Dix ans après l'adoption de la directive-cadre sur les déchets qui a notamment organisé la procédure de sortie du statut de déchets (SSD) (1), l'heure est au bilan. Alors qu'un arrêté du 11 décembre 2018 (2) apporte des nouveautés importantes en la matière, force est de constater que le dispositif semble rencontrer un succès mesuré. Mais cela pourrait changer prochainement, notamment dans la filière BTP. Retour sur la procédure applicable.
Un déchet est classiquement vu comme un résidu voué à l'abandon, sans valeur. Quitter ce statut permet de le valoriser économiquement et de lui rendre sa qualité de produit. De plus, la SSD s'inscrit pleinement dans la société de recyclage et le développement d'une économie circulaire, promue notamment par la relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Enfin, la SSD soustrait le producteur et le détenteur à la police des déchets, lourde de responsabilités et de contraintes réglementaires (transport, traçabilité) et fiscales (taxe générale sur les activités polluantes). A noter toutefois qu'en redevenant produit, l'ex-déchet doit alors se conformer à d'autres réglementations : Code de la consommation, garantie des vices cachés, règlements européens sur les produits chimiques (Reach et CLP), etc.
Des sorties de statut réservées à certains déchets...
Tous les déchets n'ont pas vocation à redevenir des produits. La SSD est en effet réservée aux déchets qui répondent aux quatre critères prévus par l' et précisés, pour certaines catégories de déchets, par des règlements européens ou des arrêtés ministériels.
Comme souvent en matière d'environnement, l'Europe a ouvert la voie avec des procédures et critères de SSD pour les débris métalliques (2011), de verre (2012) et de cuivre (2013). La procédure au niveau européen a ceci d'avantageux qu'elle est reconnue dans tous les pays de l'Union européenne (UE). Un produit issu d'une SSD pourra donc circuler librement dans toute l'UE sans être considéré comme un déchet.
En France, quatre arrêtés ministériels ont fixé des critères de SSD pour le bois d'emballage à usage de combustible (, pour les déchets graisseux et les huiles alimentaires à usage de combustible (, pour les résidus de distillation des huiles usagées à usage de plastifiant de bitume pour l'étanchéité des toitures ( et enfin pour une dizaine d'autres types de déchets tels que les cartouches d'impression, les emballages en matériaux divers (papier/carton, plastique, bois, verre, métal, etc), les conteneurs à pression vides, les pneus, les déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE), y compris contenant des composants dangereux, des produits chimiques, des textiles et des éléments d'ameublement (arrêté du 11 décembre 2018 précité).
Nombreuses initiatives. Quelles que soient les filières, les initiatives sont nombreuses mais les procédures peinent à aboutir. Au niveau européen par exemple, la SSD pour les déchets de papier s'est arrêtée en 2013 en raison d'un taux d'impureté trop élevé. Au niveau national, la SSD des déchets du BTP, qui représentent plus de 200 millions de tonnes par an dont 70 % de terres et 30 % de gravats, connaît des débuts difficiles. Une consultation engagée en 2014 n'a pas abouti en raison de contraintes techniques trop lourdes en termes d'analyses à réaliser et de conditions de stockage de ces déchets. Un nouveau texte est cependant en discussion depuis février 2019. Les terres excavées et les sédiments pourraient avoir leur cadre de SSD d'ici à la fin 2019. Sont également avancées la SSD pour les matières fertilisantes et les supports de culture fabriqués à partir de déchets, celle pour les pièces issues du démontage des véhicules hors d'usage, ou encore celle relative aux objets et produits chimiques ayant fait l'objet d'une régénération.
Les terres excavées et les sédiments pourraient avoir leur cadre de SSD d'ici à la fin 2019.
On perçoit bien la difficulté à trouver un point d'équilibre entre qualité du produit final, coût et technicité du processus de valorisation d'un côté, et protection de l'environnement et de la santé de l'autre. Le tout pour concurrencer des matières premières qui peuvent être moins onéreuses.
… mises en œuvre dans des installations autorisées…
ICPE ou Iota. L' prévoit que la SSD doit être mise en œuvre par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ou d'une installation soumise à la loi sur l'eau (Iota).
La feuille de route pour l'économie circulaire publiée en mai 2018 prévoit de faciliter la SSD en la rendant possible hors des ICPE ou Iota « afin de démultiplier l'utilisation des déchets comme ressources ». Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi portant suppression de surtransposition de directives européennes en droit français, actuellement en discussion au Parlement, le gouvernement tente d'obtenir l'annulation de cette obligation de traitement dans une installation autorisée, sans succès pour l'instant. Mais, par anticipation, l'arrêté du 11 décembre 2018 précité a prévu une procédure de SSD et des conditions n'incluant pas de traitement dans une ICPE ou Iota - ce en quoi il paraît contraire à la loi.
... selon des procédures encadrées
Un déchet peut quitter son statut selon une procédure explicite ou implicite. La SSD est explicite lorsqu'elle est mise en œuvre en application d'un texte européen ou national. Elle est implicite lorsque, dans une ICPE, un déchet est utilisé en substitution d'une matière première pour produire une substance ou un objet similaire à la substance ou l'objet qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets (voir avis du ministère de l'Ecologie du 13 janvier 2016, NOR : DEVP1600319V).
Dossier technique. En ce qui concerne la procédure explicite, il s'agit soit de suivre les conditions et critères techniques fixés par un texte existant (voir supra), soit de prendre l'initiative et de déposer auprès du ministre chargé de l'environnement une demande pour une nouvelle catégorie de déchets ( ). Dans cette hypothèse, le demandeur ou son mandataire devra alors constituer un dossier technique identifiant le déchet considéré, décrivant l'opération de valorisation et démontrer que les quatre critères posés à l' sont dûment respectés. Le silence gardé par l'administration vaudra décision de rejet au bout de douze mois.
A des fins de simplification, le modifiant la procédure de sortie du statut de déchet a supprimé la commission consultative sur le statut des déchets qui devait auparavant être consultée.
Attestation de conformité. En réponse à la demande, un arrêté ministériel fixera les critères techniques de SSD, ainsi que le contenu de l'attestation de conformité qui devra être établie pour chaque lot de substance ou d'objet ayant cessé d'être des déchets. Cette attestation sera transmise à l'acquéreur du lot et une copie en sera conservée pendant cinq ans par le producteur à des fins de traçabilité. Enfin, l'exploitant devra préalablement faire certifier sa démarche à travers un système de gestion de la qualité de type .
En somme, il est relativement fastidieux de lancer une SSD pour une nouvelle catégorie de déchets, mais quand le texte existe déjà, chaque producteur aura intérêt à apprécier l'opportunité technique et économique de suivre la procédure pour transformer ses déchets en produits.