Les brasseurs d’airs : une solution sobre et efficace face aux canicules

En l’absence de réglementation, le projet de recherche Brasse vise à caractériser la performance de ces équipements frugaux pour massifier leur utilisation en métropole. Une réponse concrète face aux vagues de chaleur.

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brasseurs d'air salle de classe

Alors que la plupart des élus semblent démobilisés face au changement climatique, certains acteurs restent très engagés. C’est le cas du bureau d’étude Surya Ingénierie, pilote du projet de recherche Brasse, dont l’objectif est d’évaluer l’impact des brasseurs d’air plafonnier sur le confort thermique et acoustique des usagers. Ces équipements low tech, à faible consommation d’énergie améliorent le confort en été en jouant sur la température ressentie : la vitesse d’air accélère l’évaporation, ce qui diminue légèrement la température du corps.

« 80 % des ménages en sont équipés aux États-Unis. Le dispositif est aussi connu des territoires d'outre-mer, comme à La Réunion ou aux Antilles, où le mercure est au plus haut », constate Tangi Le Bérigot, directeur général de la société tourangelle. Mais face à l’absence de normes et de réglementations en France métropolitaine, il y a besoin de prouver leur efficacité pour massifier leur installation. « D’autant que les données constructeurs ne sont pas fiables. Elles s’appuient sur le débit d’air, c’est-à-dire la quantité d'air que peut traiter l’équipement, plutôt que sur la vitesse d’air, c’est-à-dire leur capacité à faire du vent participant à l'amélioration du confort. De plus les tests de débit sont réalisés dans des cylindres, ce qui fausse le système de fonctionnement des brasseurs. C’est encore pire pour les données acoustiques », déplore l’ingénieur.

Les données constructeurs ne sont pas fiables. Elles s’appuient sur le débit d’air, c’est-à-dire la quantité d'air que peut traiter l’équipement, plutôt que sur la vitesse d’air, c’est-à-dire leur capacité à faire du vent.

—  Tangi Le Bérigot, directeur général de Surya Ingénierie

Une équipe pluridisciplinaire

Face à ce besoin de méthodologie pour qualifier les performances des brasseurs d’air et permettre une conception au plus juste, l’équipe de recherche s’est organisée de juin 2020 à décembre 2022 autour du laboratoire privé en acoustique Lasa, du laboratoire Piment de l’Université de La Réunion, du laboratoire aérodynamique Eiffel du CSTB, d’un chercheur de l’Institut de sciences exactes et appliquées (Isea), et du centre de ressources Envirobat Bâtiment durable méditerranée, qui a pu apporter des retours d’expérience et transmettre les connaissances.

Des retours d’expériences concrets

Les premières années de travail ont permis de défricher le sujet au travers de recherches dans la littérature existante - notamment celle de l’université de Berkeley (Californie), précurseur dans le domaine - de retours d’expérience, de simulations aérauliques CFD, d’essais en laboratoire et in situ. Plus de 100 personnes ont été interrogées, 300 autres consultése, 27 bâtiments visités, et 11 locaux instrumentés en condition de laboratoire (478 mesures de vitesses d’air). Ces recherches se traduisent par 14 rapports thématiques disponibles sur la libraire de l’Ademe depuis avril 2025. 

Des préconisations standardisées

Brasse II, porté par Surya Ingénierie et le Lasa, permet encore de renforcer ces connaissances grâce à des éléments robustes et concrets. Un laboratoire d’essai a été installé dans les locaux de Surya Ingénierie, à Tours. Durant un an, dans cette pièce de 4 m de côté et d’une hauteur de plafond de 2,50 m, d’une température de 28°C pour une humidité de 60 %, 51 brasseurs d’air de 21 marques différentes ont été testés.

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brasseurs d'air brasseurs d'air

© Surya Ingénierie

Ces essais ont permis d’établir un protocole standardisé de détermination des performances des brasseurs d’air présents sur le marché. « Pour permettre au concepteur d’apprécier la qualité d’un produit en fonction de son besoin, Brasse II propose ainsi une échelle des vitesses d’air en m/s et de la puissance acoustique en dB(A) en fonction des cas d’usage », explique Tangi Le Bérigot. En dessous de 0,45 m/s, la vitesse d’air du brasseur n’a que peu d’effet sur le ressenti. Elle est similaire à l’ouverture d’une fenêtre. De 0,45 à 0,6 m/s, il devient pertinent lorsque les personnes sont au repos, dans une chambre à coucher par exemple, à condition que l’acoustique soit inférieure à 27 dB(A). Si la vitesse d’air du brasseur est comprise entre 0,6 et 0,85 m/s, l'appareil doit être préconisé pour des activités douces de bureau, et jusqu’à 1,2 m/s, pour des activités modérées. Au-delà, le brasseur sera pertinent en cas d’activités soutenues, comme le sport ou les salles de motricité des écoles. « Le bon brasseur est bien celui qui est adapté à l’usage », insiste l’ingénieur.

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échelle brasseurs d'air échelle brasseurs d'air (LUQUAIN, Amelie)

© Surya Ingénierie

Face aux canicules, ces équipements frugaux et basse technologie sont des appareils efficaces, tant qu’ils restent intégrés dans un projet global, ou l’exposition, les protections solaires et la ventilation sont gérées efficacement.

—  Tangi Le Bérigot, directeur général de Surya Ingénierie

Le bon brasseur d’air au bon endroit

Des règles de calepinage, autrement dit de bon positionnement des brasseurs d’air dans la pièce pour obtenir la vitesse d’air attendue, ont également pu être définies. « Jusqu’alors, l’idée principale consistait à installer les brasseurs d’airs selon le nombre de m², mais cette approche est insuffisante puisque leurs performances diffèrent en fonction de leur intégration dans la pièce. Des préconisations tiennent compte de leur diamètre, de leur vitesse de rotation, de la géométrie de l’espace, de leur distance par rapport aux murs, ou entre eux », détaille ainsi Tangi Le Bérigot.

La distance au plafond des brasseurs d’air est également un sujet qui fait débat. « Avec nos essais, nous avons prouvé que les brasseurs doivent être positionnés à une certaine distance du plafond pour ne pas subir un phénomène d’étouffement. Par exemple, avec un plafond à 2,50 m et un brasseur de 132 cm de diamètre, il doit être positionné entre 2,30 m et 2,10 m de haut. Sauf qu’une norme non obligatoire demande encore au constructeur de brasseurs d’air de les installer au-dessus de 2,30m, ce qui crée une ambiguïté », poursuit l’ingénieur.

Ce travail a aussi permis au bureau d’étude de cartographier l’offre actuelle et de comparer en toute transparence et objectivité les différents équipements. « Parmi eux, trois devraient à mon sens être retirés du marché », indique l’ingénieur qui pointe du doigt les brasseurs d’airs aux pales fines et métalliques qui tournent trop vite et qui sont tranchantes, des appareils d'ailleurs interdits aux États-Unis.

Un outil en ligne bientôt disponible

Ce mois-ci, un site qui répertorie les principales données, les performances des 51 appareils testés, les rapports d’essais, et qui offre un outil de calepinage simplifié ainsi qu’un outil de dimensionnement, sera mis en ligne et accessible gratuitement. Les conclusions de Brasse II seront rendues en septembre 2025. 

« Face aux canicules, ces équipements frugaux et basse technologie sont des appareils efficaces, tant qu’ils restent intégrés dans un projet global, ou l’exposition, les protections solaires et la ventilation sont gérées efficacement », conclut Tangi Le Bérigot.

Le projet Brasse constitue ainsi un premier pas pour aller vers la mise en place de règles communes, avec le soutien appuyé de la Commission européenne, mais aussi d’autres institutionnels comme l’Ademe, l’Anah, ou la direction générale de l'énergie et du climat, des parties prenantes des recherches susceptibles de faire bouger les lignes.

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