Enquête

Les bailleurs sociaux tournent à plein régime

Le gouvernement a fixé aux organismes HLM l'objectif de 250 000 agréments d'ici à 2022. Qu'elles soient fiscales, foncières ou administratives, les solutions abondent pour l'atteindre.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Les solutions des maires pour relancer la construction HLM

De l'aveu d'un grand nombre d'acteurs du monde HLM, l'objectif est ambitieux. Obtenir les agréments pour la construction de 250 000 logements sociaux entre 2021 et 2022 relève presque de l'exploit au regard des 87 500 logements agréés en 2019, alors qu'un total de 110 000 unités à produire « seulement » avait été fixé cette année-là. Et pourtant, toutes les familles qui composent l'Union sociale pour l'habitat (USH) ont toppé. Ou presque.

Seule la Fédération nationale des offices publics de l'habitat (OPH) n'a pas apposé sa signature au « protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux en 2021 et 2022 » conclu entre le gouvernement, les membres de l'USH, la Banque des territoires et Action Logement Groupe. « Nous nous inscrivons évidemment dans cette dynamique, mais n'avons pas signé car il n'y a pas vraiment eu de concertation, ni d'échanges et encore moins de négociation, indique Laurent Goyard, directeur général de la fédération des OPH. Cet objectif nous semble hors d'atteinte, et ne pas l'atteindre pourrait être un mauvais signal, voire un piège pour les acteurs du logement social puisque cela risquerait de leur être reproché. »

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 26866_1585698_k3_k1_3659128.jpg PHOTO - 26866_1585698_k3_k1_3659128.jpg

Obligation de regroupement. Ces dernières années, les bailleurs sociaux ont cumulé les difficultés. A la crise sanitaire et à la pénurie de matériaux, il faut ajouter la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui grève les budgets des organismes, la baisse de 5 euros des APL actée à l'été 2018, la révision du mode de calcul de cette aide depuis le 1er janvier 2020 qui vise à faire 1,1 Md € d'économies selon le gouvernement, les élections municipales, jamais favorables à la construction de logements - qu'ils soient sociaux ou libres -, et enfin l'obligation de regroupement des bailleurs gérant moins de 12 000 HLM depuis le 1er janvier de cette année. « Tous les services sont grandement mobilisés, pas uniquement ceux qui relèvent de la finance et de la comptabilité. Ce projet concerne également les services de gestion locative, les équipes de maîtrise d'ouvrage…, énumère Christian Bande, associé du cabinet de conseils Grant Thornton. Dans quelques années, nous observerons une meilleure efficacité des organismes mais, aujourd'hui, les ressources financières et humaines sont mobilisées sur le projet de regroupement. » En arrivant à la présidence de l'USH, Emmanuelle Cosse réclamait un objectif fixé à l'échelle nationale. Afin que l'Etat s'engage. « La demande exprimée dans les territoires ne suffit plus à convaincre les élus d'octroyer des permis de construire pour développer du logement social », déplore-t-elle toujours. Pour Didier Poussou, délégué général de la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH), la mobilisation du gouvernement « est une bonne chose, elle générera un effet d'entraînement ». Il l'affirme : les ESH seront au rendez-vous. « Les indicateurs de terrain montrent que nos membres produiront leur part cette année, soit 60 000 agréments », calcule-t-il. Au total, le nombre d'agréments enregistrés devrait être plus élevé qu'en 2019.

« Reste à savoir si l'on sera autour des 100 000 unités ou des 110 000, voire 120 000 », glisse Emmanuelle Cosse. L'USH dénombre 2,2 millions de demandeurs de logement social. « Il s'agit de personnes qui renouvellent chaque année leur demande, qui attendent une réponse. Donc, même si les agréments augmentent cette année, je ne m'en contenterai pas : nous avons besoin d'une réponse qui s'inscrive sur les dix prochaines années. »

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 26866_1585698_k4_k1_3659130.jpg PHOTO - 26866_1585698_k4_k1_3659130.jpg

