A l'aube des 80 ans de la loi du 20 juin 1936 ayant instauré les congés payés, et alors que les débats sur l'actuel projet de réforme du Code du travail font rage, notamment sur cette question (1), le Conseil constitutionnel est très récemment intervenu (2), un peu à contre-courant, afin d'enterrer une exception au droit à congés payés issue d'un autre temps. Exit la notion de "fidélité" à l'entreprise qui justifiait ces congés, place à l'égalité entre les salariés, qui désormais, même en cas de faute lourde – donc d'intention de nuire à l'entreprise, selon une jurisprudence établie – ont droit à leur indemnité compensatrice.
Dans cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC), était plus précisément visé l', selon lequel «l'indemnité (compensatrice de congés payés) est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur ». Pour le salarié licencié à l'origine du recours, cette disposition portait atteinte au droit au repos et au droit à la protection de la santé découlant du Préambule de , mais aussi au principe d'individualisation des peines.
Mais ce n'est pas sur ces motifs que la disposition litigieuse a été censurée par le Conseil constitutionnel. C'est en fait ce dernier qui a soulevé d'office le moyen de la censure, relevant que cette partie de l' portait atteinte au principe d'égalité garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « dès lors que (son) application est exclue lorsque l'employeur est tenu d'adhérer à une caisse de congés en application de l' ».
Il faut en effet rappeler, à l'instar du commentaire « officiel » de la décision rendue par le Conseil, que dès 1936, « il a été prévu (...) que des caisses de congés se substituent aux employeurs pour le paiement des indemnités compensatrices de congés payés dans des secteurs limitativement énumérés par voie réglementaire ». Avec en tête le secteur du BTP, pour lequel ce régime dérogatoire était notamment « justifié par le souci de garantir, en faveur des salariés exerçant des emplois précaires ou discontinus, l'acquisition d'un droit à congé payé et l'effectivité d'un repos rémunéré », toujours selon les termes du commentaire de la décision.
Une différence de traitement entre les salariés injustifiée pour le Conseil, qui censure ainsi la disposition contestée, et plus précisément l'insertion "dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié" de l'. D'application immédiate – donc invocable dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement – cette décision replace l'ensemble des salariés sur un pied d'égalité, que leur employeur adhère ou non à une caisse de congés spécifique. Une mise en conformité tardive avec le droit communautaire, dont devra tenir compte la future loi portée par la ministre du Travail, Myriam El Khomri.