L’heure est au « package » de rémunération. Les entreprises du BTP déploient tous les dispositifs salariaux pour attirer de nouveaux talents et conserver leurs forces vives. A commencer par la mise en place d’une politique d’augmentation des salaires dynamique. Avec une progression moyenne des salaires de 3,5 % réalisée en 2007, elles poursuivent leurs efforts de motivation et de fidélisation.
Très présente dans le secteur, la rémunération variable poursuit sa percée. « Pour que cette strate de la rémunération soit réellement variable, il convient de bien fixer les objectifs dès le départ au travers de fiches remises aux collaborateurs », précise Jean-Manuel Soussan, directeur du développement RH et rémunération de Bouygues Construction. Généralisé à partir d’un certain niveau d’encadrement, le versement de primes s’étend aux Etam.
Dispositif de partage de la valeur ajoutée, l’épargne salariale gagne du terrain. Plus de six entreprises sur dix interrogées dans le cadre de notre enquête déclarent avoir mis en place au moins un dispositif. Celles qui n’en sont pas encore pourvues tentent de combler leur retard. Leur attractivité est à ce prix.
Mais si le secteur du BTP entre dans l’ère de la rémunération globale, il est sans doute encore éloigné de pratiques salariales « à la carte » qui tendent à se développer dans d’autres secteurs. Ces « rémunérations cafétéria » ont pour principe de proposer différentes formules de rémunération (salaire voiture plan d’épargne retraite Perco par exemple), laissant les cadres faire leur choix.
Pour toutes les entreprises, l’enjeu cette année sera de diffuser, auprès des salariés, les informations concernant les rémunérations.
Le bilan social individualisé s’avère un excellent outil. « Depuis un an, nous remettons en fin d’année, à l’ensemble de nos salariés, un bilan social individualisé qui reprend tous les éléments composant leur rémunération », indique Hervé Meller, DRH de Vinci Construction France et de Vinci Construction. La communication est là au service de la fidélisation.
Rythme soutenu des augmentations de salaires
Le marché reste tendu. Sur le front des recrutements, les entreprises affichent encore et toujours des besoins d’intégrer de nouveaux cadres dans leurs rangs. Près de 75 % des entreprises interrogées dans le cadre de notre enquête déclarent envisager des recrutements équivalents, voire plus nombreux que ceux réalisés l’an passé. Pour attirer des candidats comme pour rester attractives auprès de leurs salariés, elles n’ont d’autres choix que de mener une politique salariale offensive. Les progressions salariales réalisées l’an passé en témoignent. Alors qu’elles prévoyaient d’augmenter les salaires à hauteur de 3,1 % en 2007, les entreprises interrogées en fin d’année dernière ont annoncé un taux moyen d’augmentation réalisé de 3,5 % et de 3,8 % pour la seule population des cadres ! Ce taux, comparable à celui réalisé en 2006, reste à son plus haut niveau depuis le démarrage de notre enquête salaires il y a neuf ans. « La norme a changé dans le secteur du BTP. Il est devenu très rare de faire 1 % à 2 % de progression salariale. Aujourd’hui, elle se situe dans une fourchette allant de 2 % à 5 % », analyse-t-on chez Ipsos. « Nous allons rester, en 2008, sur une politique salariale dynamique car l’activité reste soutenue. L’an passé, nous étions sur un taux d’augmentation de 4,4 % hors prime. Il devrait être légèrement supérieur cette année », illustre Jean-Manuel Soussan, directeur du développement des ressources humaines de Bouygues Construction.
Augmentation de 10 % par anpour les jeunes recrues. Les augmentations de salaires restent majoritairement basées sur le mode de l’individualisation. « Nous menons une politique de différenciation, illustre François de Dreuzy, directeur des projets RH et rémunération de Spie. Nous ciblons certaines populations comme les jeunes diplômés, les ‘‘potentiels’’ et les compétences sur lesquelles il y a de fortes tensions. » Ainsi, dans bien des entreprises, les jeunes recrues bénéficient de progressions salariales avoisinant les 10 % par an. « Nous pratiquons, pour les jeunes cadres de moins de 31 ans, deux revues de salaires dans l’année, l’une en janvier et l’autre en juillet », indique Jean-Yves Lagière, DRH de Razel. Une bonne façon de mettre en place des actions correctives et de ne pas figer un salaire pendant toute une année. Chez ETDE, les collaborateurs présents dans l’entreprise au 1er janvier 2007 ont bénéficié d’augmentations individuelles légèrement supérieures à celles des collaborateurs embauchés en cours d’année.
Quelle que soit la politique salariale choisie, les DRH se trouvent confrontés à un « effet de percussion » lié aux recrutements externes. « La pénurie de candidat sur le marché a eu un effet inflationniste sur les salaires demandés par certains candidats. Ce qui pose problème, aujourd’hui, c’est la différence entre les salaires internes, qui ont suivi l’évolution normale du marché, et les salaires des nouveaux embauchés », illustre Jean-Yves Lagière. Selon notre enquête, les jeunes ingénieurs travaux démarrent aujourd’hui avec un salaire moyen annuel de 33 500 euros. Dans la plupart des majors, la fourchette se situe davantage en 33 000 et 35 000 euros par an. Des niveaux de salaires équivalents à ceux d’ingénieurs entrés dans le secteur il y a deux ou trois ans. Sur cette fonction, il n’y a plus guère d’écarts de salaires entre Paris et la province pour les débutants. Aussi, face aux tensions de recrutement du marché francilien, liées principalement au coût du logement, certaines entreprises étudient la modulation de leur grille d’embauche des jeunes diplômés selon qu’ils intègrent une entité en Ile-de-France ou en province.
