Quelles muses inspirent les architectes ? Pour le savoir, rendez-vous à Paris, à l'exposition des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes 2018 (1). Vingt praticiens de moins de 35 ans promus par le ministère de la Culture y affichent leurs travaux et leurs références sur des panneaux de 2,50 x 1,20 m. On découvre pêle-mêle des photos d'architectures, de paysages, de livres, de films et autres œuvres d'art comme autant de cartes postales de voyages. Ces images nourrissent leurs réflexions et leurs projets. Margaux Darrieus, commissaire de l'exposition, a constaté que « les jeunes concepteurs sont préoccupés par l'ordre, la composition, l'affirmation de la structure et revendiquent une attention aux qualités sensibles de la matière, qu'elle soit massive ou minimale, traditionnelle ou industrielle ». Cinq d'entre eux nous expliquent pourquoi dans le détail : Combas (lire p. 52-53), Titan (p. 55), Bast (p. 56), Régis Roudil (p. 57) et Atelier Rita (p. 58-59).
Alors qu'au XXe siècle, les jeunes architectes se plaisaient à revendiquer une filiation avec tel ou tel de leur pair, ceux du XXIe siècle puisent dans de multiples références. Les plus radicaux optent, à l'inverse, pour le ni Dieu, ni maître. « Jusque dans les années 1980, l'enseignement était dogmatique, il fallait adhérer à la parole du maître ; à présent on ouvre les chakras aux étudiants et on pousse leur curiosité vers d'autres disciplines », indiquent Romain Chazalon, Jérôme Glairoux et Gérald Lafond, architectes de l'agence Link, à Lyon, et enseignants à Saint-Etienne.
Etudier des contre-exemples semble aussi formateur selon eux. « On a beau détester BIG et sa grandiloquence, il est nécessaire d'aller voir son architecture au Danemark et comprendre son mécanisme, poursuivent-ils. Car nous sommes en quelque sorte des garagistes qui assemblons des pièces entre elles. »
Revendiquer des filiations ou opter pour le ni Dieu, ni maître.
Vernaculaire versus spectaculaire. Les trentenaires disposent via leur smartphone d'une banque d'images mondiale sur l'architecture. Ce n'est pas pour autant qu'ils copient-collent à tout va. Ils enrichissent leur culture internationale pour, paradoxalement, mieux construire local. Plusieurs évoquent « le bon sens paysan » pour guider l'implantation de leurs bâtiments. Ils se réfèrent même à des architectures… sans architecte. Le vernaculaire s'oppose alors au spectaculaire. Ce choix délibéré de faire simplement avec ce qu'on a sera peut-être un jour contraint. « Nos aînés ne se posaient pas la question de l'épuisement des ressources naturelles pour bâtir, nous si », souligne Sophie Delage, architecte de l'agence Combas. Pour son associé Pierre Le Quer, « rien n'est à inventer, tout est à réinventer ».



