Le masque de la statue de la Liberté trône toujours, monumental, dans le vaste atelier des Métalliers champenois. La présence de cette figure tutélaire rappelle que la PME marnaise a véritablement pris son essor après la restauration du célèbre emblème new-yorkais en 1984-1986, bien que l’entreprise soit née huit ans plus tôt. Aujourd’hui, elle réalise 68 % de son chiffre d’affaires à l’export, et prévoit qu’il atteindra 75 % en 2010.
Les Métalliers champenois ont été créés par quatre compagnons du devoir. Alors que leur cofondateur et président, Jean Bourly, s’apprête à passer la main en douceur à son fils Jérôme, la société s’incruste plus que jamais sur un marché de niche, celui du bronze d’architecture, qui n’est pourtant pas sa spécialité d’origine. Un tournant stratégique pris au début des années 2000. « Ce produit est intimement lié à notre développement à l’étranger, souligne le patron. Les Français le jugent en effet trop cher et trop ostentatoire. » Les Américains, ou même les étrangers installés dans l’Hexagone, n’ont pas ce genre de pudeur à l’égard des signes extérieurs de richesse.
Les réalisations de l’entreprise ornent donc les résidences privées de riches particuliers (95 % de la clientèle), des boutiques de luxe et des hôtels haut de gamme disséminés pour la plupart en Amérique du Nord, dans les pays arabes (Dubaï, Qatar, Bahreïn, Maroc, Arabie Saoudite) ou méditerranéens. Israël (Jérusalem) vient de s’ajouter récemment à cette liste où figurent aussi l’Égypte, la Grèce, la Russie…
Les vertus du bouche-à-oreille
Le plus étonnant, c’est que cette couverture planétaire a été obtenue sans l’aide de commerciaux. « Le réseau des architectes, designers et décorateurs français avec lesquels nous travaillons dans le monde entier est notre meilleure force de vente », assure Jean Bourly. Tout juste son fils Jérôme, directeur général, concède-t-il « faire un peu de prospection pour le contemporain ». L’attrait du produit fait le reste. Enfin presque, dans la mesure où tous les contacts ne débouchent pas sur un contrat. Il ne faudrait pas non plus négliger tout le travail réalisé au départ. Ainsi, le sang de Jean Bourly n’a fait qu’un tour lorsqu’il a appris que la statue de la Liberté se préparait à un grand lifting pour célébrer son centenaire. Avec deux mots d’anglais, une bonne dose de culot et encore tout auréolé du statut de restaurateur de la place Stanislas à Nancy, le chef d’entreprise part frapper à la porte de la fondation chargée de réunir les fonds nécessaires aux travaux et réussit à la convaincre de lui confier ce marché prestigieux.
Les Métalliers champenois ont posé le pied sur le sol américain, et ils ne vont plus le quitter. Dès 1986, date de réception du chantier, ils ouvrent une filiale non loin de New York. Une partie de l’équipe qui a travaillé sur la statue reste sur place pour fonder LMC Corp. à Paterson, New Jersey. Cette filiale spécia- lisée dans la ferronnerie d’art a été cédée en 2007, mais c’est elle qui a défriché le terrain. Entre-temps, une seconde filiale a vu le jour en 2004 à Paramus, dans le même État. Son nom, Horus Bronze, traduit le changement de cap opéré par l’entreprise française.
L’Europe en vue
« Horus compte trois salariés, dont un architecte et un responsable de pose, détaille Jérôme Bourly. La société vend les études, l’ingénierie et assure le suivi des chantiers, en s’appuyant sur des sous-traitants locaux. Mais tous les produits restent fabriqués par la maison mère, sauf certains vitrages. Cette présence sur place est nécessaire pour prétendre accéder au marché du luxe, de la côte est à la côte ouest des États-Unis. »
Loin de se reposer sur leurs lauriers, Les Métalliers ont décidé de se lancer à la conquête de nouveaux marchés... européens, notamment de la Suisse et des pays de l’Est.
