L'organisation patronale a rassemblé le 11 juin un vaste auditoire, au sein duquel figuraient nombre d'entreprises de l'univers du BTP, autour du thème de la conformité (ou «compliance»). Ce terme vise les démarches mises en place par des entreprises pour s'assurer du respect par leurs salariés de la réglementation, en vue de prévenir et gérer le risque juridique. Et ce dans des domaines très variés : droit de la concurrence, réglementation financière, lutte contre la corruption, droit de l'environnement, etc.
L'efficacité des programmes en question
Venus du monde anglo-saxon, les programmes de conformité se développent en France. Les entreprises s'y intéressent de plus en plus. Ainsi EGF-BTP organisait le 1er avril dernier un atelier sur ce thème pour ses adhérents. Mais l'engouement des entreprises est tempéré par le coût de ces programmes, notamment en termes de formation des personnels, et par les doutes pesant sur leur efficacité. Invités par le Medef, se sont montrés plutôt rassurants sur ce dernier point. Ainsi Bruno Lasserre a rappelé l'engagement fort de l'Autorité de la concurrence - qu'il préside - en faveur des programmes de conformité. Il a annoncé la sortie prochaine de deux documents en cours d'élaboration. D'une part, des lignes directrices sur l'utilisation de la procédure de non-contestation des griefs. Il s'agira d'expliquer, compte tenu de la pratique décisionnelle de l'Autorité, comment obtenir une réduction d'amende en coopérant. Ainsi une « non-contestation » pure et simple permet de faire baisser l'amende encourue d'environ 10 %, tandis qu'une non-contestation accompagnée d'engagements de l'entreprise (visant par exemple à mettre en place un programme de conformité) aboutit à des réductions pouvant s'élever jusqu'à 25 %. L'Autorité publiera d'autre part un document cadre qui synthétisera sa « vision plus politique de la conformité. Nous expliquerons pourquoi la compliance est une chance pour l'entreprise, un vecteur de sécurité juridique et économique », a expliqué Bruno Lasserre. Avant d'ajouter : « En cas d'infraction, jamais nous ne pénaliserons une entreprise pour avoir adopté un programme de conformité qui n'aurait pas été suffisamment efficace».
La complexité du cadre juridique français
La démarche de conformité voit aussi son développement freiné par les spécificités de l'environnement juridique français (droit du travail, protection des données personnelles etc.). Pour Martin Szersnovicz, juriste à l'UIMM, «notre Code du travail rend impossible l'application uniforme d'un programme de conformité élaboré par un groupe au niveau mondial. Des adaptations sont nécessaires». Quatre vecteurs sont, d'après lui, envisageables pour adopter un programme de conformité : «la charte, mais cela n'a aucune valeur juridique ; l'accord collectif, même si la compliance ne fait pas partie des domaines de négociation obligatoire avec les organisations syndicales ; le règlement intérieur ; ou encore la note de service». Selon le juriste de l'UIMM, le plus simple est peut-être de recourir à «la note de service ne relevant pas du domaine du règlement intérieur. Cela suppose d'énoncer les règles à respecter mais pas les sanctions. L'entreprise évite ainsi la procédure relativement lourde d'adoption du règlement intérieur.»
Les clés de la crédibilité
Pour Pascal Durand-Barthez, avocat au cabinet Linklaters, chargé de conclure le colloque, la question de l'utilité des programmes de conformité est maintenant dépassée. De même, «il est évident pour tous que ces programmes doivent être multi-disciplinaires. Mais ils doivent avant tout être crédibles, ce qui suppose un engagement de l'entreprise au plus haut niveau de direction, des programmes clairs, lisibles et adaptés, une formation des salariés, des mécanismes de contrôle et des sanctions dissuasives.»