A Vitré (Ille-et-Vilaine, 19 000 habitants), « deux bailleurs sociaux sur quatre ont signé une convention d’utilité sociale en matière de foncier, de programmation mais aussi de vente, car ils sont bien obligés de renforcer leurs fonds propres compte tenu des ponctions de l’Etat », explique Isabelle Le Callennec, maire (LR) rencontrée au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL), du 21 au 23 novembre à Paris.
Cette convention permet à la mairie de s’assurer que l’offre sociale sera reconstituée en cas de vente de logements sociaux à des locataires HLM ou à des accédants, qui sortiront ainsi du parc HLM. Mais attention, avertit l’édile : « Nous voulons rester à 21% de logements sociaux dans notre commune soumise à la loi SRU qui nous dit d’en avoir a minima 20%. »
Vitré : les habitants ont besoin d’un PTZ élargi à la maison individuelle
Les maisons individuelles vendues par les organismes HLM sont parties comme des petits pains. Mais en termes d’accession à la propriété, la demande reste insatisfaite. « Les habitants, en majorité des ouvriers et des employés, ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent plus acheter dans leur commune », témoigne la présidente de Vitré Communauté, qui voit sa population croître de 0,8% par an en moyenne ces dernières années, par ailleurs coprésidente du groupe de travail dédié au logement de l’Association des maires de France (AMF).
« Nous avons besoin d’un prêt à taux zéro (PTZ), toujours en fonction des revenus, mais ouvert à toutes les zones ainsi qu’à la maison individuelle, le produit préféré des Français. » Sobriété foncière oblige, les projets immobiliers éligibles pourraient être situés dans une zone d’aménagement concertée (ZAC), suggère-t-elle.
Contexte : un amendement d’un député LREM sur un PTZ élargi à la maison individuelle, à condition que celle-ci soit construire sur un terrain déjà artificialisé, n’a pas été retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. La balle est donc dans le camp du gouvernement, qui veut recentrer le PTZ sur le collectif et l’ancien s’il y a travaux énergétiques, uniquement en zones dites tendues.
Deux autres mesures, toujours à l’échelle nationale, pourraient « assurer la mobilité professionnelle et dégripper le marché de l’accession », souligne Isabelle Le Callennec. « Il faudrait, d’un côté, un produit d’incitation fiscale pour du logement locatif, un Pinel (en voie d’extinction, NDLR) qui ne renchérit pas les coûts et, de l’autre, un nouvel impôt local pour que les maires puissent assumer leurs responsabilités. »
L’élue fait référence à la proposition de l’AMF de créer une « contribution territoriale universelle » sur fond de baisse des dotations de l’Etat, conjuguée à la suppression de la taxe d’habitation. Sans oublier la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont l’extinction est prévue en 2027… « Je peux augmenter la taxe foncière, mais ne seraient concernés que 43% des habitants de Vitré », illustre la maire.
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Dreux : les outils existants stimulent le parcours résidentiel
Après des années stagnation démographique, Dreux (Eure, 32 000 habitants) attend avec impatience les chiffres du recensement qui feront état d’une croissance démographique, liée à « l’arrivée de Franciliens depuis le Covid », souligne Pierre-Frédéric Billet, le maire (LR). Ainsi « près de 850 logements seront livrés au cours de ces 24 prochains mois », ajoute l’édile, qui n’a pas attendu le récent classement de la ville en zone tendue pour fluidifier le parcours résidentiel.
Premier exemple : l’accession sociale en collectif neuf. Expérimental depuis 2020, l’outil s’appelle Foyer d’Eure-et-Loire. Il s’agit d’une branche de la SA HLM La Roseraie, dont la Ville est actionnaire à 24% aux côtés d’autres collectivités. « Nous privilégions à 100% les habitants voués à sortir du HLM. Pendant trois ou cinq ans, le loyer est identique à 50 euros près. Si le ménage n’y arrive pas, ce n’est pas grave, on lui trouve un logement social », assure l’édile. Une quarantaine de ménages sont sortis du parc social de cette manière, soit un taux de réussite de 90%. Les 10% restants sont le fruit de parcours de vie contrariants, comme la perte d’un emploi.
Une deuxième idée porte elle aussi sur un dispositif existant : la TVA réduite à 5,5% pour les ensembles immobiliers situés dans un rayon de 500 mètres d’un Quartier Prioritaire de la Ville (QPV), déterminé par une conventions conclue entre les collectivités et l’Etat. « Peu ou pas utilisée par les communes » qui ont pourtant du foncier, observe Pierre-Frédéric Billet, cette TVA réduite concerne à la fois le foncier et la construction. « Succès garanti en cette période de rapide hausse des taux d’intérêt depuis un an et demi », insiste-t-il. Là encore, le but vise à stimuler le parcours résidentiel. Sur les cinq lotissements représentant 200 logements sortis en huit ans, 60% des acquéreurs sont issus du parc social local.
Guer-Coëtquidan : les militaires gonflent la demande
Jean-Luc Bléher, maire (divers droite) de Guer-Coëtquidan (Morbihan, 6 500 habitants) et président de l’Oust à Brocéliande Communauté, considère que « le ZAN est un frein au développement économique, avec les retombées financières en moins ». Avant de préciser : « Je suis d’accord pour limiter l'étalement urbain, rénover et densifier nos centres-bourg, mais encore faut-il que les propriétaires soient d’accord. »
Sa solution pour soutenir la construction de logements ? « La commune a acheté le terrain à un vendeur qui ne voulait pas vendre aux promoteurs. Nous avons revendu sans plus-value à un promoteur, dont le programme – en cours – prévoit 90 logements. »
En additionnant les 60 lots de deux autres opérations privées et les 30 d’un programme social, 180 logements seront livrés entre 2024 et 2026. Une bouffée d’oxygène dans cette commune qui accueille les 2000 officiers de l’académie de Saint-Cyr Coëtquidan. Avec une nouvelle donnée : « de plus de plus de militaires veulent vivre en dehors du site », souligne le maire. Quand ce ne sont pas les riches Parisiens qui compliquent la vie aux locaux...
Chaumont : des aides pour « favoriser l’acquisition d’un logement vacant »
Direction Chaumont (Haute-Marne), qui perd des habitants depuis trois décennies. L’enjeu de cette ville de 21 000 âmes située en zone détendue « se situe davantage sur l’existant, la qualité énergétique du bâti plutôt que sur la construction de logements nouveaux », pose la maire (divers centre) Christine Guillemy.
D’où ce programme pour « favoriser l’acquisition d’un logement vacant ou encore la réhabilitation et la rénovation de logements dégradés », expose-t-elle. Sur les 180 logements concernés, près de 100 dossiers ont été accompagnés depuis 2021. Le montant total d’aides s’élève à 1,8M€, dont 1,2Md€ partagés entre la Région Grand Est, l’agglomération et l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
Au-delà de son champ d’action, la maire de Chaumont soutient « l’idée d’une décentralisation des politiques de l’habitat qui suppose un vrai travail pour que chaque territoire bénéficie de moyens financiers et humains permettant d’adapter leurs actions suivant les besoins locaux. On pourrait imaginer, par exemple, de donner la possibilité aux bailleurs sociaux de créer des logements intermédiaires dans les zones détendues ».