De plus en plus de part variable
Plus de sept entreprises sur dix versent des primes à leurs cadres. Un pourcentage qui croît d’année en année d’après notre sondage. A partir d’un certain niveau d’encadrement, les salariés ont accès à une part variable de leur rémunération. Contractuelle ou non, elle est exprimée en pourcentage de la rémunération annuelle ou en nombre de mois de salaires. Dans la moitié des entreprises interrogées, les primes représentent entre 10 % et 20 % de la rémunération annuelle.
Chez ETDE, ces primes peuvent prendre deux formes. « A partir du niveau chef de service, nous octroyons des primes sur objectifs de la structure et sur les performances individuelles, en tenant compte d’un certain nombre de critères comme la sécurité, le management… Selon la fonction occupée, ces primes peuvent représenter 10 % à 40 % de la rémunération. Par ailleurs, en fin d’année, nous versons des primes individuelles en fonction des résultats d’un chantier, d’une entité… », indique Yves Laqueille, DRH de l’entreprise. Encore réservé au middle-management, l’octroi de prime tend à se généraliser. Chez Spie, un jeune diplômé, dès sa deuxième année de présence, a accès à une variabilité de sa rémunération. Dans d’autres entreprises, cette politique s’applique également aux Etam. Comme dans le groupe Balas, spécialisé dans le génie climatique-couverture-plomberie. « Tous les quatre mois, nous faisons une revue du personnel de production pour récompenser la rentabilité des chantiers. En fonction des résultats, nous versons des primes individualisées », explique Cécile Chatendeau, DRH.
Progression de l'épargne salariale
Autre composante de la rémunération, l’épargne salariale gagne du terrain dans les entreprises de BTP. Si moins d’une entreprise sur deux déclarait avoir mis en place un dispositif en 2003, elles sont aujourd’hui 63 % à en proposer un à leurs salariés. Intéressement, participation, plan d’épargne font désormais partie du paysage. Enjeu : associer les salariés à la bonne marche de l’entreprise et partager avec eux une partie de la valeur ajoutée. Dans une période où les entreprises affichent de bons résultats, l’opération s’avère payante pour les salariés. « Nous avons une politique forte d’abondement des sommes versées dans le plan d’épargne groupe, expose Hervé Meller, DRH de Vinci Construction France et de Vinci Construction. En cinq ans, le prix de l’action a plus que doublé. » Chez Spie, la mise en place des dispositifs d’épargne salariale s’est accélérée depuis deux ans. « Aujourd’hui, nos salariés ont accès à la participation, l’intéressement et à un plan d’épargne groupe abondé un pour un. Par ailleurs, Spie a une culture forte de l’actionnariat salarié. Les sommes moyennes versées par salarié se situent aux alentours de 2 000 euros », explique François de Dreuzy, directeur des projets RH et rémunération. Les entreprises qui ne sont pas encore dotées de tels dispositifs pressent le pas pour combler leur retard. « Nous ne pouvons pas faire l’économie de mesures d’épargne salariale car elles font partie intégrante de la rémunération, expose Jean-Yves Lagière, DRH de Razel. La participation n’est pas un dispositif adapté à une entreprise comme la nôtre car nous réalisons une bonne partie de notre chiffre d’affaires hors de France. Le bénéfice net entrant dans la base de calcul de la participation ne concerne que le bénéfice réalisé en France. C’est pourquoi, nous allons proposer un accord d’intéressement et un plan d’épargne entreprise. »
Epargne salariale : des écarts entre grandes et petites entreprises. L’épargne en vue de la retraite (Perco) peine à se développer. Les salariés étant sans doute encore réticents à bloquer leur épargne sur du très long terme. Le groupe Balas a mis en place, à l’attention de ses cadres dirigeants une retraite complémentaire. « Un pourcentage de leur rémunération est capitalisé et reversé, sous forme de rente, à la retraite. C’est un élément de fidélisation », précise Cécile Chatendeau, DRH.
Si les grandes entreprises sont plus ou moins bien dotées en termes d’épargne salariale, les petites restent à la traîne. Une étude de la Dares*, publiée en novembre dernier, montre la corrélation entre taille de l’entreprise, obligation légale et développement de l’épargne salariale. « Plus de 85 % des salariés travaillant dans des entreprises d’au moins 50 salariés sont couverts par au moins un accord d’épargne salariale, contre 11 % dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation légale de mettre en place un dispositif », indique l’étude.
Pour réduire ces écarts entre grandes et petites entreprises, le législateur a inscrit, dans la loi de décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié, un certain nombre de mesures. A commencer par la création d’un « intéressement de projet » (voir interview ci-contre) qui vise à associer les salariés d’entreprises différentes, notamment ceux des PME, concourant à un projet commun. La loi pour le pouvoir d’achat va dans le même sens avec la mesure permettant aux PME de moins de 50 salariés de verser, en marge des augmentations de salaires, une prime exceptionnelle, exonérée de cotisations sociales.
3,8%c’est le taux moyen d’augmentation pour la seule population des cadres?! Ce taux, comparable à celui réalisé en 2006, reste à son plus haut niveau depuis le démarrage de notre enquête salaires il y a neuf ans..
Les primes s’élèvent en moyenne à11% de la rémunération annuelle brute d’un cadre.
