Comment s’est déroulée la période de confinement pour les bailleurs sociaux aquitains ?
Nous nous sommes organisés selon une temporalité spontanée, d’abord traiter les fragilités chez nos locataires, puis activer les partenariats. Ils ont pris plusieurs formes : avec la Banque des territoires, et son nouveau directeur régional Patrick Martinez, nous avons cosigné un courrier à ensemble des élus de la région, maires et présidents d’EPCI, pour les inciter, face à l’urgence, à instruire rapidement les permis de construire du logement social, et surtout remettre en place les garanties des prêts aux organismes HLM. Sans ces garanties, pas de programmation de logement possible. Ce temps juridique est préalable à l’acte de construire, au chantier ; plus on l’allonge, plus on retarde les chantiers. Nous avons pris de nombreuses mesures pour aider les 630 000 locataires néoaquitains [10 % de la population régionale, NDLR] et mis en place des solidarités avec les organismes représentatifs des locataires et nos gardiens : distribution de masques, livraison de courses ou de repas à domicile, aide alimentaire, mise à disposition de logements pour le personnel soignant et les sans-abri, etc.
Quel a été l’impact sur vos chantiers et votre activité d’aménageur ?
Dès le début du confinement, les entreprises ont arrêté les chantiers et l’Etat ne payait pas le chômage partiel des entreprises du bâtiment. Des négociations professionnelles est sorti le guide des bonnes pratiques de l’OPBTP, avec les fédérations, qui a permis à tous les acteurs de se mettre autour de la table et de relancer les chantiers. Notre rôle de maître d’ouvrage de logements sociaux est clairement contra-cyclique. La deuxième phase s’ouvre désormais, avec le même besoin de logement social. La Covid nous a fait entrevoir un besoin de logements différents, de proximité entre aménageurs, territoires, et les nouveaux besoins en zones rurales : l’USH construit dans 4 300 communes de la région. Nous avons identifié aussi de nouveaux besoins spécifiques de mobilité, de couverture numérique, d’efficacité énergétique et de confort de vie des logements.
« Une baisse de 50 % de la production de logements sociaux »
Quel rôle entendez-vous jouer pour la reprise ?
Notre objectif est de redémarrer les constructions et les aménagements de logements sociaux laissés en plan. Nous voulons soutenir l’activité du BTP et l’emploi, comme investisseur, aménageur et comme amortisseur social : une majorité de salariés des entreprises du BTP sont nos locataires. Protéger leur emploi, c’est rendre service à toute la filière. La question du surcoût des chantiers post-Covid va être débattue entre les organismes maîtres d’ouvrage et les entreprises. C’est également valable pour les logements à venir. Pour 2020, même si le chiffrage est en cours d’évaluation, on peut tabler sur une baisse de 50 % de la production de logements sociaux. Aussi, nous demandons à l’Etat de mettre en place une TVA à 5,5 % sur tous les chantiers HLM, en réhabilitation et construction neuve. Ainsi qu’un blocage de la Réduction de loyer de solidarité (RLS). Ces mesures nous permettraient d’envisager les nouveaux marchés en tenant compte des contraintes nouvelles de chacun.
Et à moyen terme, quelle est votre réflexion ?
Il faudra d’abord mettre en place un contexte de relance, avec toutes les difficultés d’une reprise. Cela doit inciter les maîtres d’ouvrage que nous sommes à penser le temps long, entre 3 et 5 ans, autour d’une réflexion sur nos métiers : aménageur, investisseur, amortisseur social. Comment allons-nous entendre, écouter les mouvements sociétaux qui vont s’installer ? Je suis agacée du retour dans les discours des vieilles lunes qu’on ressort à chaque crise, aux grands maux, les mêmes remèdes. La vraie priorité n’est pas là. Comment nos logements vont s’adapter aux aspirations de nos habitants, proximité, mobilité, emploi, numérique, bref, comment maintenir une vie sociale en proportion de la crise. Je crois beaucoup à l’Europe. Le logement social, en tant que service social d’intérêt général, est éligible aux fonds social européen (FSE). A nous de créer des programmes opérationnels, avec la région, sur les cinq ans, à venir, en utilisant ces fonds européens.