« Les mesures vont dans le bon sens, mais allons plus loin », Jean-Louis Dumont, président de l’USH

Le monde HLM arrivera-t-il à atteindre ses objectifs de construction ?  A quelques jours du congrès annuel de l’USH, qui se déroulera du 23 au 25 septembre à Lyon, Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) dresse les enjeux auxquels le monde HLM devra répondre dans un avenir proche.

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Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l’habitat

Le Congrès de l'USH se déroulera du 23 au 25 septembre à Lyon. Quel message souhaitez-vous faire passer aux congressistes ?

Jean-Louis Dumont : Le thème du congrès nous invite à réfléchir à l'évolution de notre métier. Notre modèle a été construit durant les 30 glorieuses, or, nous n'évoluons plus dans une période de croissance et les revenus de nos locataires ne progressent plus. Nous devons donc maîtriser la « quittance nette globale », ce que l'on appelle plus communément, les loyers, et cela passe par une réduction des coûts.

Comment réduire les coûts de construction ?

J.-L. : Leur augmentation est principalement liée à l'augmentation du prix du foncier et à l'inflation des normes. En parallèle, durant une dizaine d'années, les banques ont accompagné l'allongement de la durée des prêts ce qui a permis d'emprunter plus pour améliorer la qualité des logements. Aujourd'hui, baisser le niveau de qualité n'est pas envisageable, mais nous pouvons travailler sur la simplification des normes. Enfin, nous pensons que la maquette numérique devrait nous permettre d'optimiser les multiples interventions de corps d'état sur un chantier.

Le gouvernement a justement engagé une démarche de simplification des normes à travers le plan de relance du logement. Les mesures annoncées sont-elles suffisantes ?

J.-L. : Les mesures annoncées vont dans le bon sens mais il faut aller plus loin. Nous pensons que certaines normes sont excessives, et il serait judicieux de les assouplir sans que cela influence la qualité du logement.

Quid de la libéralisation du foncier annoncé par l'État ?

J.-L. : Cette mesure va également dans le bon sens. Le gouvernement a pris conscience des difficultés rencontrées, on peut supposer qu'il y aura des résultats qui s'inscriront dans le temps. Le gouvernement fixe des objectifs et c'est une bonne chose. Le problème, c'est qu'il y a un décalage entre la volonté politique et la perception stratégique des différents niveaux administratifs concernés. Je m'explique. Avec la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, on a voulu mobiliser, le texte a été voté en session extraordinaire. Mais certains décrets d'application ont été publiés 18 mois après la publication de la loi au Journal Officiel. Je pense, par exemple, à celui qui a installé la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (CNAUF).

Concernant la libéralisation du foncier, j'en appelle aux opérateurs de l'État et aux opérateurs publics et parapublics (comme RFF, EDF, l'APHP...) qui doivent libérer des terrains ainsi qu'aux préfets qui ont la responsabilité d'insuffler la volonté de l'État sur les territoires.

Quelle sont vos préoccupations actuelles ?

J.-L. : Le mouvement Hlm est un mouvement optimiste car il sait que son action est utile. Il le mesure concrètement tous les jours sur le terrain. Optimiste mais attentif aux besoins du pays. Je vous ai fait part de notre attention à l'évolution des loyers. Nous sommes également inquiets de la baisse d'activité dans le secteur du bâtiment et de la faible activité de production hors habitation à loyer modéré (Hlm). Nous savons bien que nous sommes un échelon essentiel de la chaîne de production du logement, mais nous ne pouvons pas répondre seuls aux besoins de logements des Français, nous comptons également sur les autres acteurs du secteur.

Il y a aussi dans « nos inquiétudes » la question récurrente de l'amiante. Tous les logements bâtis avant 1997 sont potentiellement amiantés, cela vaut autant pour les logements privés que les Hlm. Au total, 15 millions d'habitations sont concernées, dont 3 millions dans le parc social. Aujourd'hui, sans aide de l'État et sans évolutions techniques, nous estimons le surcoût annuel lié au traitement de l'amiante à 2,3 millions d'euros, soit l'équivalent de la construction de 120 000 logements ou à la rénovation énergétique de 400 000 habitations.

Comment financer le désamiantage ?

J.-L. : Pour faire face à cette obligation, nous avons insisté auprès du Premier ministre pour qu'une enquête épidémiologique soit réalisée. Forts de ces informations, nous pourrons alors définir ensemble les modalités d'intervention. Enfin, nous demandons également que la puissance publique pousse la recherche dans le secteur afin que les évolutions techniques à venir, comme les traitements automatiques, l'apparition de robots... permettent de préserver la santé des travailleurs de l'amiante tout en réduisant le coût des traitements.

Par ailleurs, le jour où le traitement de l'amiante deviendra systématique, cela posera plusieurs problèmes, au-delà du parc Hlm. Il faudra déterminer comment soutenir financièrement les propriétaires concernés. Nous avons donc besoin que les règles soient précisées et qu'elles restent fixes. Aujourd'hui, lors d'une opération de désamiantage, les normes de protection sont définies par l'inspection du travail. Elles varient en fonction de l'appréciation de chaque inspecteur, il est donc impossible d'anticiper les modalités et le coût des travaux. Nous ne contestons pas les normes de protection, nous demandons seulement à ce qu'un cadre d'intervention soit définit car nous avons besoin d'y voir plus clair sur le dossier.

Alors que le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement est en débat au Parlement, comment le monde HLM anticipe-t-il cette problématique ?

J.-L. : Le logement social n'est plus vécu comme une étape transitoire, il est devenu un mode de vie. Aujourd'hui 20% de nos locataires ont plus de 65 ans, nous devons donc adapter nos logements. Cette démarche doit s'inscrire à l'échelle de la ville, en partenariat avec les maires, et pas seulement à l'échelle du bâtiment, pour que le logement soit facilement accessible. D'ailleurs, nous pensons que l'habitation doit être adaptable, et non pas adaptée, car une même surface ne peut pas répondre en même temps à toutes les problématiques liées au handicap. Par exemple, une personne atteinte de cécité n'aura pas besoin des rampes installées pour un locataire à mobilité réduite. Inversement, apposer un signal lumineux pour indiquer que l'on sonne à la porte ne sera pas utile à un habitant qui se déplace en fauteuil roulant.

Enfin, il serait judicieux de créer une filière d'attribution spécifique aux logements adaptés. Cela permettrait d'optimiser les efforts réalisés. Pour y parvenir, nous allons demander aux organismes de recenser leur patrimoine, pour détecter les logements adaptés et ceux facilement adaptables, afin d'en tirer une cartographie.

J.-L. : Cette année, si les tendances se confirment sur le 4ème trimestre, nous aurons entrepris plus de 80 000 rénovations thermiques. Nous sommes donc en progression et nous pouvons atteindre l'objectif. Là aussi il y a un enjeu de simplification. Aujourd'hui pour financer une rénovation, il faut remplir un dossier du Fonds européen de développement régional (FEDER) avec ses critères propres, monter un dossier à remettre à la collectivité locale concernée, qui elle aussi peut avoir des critères spécifiques, et enfin, déposer un dossier auprès de la Caisse des dépôts pour déclencher un Eco-prêt qui lui aussi fixera des critères différents. J'aimerais que l'on se fasse confiance pour aller dans le même sens. Quand un dossier est « agréé » par le FEDER qu'il le soit pour les autres, et inversement, c'est du bon sens !

Le pacte signé avec l'Etat en 2013, qui demande notamment à l'USH de construire 120 000 logements sociaux par an et d'en rénover 100 000 chaque année,  va-t-il être renforcé ?

J.-L. : Nous souhaitons profiter du congrès pour stabiliser les conditions du pacte signé pour la période 2013-2015, car nous avons besoin d'engagements de l'État. Nous savons que le contexte budgétaire actuel peut pousser certains acteurs à penser à court terme, sans prendre en compte l'apport de notre activité à l'économie du pays et aux politiques publiques, en programmant de nouveaux prélèvements ou en supprimant le cadre fiscal spécifique dédié aux organismes HLM.

Je pense par exemple à deux mesures qui représentent des enjeux majeurs pour l'activité des organismes. L'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) portée à 25 ans pour les opérations financées jusqu'en 201 sera-t-elle prolongée ? Même interrogation pour l'abattement de 30 % de la TFPB appliquée aux logements situés en zone urbaine sensible (ZUS) et dont l'exonération est arrivée à expiration. L'abattement sera-t-il maintenu dans les nouveaux quartiers politiques de la ville (NQPV) ? Rappelons que l'incertitude fiscale n'incite pas les acteurs à se mobiliser alors même qu'aujourd'hui, le secteur HLM réalise un tiers de la production de logement. Nous souhaitons dire au gouvernement que nous sommes prêts à redoubler d'efforts, à condition que la parole donnée soit tenue.

L'an passé, vous avez bénéficié d'une prime exceptionnelle de 120 millions d'euros allouée aux opérations de construction de logements sociaux...

J.-L. : Et nous demandons à en bénéficier cette année encore. Enfin, chaque ministre doit arrêter d'avoir « son » produit Caisse des dépôts. Toutes ces mesures complexifient la démarche et ralentissent le montage des opérations. Il faut une approche globale du financement de la rénovation, cela créera de l'activité et sera utile aux locataires.

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