L’article 146 de la loi Climat et résilience a introduit, à l’article L. 122-2-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l'intégration des enjeux liés à la crise climatique dans les procédures de déclaration d'utilité publique (DUP) pour les projets d'ouvrages aéroportuaires.
Pour mémoire, cet article prévoit que : "Les projets de travaux et d'ouvrages visant à créer ou à étendre une aérogare ou une piste pour augmenter les capacités d'accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique ne peuvent être déclarés d'utilité publique en vue d'une expropriation en application du présent code s'ils ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre [GES] générées par l'activité aéroportuaire par rapport à l'année 2019."
Des études à fournir
Publié au "Journal officiel" le 23 juin, le décret n° 2022-923 du 22 juin 2022 précise les travaux ou ouvrages aéroportuaires pour lesquels, en vue d'obtenir une déclaration d'utilité publique, les expropriants doivent joindre à leur demande des études spécifiques. Sont visés les projets de création ou d'extension de piste, les projets de travaux et d'ouvrages ayant pour objet de créer une aérogare de passagers ou de procéder à son extension et les projets de travaux et d'ouvrages ayant pour objet de créer une aérogare de fret ou de procéder à son extension.
Quant aux documents à fournir par l'exploitant, il s'agit :
- d'une étude ayant pour objet de déterminer si le projet a ou non pour effet d'augmenter les capacités d'accueil de l'aérodrome ;
- et dans l'affirmative, d'une étude complémentaire visant à montrer si l'opération entraîne une augmentation nette des émissions de GES générées par l'activité aéroportuaire par rapport à l'année 2019.
Le texte détaille le contenu de ces études. Il confirme notamment "que c’est bien l’intégralité des émissions résultant de l’exploitation du projet, donc en particulier celles relatives aux déplacements des usagers de l’aérodrome, qui doit être prise en compte", comme l'expliquait le ministère de la Transition écologique lors de la consultation publique sur le projet de décret.
Pré-cadrage
En outre, le décret crée une procédure de pré-cadrage. Elle permet à l'expropriant, s'il le souhaite, de solliciter un avis préalable sur ses chances de succès au regard des études fournies, auprès de l'autorité compétente pour déclarer d'utilité publique le projet. L'avis émis se fonde sur un dossier communiqué par l'exploitant comprenant : une notice explicative ; le plan de situation ; l'étude ou les deux études précitées. Cette dernière dispose de six mois pour rendre son avis. Si celle-ci conclut à l'impossibilité du projet, l'avis doit être motivé.
Consultation des collectivités
Enfin, les modalités de consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements sur les projets de travaux sont précisées. Ainsi, le préfet ou les préfets des départements concernés doivent saisir les collectivités territoriales et leurs groupements affectés par le projet dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la demande de DUP. Seront ainsi amenés à donner leur avis, dans un délai de deux mois là encore, les collectivités et groupement dans le ressort desquels se situe l'aérodrome concerné, mais aussi ceux situés dans le périmètre d'un plan d'exposition au bruit ou d'un plan de gêne sonore.
Nombreuses exclusions
Tous les projets aéroportuaires ne seront cependant pas concernés par cette exigence de vertu climatique. Tout d'abord, la loi Climat et résilience (art. 146) exclut expressément de ces obligations les projets de travaux et d'ouvrages relatifs à l'aérodrome de Nantes-Atlantique, jusqu'au 31 décembre 2036, et à l'aérodrome de Bâle-Mulhouse et aux hélistations.
Elle dispense également les projets de travaux et d'ouvrages relatifs aux aérodromes situés en Outre-mer ainsi que ceux rendus "nécessaires par des raisons sanitaires, de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaires".
Par ailleurs, ces obligations nouvelles ne s'appliquent que pour l'obtention de DUP. Or selon une étude publiée en février 2021 par le Réseau Action Climat, "dans la très grande majorité des cas, les aéroports étant des domaines très vastes, le propriétaire dispose de suffisamment de place pour effectuer les aménagements sur son propre terrain, sans avoir besoin d’expropriation, et donc de DUP pour procéder aux travaux". Elle établissait ainsi que les dix plus grands projets d'extension d'aéroports sur le territoire métropolitain allaient échapper à ces restrictions...