Il ne suffit pas de produire de l’énergie offshore, encore faut-il acheminer les électrons sur la terre ferme. Pour cela, RTE installe deux câbles sous-marins de 22 cm de diamètre au fond de la Manche afin de relier les éoliennes à la plage de Bernières-sur-Mer (Calvados) avant de rejoindre le poste de transformation de Ranville.
A chaque fois, les campagnes pour dérouler ces câbles et les fixer au plancher marin s’étalent sur deux semaines environ. Pour vérifier les effets sur les écosystèmes marins, RTE travaille sur le projet Coquille Saint-Jacques, outil de surveillance de l'impact des câbles électriques (Oasice), en partenariat avec le Laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) de l’Université de Bretagne Occidentale (Ubo), le CNRS à Brest, et le bureau d’études TBM Environnement.
« L’objectif est de mesurer l’impact des opérations de pose des câbles, comme celui de l’installation des parcs éoliens et les effets sur les coquilles Saint-Jacques, leur croissance, leur environnement proche ou leur comportement », explique Aurélie Jolivet, docteur en océanologie et responsable du pôle mer de TBM. C’est pourquoi, les plongeurs sous-marins ont installé à proximité des câbles RTE, une cage qui compte 40 coquilles Saint-Jacques instrumentées. La cage est munie d’une sonde multi-paramètres qui enregistre la température, le taux de chlorophylle, d’oxygène, de sel et la turbidité de l’eau. Un hydrophone est également en place afin d’enregistrer les bruits.
« Une archive biologique »
Parmi les Saint-Jacques, dix sont également munies d’un simple scratch afin d’y fixer un accéléromètre, du même type que ceux qui détectent les mouvements dans nos mobiles. Ils sont reliés aux valves de la coquille afin d’enregistrer les micro-mouvements d’ouverture de la coquille. Tous les mois les plongeurs remplacent les capteurs afin d’analyser les données collectées et poursuivre les mesures. Ce suivi ne concerne que la période de croissance des coquilles, soit entre mars et octobre, donc en dehors des périodes de pêche, mais pendant les phases de travaux de RTE.
Pourquoi étudier spécifiquement les coquilles Saint-Jacques ? « Parce que ces bivalves affichent les événements sur leur coquilles, explique Aurélie Jolivet. Nous pouvons lire les événements sur les stries de leurs coquilles, qui présentent aussi l’avantage de piéger tous les éléments chimiques. Cette dernière fonctionne comme une archive biologique. » Les chercheurs étudient ainsi de nombreux facteurs en mesurant la croissance des coquilles et leur composition chimique.
Un retard de croissance dû au bruit des travaux
Depuis la pose du câble Ifa2 entre la France et l’Angleterre par RTE en 2020, les six mois de suivi grâce à des Saint-Jacques installées à 20 et à 80 m de distance du câble sous-marin, a permis de collecter de précieux renseignements. Par exemple, le bruit des travaux a entrainé un retard de croissance mesurable sur les coquilles. Plus précisément, les perturbations ont été enregistrées sur trois périodes de 24 heures correspondant aux phases de pose du câble, puis à celle du passage du robot sous-marin pour le visualiser, et enfin, à celle de l’ensouillage du câble.
L’analyse chimique des coquilles n’a pas mis en évidence de pollution chimique pendant ces travaux, mais les marqueurs ont montré une eau très turbide d’origine fluviale. Là aussi, l’activité des coquilles a été modifiée, puis est redevenue normale par la suite.
Les coquilles n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets. Elles restent à contribution après l’installation des câbles de liaison du parc éolien en mer du Calvados, et serviront encore en 2023 avec, cette fois, la mise en place des éoliennes elles-mêmes.