RT 2012 oblige, « nous avons tous mis nos gammes de menuiseries extérieures en conformité avec la réglementation. Nous sommes tournés vers la maison passive et la prochaine réglementation thermique 2020 », affirme Charles-Gaël Chaloyard, directeur de la communication et du marketing de Sapa Building System. Dans le neuf comme en rénovation, où les critères de coefficient thermique et de facteur solaire sont devenus une condition pour bénéficier de l'écoconditionnalité, les performances techniques de la fenêtre sont incontournable.
« En apportant des obligations techniques et normatives, les réglementations thermiques nous poussent à l'innovation », note Patrick Rutar, directeur commercial de Gimm Menuiseries et de Lapeyre Industrie chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment. D'autant qu'il faut composer avec des verriers précurseurs en ce domaine, à l'instar de l'essor de couches à faible émissivité, de vitra-ges à contrôle solaire... « Les gammistes vont tout faire pour rattra-per les bons points marqués par le verre, inscrivant la fenêtre dans la course à la performance et à l'inno-vation, confirme Philippe Macquart, délégué général de l'Union des fabricants de menuiseries extérieures (UFME). Si nous voulons conserver nos marchés nous devons en passer par une innovation permanente pour une fenêtre de qualité française et plus que jamais certifiée quel que soit le matériau. » Et pour cause, le marché est happé dans les mailles de la guerre des prix. « Certains veulent faire tourner leurs usines. Mais cette logique tire tout le monde vers le bas et dévalorise le produit. Ce marché manque de nouveautés, alors qu'aujourd'hui, particulièrement en situation de crise, il faut plus que jamais se démarquer par l'innovation et le service », rappelle Florent Ardouin, directeur du marketing et de la communication du groupe Millet.
Plein feu sur la baie coulissante
Il en va ainsi de l'aluminium, qui évolue fortement : les grandes ouvertures sur l'extérieur sont en phase de reconquête et la motorisation s'invite plus naturellement, ne serait-ce que pour manipuler des fenêtres alourdies de fait. « Ce matériau a le vent en poupe grâce au phénomène d'apport de couleurs et de clair de vitrage. L'aluminium tire profit à plein de la RT 2012, qui impose des surfaces vitrées plus importantes dans l'habitat », continue Patrick Rutar.
À côté de l'essor de coulissants d'angles, des baies à galandage sont arrivées en 2014. Autrefois plébiscitées par les consommateurs pour leur ouverture maximale à l'intérieur, elles avaient été écartées du marché du neuf à cause de leurs défauts d'isolation thermique et d'étanchéité à l'air. Ces faiblesses maintenant gommées, la baie à galandage affiche des performances thermiques et de facteur solaire équivalentes à une fenêtre aluminium. Du coup, en 2014, cette offre a étoffé le catalogue de nombreux industriels qui l'ont intégrée avec un souci d'homogénéisation des menuiseries. « La baie coulissante étant, après la fenêtre, l'ouverture la plus importante de la maison, nous développons une approche globale qui intègre ces deux menuiseries avec le même design et les mêmes performances thermiques. Les clients finaux pourront jouer sur le matériau - aluminium ou mixte - et la couleur, modulant ainsi l'approche selon le projet et le budget », reprend Florent Ardouin.
En outre, dans le neuf, où la surface vitrée doit égaler 17 % de la surface habitable, « on assiste à une course aux dimensions pour des vantaux de plus en plus grands où les profils s'effacent », constate Charles-Gaël Chaloyard. Les fabricants réduisent au minimum les largeurs vues de profilés pour maximiser la présence du vitrage plus isolant. Cet effet minceur agit aussi sur le montant central. Le clair de vitrage amélioré autorise des châssis du sol au plafond grâce à des prises de feuillure aux capacités augmentées. Pour les industriels, cela implique aussi d'intégrer de plus en plus la motorisation dans leur offre, ne serait-ce que pour manipuler ses baies grand large au poids alourdi par un plus grand volume de verre.
Vers toujours plus de mixité
La fenêtre PVC n'est pas en reste. Certes, ce matériau bataille sur les terres de l'aluminium. « Si les masses vues restent importantes, nous ne sommes plus très loin de l'aluminium, avec une performance thermique et une étanchéité à l'air optimales », note Patrick Rutar Les gammes à assemblage mécanique notamment ont permis de réduire ces fameuses masses vues. Parallèlement, « le PVC a entamé un rattrapage sur la partie couleur avec le plaxage et le laquage». Et s'il est blanc par défaut, comme 80 % des menuiseries posés en France, le PVC sait désormais se fondre dans les tons bois ou gris anthracite prisés par les architectes. Amincissement et couleurs sombres sont rendus possibles par l'intégration de fibres de verre pour renforcer les profils. Du même coup, cela permet de s'affranchir de renforts en acier, pour des coulissants PVC de grande dimension. Ces profils renforcés en fibres de verre proposés par des industriels comme AMCC, Bouvet ou Deceuninck « donnent vraiment des possibilités architecturales de formes et de conceptions incomparables tout en respectant les conditions nécessaires à la RT 2012 », s'enthousiasme Philippe Macquart.
Pour Patrick Rutar, en se projetant vers la RT 2020, le PVC a une carte à jouer : « À condition de se débarrasser de la notion de plastique qui peut être dévalorisante et en communiquant sur son recyclage, le PVC est, et sera, dans l'air du temps pour ses excellentes performances thermiques et d'étanchéité à l'air. Il n'enlèvera rien au développement de l'aluminium, les deux matériaux ne sont pas à opposer. » Et ce, d'autant que pour apporter plus de valeur ajoutée dans un marché de la fenêtre hyperconcurrentiel, les industriels plaident pour la mixité.
« Le PVC se capote d'aluminium ou de bois, le bois d'aluminium, et l'aluminium se compose de PVC », résume Philippe Macquart, chaque matériau allant puiser chez l'autre ce qui lui fait défaut : « Nous assistons même à l'avènement du mixte caché avec ces renforts en fibre de verre dans le PVC ou ses noyaux en composite dans les profils aluminium. La mixité est devenue l'avenir de la menuiserie. » La marge de progression est importante : les fenêtres mixtes représentent moins de 10 % du marché. Certes, les fenêtres se sont adaptées au marché réglementaire. Certes, elles évoluent, mais sans pour autant qu'il y ait « de réelle innovation de rupture », souligne cependant Charles-Gaël Chaloyard.
Face à des entreprises de pose en défaillance happées par la sinistrose, « le vrai enjeu, pour nous industriels, est de leur permettre de s'adapter à un marché difficile. Chaque entreprise qui met la clé sous la porte, c'est autant de fenêtres que nous ne vendrons pas ».
Accompagner les clients
Comment apporter ce service à ces entreprises ? En limitant les référen-ces, les stocks, « ou en propo-sant des logiciels simples d'utilisation ou des applis permettant une démonstration en un clic à leurs clients particuliers ». Avec la mixité des matériaux et la demande d'une fonction-nalité toujours plus importante par les consommateurs (sécuri-té, acoustique, thermique, esthétique, apport lumineux...), « nous allons vers des fenêtres hybrides qui répondront à tous ces critères, augure Florent Ardouin. Et demain, pourquoi ne pas imaginer l'emploi d'autres matériaux et déve-lopper des fonctionnalités auxquelles les consommateurs n'ont pas encore pensé ? » Encore une fois, la réponse tient dans l'innovation. Il reste encore à faire pour se différencier, même dans un marché de la fenêtre réglementé qui ne cesse de s'internationaliser.
