Les architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur s’engagent dans le réemploi

Une centaine de personnes ont répondu à l’appel du Conseil régional de l’ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, ce 17 janvier, pour entendre des architectes et entrepreneurs vanter les mérites du réemploi des matériaux.

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Une centaine de personnes ont assisté à la table ronde sur le réemploi des matériaux organisée à Marseille le 17 janvier par le Croa Paca.

Il y a quelques années, le réemploi de matériaux issus du bâtiment dans la construction était marginal. Si cela est encore le cas aujourd’hui, la démarche suscite de plus en plus d’intérêt.

Pour preuve, une table ronde sur le sujet organisée par le conseil régional de l’ordre des architectes de Provence Alpes Côte d’Azur (Croa Paca) à l’occasion des vœux présentés à la profession par sa présidente Françoise Berthelot le 17 janvier.

La région Sud-Paca, qui a adopté en 2019 son plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), porte d’ailleurs un projet de plate-forme d’économie circulaire qu’elle souhaite co-construire car « les outils et process se trouvent ensemble », a rappelé en préambule de la table ronde la conseillère régionale Anne-Claudius Petit.

« Les modèles sont en train de changer. La profession est en train de se réinventer », a renchéri Frédéric Poulat, architecte et secrétaire général adjoint au Croa Paca, confirmant l’envie de la profession de se lancer dans le réemploi compte tenu des avantages « significatifs » en matière d’environnement, d’économie, d’innovation que n’offre pas le recyclage.

Filière locale du réemploi

Des propos qui font écho chez Valérie Décot, architecte et une des fondatrices de l’association R-Aedificare créée à Marseille en 2016 pour donner une seconde vie aux matériaux issus de la démolition de bâtiments.

Invitée à la table ronde, elle a d’abord raconté le « choc provoqué par l’exposition du collectif Rotor qui a exposé les matériaux issus du bâtiment comme des œuvres d’art » lors de la biennale de l’architecture à Venise en 2010.

Forte de cette révélation, elle a étudié le sujet découvrant « l’épuisement des ressources, notamment du sable, les coûts en perpétuelle augmentation du prix des matériaux qui a été multiplié par deux en dix-sept ans ».

Partant du postulat que « les bâtiments sont un gisement de matériaux », elle milite depuis, à travers son association, pour la création d’une filière locale car « il faut privilégier le réemploi dans un rayon proche du lieu de déconstruction », insiste-t-elle.

« Réemployés, les matériaux ne passent ni par la case déchets, ni par la case recyclage. Cela a un impact environnemental moins important que le recyclage notamment si le matériau est réemployé in situ. On ne consomme pas d’énergie, car ils ne sont pas transportés », a-t-elle argumenté.

Plate-forme numérique des matériaux

Selon Valérie Décot, une autre condition de réussite est l’action globale : du diagnostic des ressources à la mise en œuvre des matériaux en passant par la déconstruction et l’identification des repreneurs pour des projets de construction.

Pour cela, l’association R-Aedificare est en phase de test d’une plate-forme numérique où seront notamment recensés les matériaux « réemployables » ainsi que mis en relation les revendeurs et les maîtres d’ouvrage.

Pour Valérie Décot, l’enjeu est d’accompagner les maîtres d’ouvrage, encore frileux, et d’assurer une adéquation entre le gisement et le projet. Pour cela, « il faut faire le diagnostic des matériaux réemployables, deux à trois ans avant la conception du projet », a-t-elle insisté.

Assureurs et bureaux de contrôle

Reste à lever le frein des assureurs et des bureaux de contrôle. « Il est facile à lever. Il suffit d’avoir un maître d’ouvrage qui a envie de faire et un maître d’œuvre, courageux, qui a envie de porter le projet. Ces conditions sont là déjà pour rassurer l’assureur et à l’inciter à accepter le projet. Il le fait aussi car il veut garder ses clients », a affirmé Morgan Moinet, directeur et associé du bureau d’études Remix Réemploi et Matériaux, venu présenter la Grande halle de Colombelles (Calvados), exemple de projet réalisé en 2019 en quatre mois avec des matériaux issus d’une ancienne usine de métallurgie.

L’autre conseil donné à la centaine d’architectes présents dans l’assemblée : « veiller à différencier les éléments à décennale et ceux qui ne le sont pas, puis différencier ce qu’imposent les normes françaises et ce qu’impose l’assureur ». Selon Morgan Moinet, « 1 % des normes françaises est non-obligatoire mais serait imposé contractuellement par l’assureur ». En conclusion du débat d’un peu plus d’une heure, les intervenants ont donc conseillé de négocier avec les assureurs et leur démontrer que l’occurrence du risque est faible ».

Et l’architecte du patrimoine, Michel Escande, de prendre l’exemple de Rome, « patchwork d’éléments antiques récupérés ».

Le réemploi, c’est quoi ?

C’est utiliser à nouveau un matériau qui a déjà servi dans un autre bâtiment. Au cours de la démolition ou de la réhabilitation, les éléments sont déconstruits pour être utilisés à nouveau soit pour une utilisation similaire, soit adaptée ou détournée. Il ne passe ni par la case déchet, ni par la case recyclage ! (Source : R-Aedificare).

 

Les intervenants :

Michel Escande, architecte du patrimoine : Le réemploi, évidence du renouvellement
Valérie Decot, architecte : R-Aedificare, le réemploi comme filière à part entière du secteur du BTP en région Sud
Gérard Ferro, président d’Estérel Terrassement Environnement : Le reconditionnement des déchets du bâtiment
Morgan Moinet, directeur et associé du bureau d’études Remix Réemploi et Matériaux : Présentation d’un exemple de projet de réemploi : la Grande halle à Colombelles (Calvados)

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