Compensations. Selon une étude réalisée par le cabinet Astères pour le compte d'Alila, l'augmentation du nombre d'agréments passera surtout par la simplification des démarches, la réduction des délais d'obtention et la mise en place de mesures financières. « Il est étonnant que, d'un département à l'autre, pourtant situés dans une même région, les approches soient différentes, commente Didier Poussou. J'ai en tête un département dont le service instructeur a introduit une double procédure, conduisant à examiner une deuxième fois la nature des permis de construire délivrés. Sur le terrain, tous les services ne sont pas forcément orientés vers une instruction rapide des dossiers… » En juin dernier, l'Association des maires de France (AMF) appelait à réviser la fiscalité locale en matière de logement social. Car, entre l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant vingt-cinq ans pour les constructions HLM et la disparition progressive de la taxe d'habitation, il y a de quoi « refroidir les ardeurs et rendre les équipes municipales prudentes », estimait Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine) et actuel secrétaire général de l'association, par ailleurs candidat à sa présidence. L'USH appelle donc à une meilleure compensation de l'exonération de la TFPB. « Les dotations aux collectivités locales pourraient davantage tenir compte de l'effort de construction », propose Jean-Luc Vidon, directeur général d'ICF Habitat La Sablière et président de la Fédération nationale des associations régionales HLM.

Le nombre d'agréments enregistrés en 2021 devrait être plus élevé qu'en 2019

Les propositions abondent et sont débattues dans le cadre de la commission Rebsamen, qui doit rendre ses conclusions en ce mois de septembre. Interrogé par « Le Moniteur » à l'occasion de la remise du rapport de mi-étape en juillet dernier, François Rebsamen estimait qu'il fallait que « les maires bâtisseurs, et en particulier ceux qui construisent du logement social, puissent y trouver un intérêt financier et obtenir des compensations ». Lui aussi souhaite que l'exonération de la TFPB, de moins en moins bien tolérée par les élus locaux, soit mieux compensée. Le maire de Dijon milite également pour la création d'un contrat local, « qui lierait le préfet aux élus, et définirait les types de logements, les secteurs géographiques et les moyens financiers ». En complément, il propose d'encourager les maires « par un bonus, qui se-rait une aide de l'Etat, lorsqu'ils dépassent l'objectif fixé dans le contrat local ».

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 26866_1585698_k5_k1_3659132.jpg PHOTO - 26866_1585698_k5_k1_3659132.jpg

Proposer une offre différente. La hausse des agréments passera aussi par une meilleure mobilisation du foncier public au profit du développement HLM. « L'Etat et l'EPF d'Ile-de-France ont fait des efforts pour en mobiliser, mais je suis préoccupé par la lenteur des opérations, poursuit Jean-Luc Vidon, également président de l'Aorif. Et, parfois, les constructions sont confiées aux opérateurs privés qui revendent les logements sociaux en Vefa aux bailleurs, les réduisant au rôle d'acheteur. L'Etat a un rôle à jouer, puisqu'il est présent au conseil d'administration de ces établissements publics fonciers. » Pour réussir à se développer, certains misent sur une offre plus consensuelle. « Les résidences intergénérationnelles sont plus facilement acceptées, assure Stanislas Jobbé-Duval, directeur général d'Erigère. Nous mettons en avant la qualité de vie dans les immeubles, le lien entre les habitants, et nous préparons plus en amont et plus finement les commissions d'attribution. Le démembrement de propriété, via l'usufruit locatif social (ULS), est également bien accepté. » Rappelons que l'ULS permet de démembrer la propriété d'un logement social neuf : l'usufruit est acheté par un bailleur social pour quinze à vingt ans, et la nue-propriété par un investisseur (particulier ou institutionnel). « L'élu sait qu'il s'agit de logement social à durée déterminée, et cela nous permet de nous positionner sur des fonciers plus chers, comme à Paris ou en première couronne », poursuit le DG.

Pour continuer à se développer, les organismes de logement social doivent donc changer de modèle. Compte tenu de leur ambition constructive, ils trouveront sans aucun doute la bonne formule, entre revendications nationales et solutions locales.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !