Le projet de loi de modernisation de l'économie, qui sera débattu au Sénat à partir du 30 juin, prévoit l'instauration par ordonnance d'une Autorité de la concurrence. Il s'agit de transformer le Conseil de la concurrence en véritable gendarme, notamment en renforçant ses pouvoirs d'enquête et en lui confiant le contrôle des concentrations.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf) a mis en ligne un avant-projet d'ordonnance. Il est soumis à concertation : tout intéressé peut transmettre ses observations à Bercy d'ici le 15 juillet. L'Autorité de la concurrence pourrait voir le jour cet automne, selon le calendrier annoncé. Bruno Lasserre, président du Conseil de la concurrence, s'est déclaré (selon le journal "Les Echos") globalement satisfait du projet, qui permettra de "gagner beaucoup en efficacité et en rapidité" – à condition toutefois que les moyens nécessaires soient affectés à la nouvelle Autorité.
Ce que prévoit l'avant-projet d'ordonnance en 4 points :
1/ Une autorité plus puissante
L'Autorité de la concurrence, qui demeurera une AAI (autorité administrative indépendante), bénéficiera de moyens d'investigation renforcés. Une partie des enquêteurs de la Dgccrf devrait ainsi être transférée à l'Autorité.
Autre nouveauté, l'Autorité aura désormais le pouvoir de se saisir d'office de toute question intéressant la concurrence.
Pour garantir le respect des droits des entreprises pendant la phase contentieuse, un conseiller auditeur sera nommé afin de surveiller le déroulement des procédures.
2/ Transfert du contrôle des concentrations
Le renforcement des pouvoirs de l'Autorité se traduit aussi par de nouvelles compétences : elle sera désormais chargée du contrôle des concentrations. Les entreprises devront notifier leurs opérations à l'Autorité, laquelle décidera de les autoriser ou de les interdire. Le ministre de l'Economie disposera simplement d'un pouvoir "d'évocation", pour reprendre la main sur une opération lorsque l'intérêt général le justifie.
3/ Traitement rapide des micro-pratiques
L'avant-projet d'ordonnance prévoit un régime spécifique pour les "micro-PAC", ou micro-pratiques anticoncurrentielles. Cela vise les infractions locales, et mises en œuvre par des entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 50 millions d'euros individuellement et 100 millions en cumul.
Le ministre de l'Economie pourra enjoindre aux entreprises de cesser ces micro-PAC, ou leur proposer une transaction.
Cette disposition est certainement celle qui fait l'objet des plus vives réserves des praticiens. Alain Ronzano, juriste au CREDA (Centre de recherche sur le droit des affaires de la CCI de Paris) s'en fait l'écho : "le risque existe de voir se multiplier les faux positifs, c'est-à-dire les condamnations de pratiques qui ne portent pas préjudice aux consommateurs […]. Il est à craindre en effet que certaines pratiques de PME, peut-être douteuses prima facie, se trouvent soumises à transaction et donc à sanction par le ministre, alors qu'elles n'auraient pas été qualifiées d'anticoncurrentielles par l'Autorité de la concurrence". Le risque étant renforcé par le rapport de force déséquilibré qui peut exister entre le ministre et les PME suspectées.
4/ Modification des règles de prescription
Bonne nouvelle pour les justiciables : selon l'avant-projet, la prescription sera désormais acquise en toute hypothèse lorsque l'Autorité n'aura pas statué dans les dix ans après la cessation de la pratique anticoncurrentielle.
Sophie Deluz