Le territoire complexe d'euralille marque une rupture avec la ville ancienne, dans le sillage du TGV. Mais les opérations d'aménagement récentes visent à renouer les fils avec les quartiers voisins et notamment le tissu constitué du faubourg de Roubaix. Au premier rang, le nouveau quartier Saint-Maurice, en bord de périphérique, rétablit le contact . L'opération y réalise un salutaire retour à la terre après avoir surmonté l'obstacle des voies rapides. L'aménagement retrouve le vrai sol et abaisse le plafond de ses constructions sous une toise urbaine de 28 mètres (R 8 maximum). Celle-ci constitue une révision du projet initial, étrangère au discours sur la congestion urbaine cher à Rem Koolhaas, concepteur d'Euralille à la fin des années 80. Une révision plus conciliante que déchirante : « Le quartier Saint-Maurice ne prend pas le contre-pied du projet Koolhaas, mais en prolonge la réflexion », défend Jean-Louis Subileau, directeur de la Saem Euralille, rappelant que « le quartier figure dans le périmètre de la ZAC depuis l'origine, sous la forme caricaturale et brutale, il est vrai, de deux barres. »
Consensuel, le projet Saint-Maurice vise à combiner un programme immobilier plutôt dense (59 000 m2 shob) au capital végétal existant de la friche industrielle d'origine. Erratiquement boisée, cette emprise foncière de 3,5 ha participe de la ceinture verte des anciennes fortifications, avec pour voisins le vieux cimetière de l'Est et le jardin des Dondaines. Le parti développé par l'équipe de conception constituée autour de Xaveer de Geyter consiste à remuer le moins de terre possible et à profiter de la déclivité naturelle du terrain (4 m) pour accéder aux parkings sous immeubles. Le tracé en lanières prolonge le tissu du faubourg voisin, avec la création de deux rues. Les immeubles sont positionnés sur ces bandes parallèles en fonction des arbres existants : sur les 136 inventoriés, 80 ont été conservés et 60 replantés. De hauteurs variables, les quatorze implantations évitent tout vis-à-vis et enfermement des espaces intérieurs.
Héritant du projet à son arrivée la Saem Euralille en 1998, Jean-Louis Subileau a eu pour principal souci de réamorcer un marché immobilier en panne depuis six ans. Si le parti urbanistique fut conservé dans ses grandes lignes, le programme a été entièrement repris pour introduire des bureaux dans les trois immeubles coupés nets en pignon sur le périphérique et démultiplier la maîtrise d'ouvrage en huit lots opérationnels. Le rapport au sol des immeubles et l'aménagement des espaces verts intérieurs ont fait l'objet d'un travail précis pour organiser la perméabilité du quartier. La succession des séquences paysagères induit des circulations transversales et des transparences visuelles affranchies du bâti. Les lignes sont traversées par des cheminements qui ménagent la surprise des vues des tours d'Euralille entre les immeubles. Le sol naturel est conservé dans son modelé d'origine. Les revêtements du chemin piéton varient selon les lieux et les séquences, de la maxi-dalle de béton enduit de résine, à l'opus de schiste en passant par des galets et des résines perméables. Une douzaine de séquences sont ainsi définies, allant du square modelé au parvis dallé, du passage sous immeuble au perron, du jardin public au verger privé. Autant d'ambiances qui captent le regard et retiennent le piéton dans un quartier situé à moins de mille mètres du centre-ville.
Fiche technique :
Maîtrise d'ouvrage : Saem Euralille.
Maîtrise d'oeuvre de conception : Xaveer de Geyter, en association avec Laloux & Lebecq, architectes, et Fabienne Fendrich, paysagiste.
Maîtrise d'oeuvre technique : services techniques de Lille Métropole communauté urbaine (section grands travaux).
Programme : 3,5 hectares d'emprise foncière, 52 000 m2 Shon répartis entre 17 000 m2 de bureaux et 450 logements, dont 15 maisons individuelles en 14 implantations et 8 lots opérationnels, 15 000 m2 d'aménagements publics et espaces verts
Calendrier : consultation en 1997, programmation opérationnelle en 1998-1999, livraison 2000-2004.
ILLUSTRATIONS :
A gauche, implantation en bandes parallèles des bâtiments du quartier saint-maurice face aux tours d'eurallille, et plan-masse montrant le traitement du sol des espaces publics.
Ci-contre et ci-dessus, une succession de séquences paysagères qui permet des circulations piétonnes et des transparences visuelles affranchies des volumes bâtis.