la loi complète l'article L. 424-5 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de l'article 15 de l'ordonnance du 8 décembre 2005, en précisant que : « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite,ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».
Aux termes de ces nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur lorsque le décret d'application de l'ordonnance aura été publié (3), les permis de construire, d'aménager ou de démolir, qu'ils soient tacites ou exprès, pourront être retirés s'ils sont illégaux dans un délai de trois mois suivant la date de leur signature. Il est donc mis fin, en la matière, à la distinction résultant de la jurisprudence « Ternon » et de la loi du 12 avril 2000 selon le caractère exprès ou tacite des autorisations.
Constructions irrégulières : prescription administrative
Le principe
L'article 9 de la loi ENL insère dans le Code de l'urbanisme un nouvel article L. 111-12 ainsi rédigé : « Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ».
En complément des prescriptions pénales et civiles applicables, le législateur a instauré une prescription administrative des constructions irrégulièrement édifiées, soit sans autorisation, soit en non-conformité avec celle-ci. Par ce nouvel article, d'application immédiate, il est ainsi mis fin à la jurisprudence « Thalamy » du Conseil d'Etat du 9 juillet 1986, selon laquelle le maire ne pouvait légalement accorder un permis de construire portant uniquement sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie d'un bâtiment construit sans autorisation.
Les exceptions
Ce nouveau principe ne pourra pas s'appliquer lorsque :
. la construction est de nature à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures pouvant entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
. une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L 480-13 ;
. la construction est située dans un site classé ou un parc naturel ;
. la construction est sur le domaine public ;
. la construction a été réalisée sans permis (sont ici visés en particulier les paillotes et bidonvilles) ;
. certaines zones des plans de prévention des risques naturels prévisibles.
Hormis dans ces hypothèses, énumérées au deuxième alinéa de l'article L.111-12, les propriétaires de constructions irrégulières pourront procéder à la réalisation de travaux d'extension ou de modification sur celles-ci, à condition, d'une part, de démontrer que la construction est achevée depuis plus de dix ans et, d'autre part, que les travaux envisagés sont réalisables au regard des règles d'urbanisme applicables.
Recours des associations
Dorénavant, une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Ce nouvel article L. 600-1-1 du CU, applicable depuis le 16 juillet 2006, a pour objet de limiter les recours des associations « fictives » créées uniquement pour contester un projet de construction déterminé.
Toute association ayant un objet statutaire lié au droit l'urbanisme et projetant de contester un projet de construction, devra donc déposer ses statuts en préfecture avant que la demande de permis de construire ne soit affichée en mairie.
Annulation partielle des autorisations d'urbanisme
Aux termes d'un nouvel article L. 600-5 du CU, d'application immédiate, le juge administratif pourra annuler partiellement une autorisation d'urbanisme, lorsque seule une partie du projet de construction ou d'aménagement a fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme illégale. Il appartiendra à l'autorité compétente de prendre, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive.
L'annulation partielle pourra être envisagée notamment pour des constructions par tranches ou portant sur plusieurs bâtiments, ou encore pour des travaux « détachables » ou indépendants du gros œuvre (balcon, ouvertures, etc.). On peut donc raisonnablement penser qu'un vice de légalité externe ne sera pas de nature à permettre une annulation partielle.
Les nouvelles contraintes
Action en démolition étendue
Point de départ du délai
Sous le régime de l'ancien article L. 480-13 du CU, l'action en démolition se prescrivait par cinq ans à compter de l'achèvement des travaux. Elle était subordonnée à l'annulation ou à la déclaration d'illégalité du permis de construire par la juridiction administrative.
Le nouvel article L. 480-13, en vigueur depuis le 16 juillet dernier, a modifié le régime de l'action en démolition. Pour être recevable, l'action doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative statuant sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme, ce qui pose le problème de la durée de la procédure (voir encadré ci-dessous). En outre, l'action en démolition ne sera plus possible si le permis de construire a préalablement et simplement été déclaré illégal par le juge administratif (tel est notamment le cas lorsque l'illégalité du permis de construire est proclamée par voie de question préjudicielle). Le permis de construire devra impérativement avoir été annulé pour fonder une action en démolition.
Action du préfet
Initialement réservée aux tiers lésés, l'action en démolition peut être désormais exercée par le préfet, lorsque le permis de construire a été annulé par la voie du déféré préfectoral pour un motif non susceptible de régularisation (article L. 600-6 du CU). De même, à l'instar des tiers lésés, le préfet sera recevable dans l'exercice de son action en démolition dans le délai de deux ans qui suit la décision définitive de la juridiction administrative annulant le permis de construire.
Cessions de parts de SCI : droit de préemption urbain renforcé
En modifiant l'article L.211-4 du Code de l'urbanisme, l'article 18 de la loi ENL ajoute un cas à ceux pour lesquels le droit de préemption urbain n'est pas applicable, à savoir la cession de parts d'une société civile immobilière dotée d'un patrimoine immobilier.
La soumission au droit de préemption urbain de la cession des parts d'une SCI suppose, d'une part, qu'un périmètre de préemption urbain renforcé ait été institué sur le territoire de la commune d'implantation de l'immeuble détenu par la SCI et, d'autre part, que le patrimoine de la SCI soit constitué d'une unité foncière unique, bâtie ou non. La cession de parts des SCI dont le patrimoine est composé de plusieurs immeubles distincts semble donc exclue.
Dans les communes où un droit de préemption urbain renforcé a été institué, la pratique de certains promoteurs consistant à créer une SCI dans le but d'échapper au droit de préemption ne présente donc plus d'intérêt.
En cas d'exercice du droit de préemption urbain renforcé par une commune, les détenteurs de parts d'une SCI pourront tenter de s'opposer à la préemption de leurs parts par un recours contentieux auprès du tribunal administratif. A cet égard, le juge contrôle la motivation de la décision de préemption. Il vérifie que le projet qui motive la préemption correspond effectivement à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L.300-1 du CU.
Les détenteurs de parts préemptées d'une SCI pourraient ainsi tenter d'obtenir l'annulation de la décision de préemption, en démontrant qu'elle ne correspond pas à une opération d'aménagement ayant pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, l'extension, l'accueil d'activités économiques, ou encore la réalisation d'équipements collectifs.