Il faut dix ans pour devenir un bon couvreur, estime Jean-Christophe Le Ny, qui a repris avec son frère Arnaud l'entreprise familiale fondée en 1933 par leur grand-père d'origine bretonne. « La valeur ajoutée de nos entreprises, c'est le savoir-faire de nos compagnons, souligne-t-il. Toutes nos compétences sont dans leurs mains ». La main qui manie le maillet et le tas pour emboutir une plaque de plomb et la façonner selon la forme souhaitée. La main qui soupèse et jauge les plaques d'ardoise pour éliminer les plus fragiles atteintes par la pyrite, découpe ces feuilles de schiste avec un marteau et un burin, les cloue harmonieusement pour éviter les « effets de piano » des toitures ondulées.
Les quatre chefs-d'œuvre en vitrine du siège de la société à Dardilly, près de Lyon (Rhône), témoignent de la dextérité de ses couvreurs qui sont notamment intervenus sur les toits du château de Versailles, de l'opéra de Monaco, de l'Hôtel-Dieu à Lyon, du Carreau du Temple à Paris, de la cathédrale de Gap, des gares de Bordeaux et de Lille, de la mairie de la Rochelle, du caveau du Château, bâtisse dédiée aux vins de la maison Guigal à Ampuis (Rhône), et du château de la Chaize dans le Beaujolais. La notoriété du couvreur lyonnais s'est construite aussi sur sa capacité à bien échafauder (au sens premier) ses chantiers. Sept clochers en ardoise ont ainsi pu être réalisés en un an dans les deux Savoie.
Le Ny
- Activité : couverture depuis 1933.
- CA 2021 : 14 M€.
- Effectif global : 80 personnes.
- Spécialités : couverture de monuments historiques et petits ouvrages d'ornementation en métal.

Un avenir plombé ? A Marseille, Le Ny est en passe de boucler la couverture du chœur de La Major, cathédrale dont la toiture présente une unité chromatique avec les murs de pierre claire. Particularité de ce chantier de grande ampleur, tout le plomb a été déposé, recyclé puis reposé selon les plans en 3D établis par le bureau d'études de l'entreprise lyonnaise, sous l'autorité de l'architecte en chef des monuments historiques. « Le plomb est un matériau durable et malléable, recyclable à 99 % », soutient Jean-Christophe Le Ny qui a plaidé devant les sénateurs la cause de sa profession face aux menaces d'interdiction de ce métal à l'échelle européenne qui, selon lui, mettrait en péril « la conservation à long terme des bâtiments anciens ».
Le plomb ouvragé est le Graal des couvreurs et des ornemanistes, spécialisés dans les ouvrages d'ornementation en métal comme les crêtes de faîtage de La Major. Sa mise en œuvre est ancestrale. Les techniques de pose n'ont guère changé depuis des siècles. Seuls certains outils ont évolué, comme ces bananes en Téflon utilisées pour modeler, mettre en forme des gorges et des moulures concaves.

La réfection de Notre-Dame de Paris. Boostée par le plan de relance, la rénovation de monuments historiques constitue une grande partie de l'activité des 39 couvreurs qualifiés Qualibat, membres du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH). Quatre d'entre eux se sont associés pour la réfection de la toiture et de la flèche de Notre-Dame de Paris. Un exercice particulièrement délicat. Les couvreurs doivent repartir d'une feuille blanche, contrairement aux charpentiers qui disposent de nombreux plans de l'ouvrage.
La perpétuation de ces techniques ancestrales n'empêche pas certains professionnels d'innover. Attentif à la santé et aux conditions de travail de ses ouvriers, Le Ny a expérimenté en partenariat avec Hilti un exosquelette pour manipuler plus aisément des éléments de bardage en hauteur, et rendre ainsi ces tâches moins pénibles et moins rébarbatives.
