Malgré le respect des normes accessibilité, les bâtiments ne sont pas toujours praticables pour tout le monde, que ce soit les PMR (personnes à mobilité réduite) ou les PPR (personnes à perception réduite). La région Occitanie tente d’aller plus loin pour rendre son territoire plus inclusif, avec le lancement d’un manuel, destiné aux maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et gestionnaires d’établissements, pour une meilleure qualité d’usage des bâtiments publics neufs. Mais les associations ne sont pas satisfaites. Les 5 conseils principaux relèvent pourtant du bon sens et d’une connaissance précise des différents handicaps.
1. Faciliter le transport et le repérage
Aujourd’hui, la législation est peu précise à ce sujet : elle porte principalement sur l’accessibilité numérique des sites internet, les éléments d’informations permanentes (sans mise à jour en temps réel, donc) et de signalisation. Mais il n’y a pas de précisions sur les informations à transmettre en amont pour aider à préparer sa visite, ni d’obligation de mettre à disposition de telles informations.
Résultat, les PMR ne savent pas toujours s’ils pourront accéder facilement au bâtiment – ou s’il leur faut se présenter à une entrée précise, et les PPR peuvent être désorientées si les conditions d’accès ont changé sans que cela leur soit indiqué au préalable.
Il est donc nécessaire, selon la région, de travailler soigneusement les sources d’informations (internet, panneaux d’affichages, flyers…), claires et faciles à comprendre (avec des pictogrammes par exemple), sur la manière d’accéder au bâtiment, comment le reconnaitre, comment s’y repérer, comment trouver le lieu de son RV mais aussi les sanitaires, les lieux de repos ou de restauration…
Il est nécessaire également de donner toutes les informations pour s’y rendre par les transports en commun ou en indiquant précisément les zones de parking ou de dépose. Et il faut rendre ces zones à la fois suffisamment larges, sécurisées… et situées à moins de 100 mètres de la destination. Enfin, il faut veiller à la qualité du sol, à la gestion des dénivelés et des obstacles à franchir pour les personnes dont l’équilibre est précaire (par la pose de rampes un peu partout le long des murs, par exemple).
2. Veiller à la qualité de l’accueil
L’accueil est la manière dont est organisé l’enchainement des espaces de vie, depuis les abords du bâtiment jusqu’à l’accueil principal. Il doit être le plus intuitif possible. Sa dimension humaine doit également être travaillée : la présence physique et la communication humaine sont souvent primordiales. Il s’agit d’anticiper, de percevoir et de satisfaire les besoins des usagers. Cela passe notamment par la courtoisie de l’accueil, la qualité́ de l’information transmise, l’aide à l’orientation, la prise en charge, la mesure de la satisfaction des usagers… Elle est surtout primordiale pour les PPR, mais la législation n’aborde que celle des PMR.
La région recommande donc un bureau accueil très central, parfaitement reconnaissable, avec de la documentation adéquate si le public préfère rester autonome, et des salles d’attente confortables et calmes (où la distanciation sociale est garantie). Des accueils spécifiques, garantissant l’intimité des informations échangées, doivent être proposés à ceux qui en ont besoin (les malentendants, par exemple, ou des personnes présentant des problèmes d’élocution, d’angoisse…). Des formations régulières doivent être organisées pour les agents recevant le public.
3. Garantir la qualité de l’accompagnement et la prévenance
Chaque utilisateur doit pouvoir, quelles que soient ses limites d’usages, être le plus autonome possible. En matière de législation, les notions d’accompagnement et de prévenance ne sont abordées que sur le plan matériel (équipements de sécurité ou de soins).
L’accompagnement n’est considéré que par le prisme de la sécurité, de la régulation des flux ou du contrôle des déplacements des utilisateurs (en prévoyance l’assistance des personnes dans l’accès aux commodités). Les équipements mis en place pour répondre aux besoins de l’utilisateur n’intègrent pas la place de l’aidant (dans l’aménagement des espaces de commodité, quand ils doivent accompagner leur proche aux toilettes, ou pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans les salles de classe).
Il faut également prévoir la place des aidants, mais aussi des espaces de stockage pour le matériel spécifique à proximité des zones d’accompagnement, mettre à disposition du mobilier ergonomique et… former le personnel de maintenance à leur fonctionnement.
4. Garantir la qualité des commodités
Il s’agit de satisfaire les besoins fondamentaux de tout usager : lieux de restauration, de repos, sanitaires et soins (pour les bébés, par exemple). L’objectif est d’inclure la dimension personnelle de tout utilisateur, quelles que soient ses spécificités motrices, sensorielles, psychiques, cognitives, mentales, culturelles et/ou d’âge.
La législation, elle, se contente de donner des dispositions relatives aux sanitaires, aux locaux d’hébergement, aux cabines et espaces à usage individuel. Elle ne parle que de l’obligation quantitative et dimensionnelle de ces espaces. Elle traite principalement les besoins physiques de l’Utilisateur de Fauteuil Roulant (UFR), paraplégique et capable de se transférer seul. Elle n’aborde pas les besoins spécifiques des personnes à perception réduite, à l’équilibre précaire, de grande et petite taille, de forte corpulence, tétraplégiques, des parents avec bébé, enfants, des accompagnants…
Les solutions sont très logiques : points d’eau et distributeurs de nourriture régulièrement placés dans les bâtiments, WC ergonomiques et larges, espaces de change pour les bébés, salles d’attente confortables et sécurisées (sans angles pointus, par exemple), rampes de sécurité le long des murs (y compris pour aider les aidants à soutenir leur proche aux toilettes), déambulateurs porte-plateaux dans les espaces de restauration… mais il est aussi nécessaire d’étudier le niveau sonore des annonces, la force de l’éclairage (la plus naturelle possible) et de prévoir un bon isolement acoustique pour éviter les surcharges émotionnelles.
5. Garantir la sécurité des personnes et du matériel
Il s’agit de la prise en compte des moyens techniques permettant d’anticiper, de traiter et de faire face aux dangers et aux difficultés que pourrait rencontrer un usager ou qui pourraient compromettre son intégrité. L’enjeu est de garantir une utilisation avenante, sûre et confortable des espaces de vie, du mobilier et des équipements afin que l’utilisateur soit protégé, qu’il se sente en sécurité. Ce sentiment, s’il reste subjectif, a un réel impact sur les usages. Attention, il peut y avoir un décalage entre les mesures sécuritaires effectives et le ressenti de la personne, puisque ce dernier dépend de la qualité de nombreux facteurs (ambiances sonore, lumineuse et olfactive, formes et dimensions architecturales, colorimétrie, matières, densité des activités et des flux, etc.). Se sentir en sécurité c’est aussi pouvoir quitter son parcours à tout moment si le besoin s’en fait sentir.
La législation, elle, n’aborde pas cette notion de sentiment de sécurité, ne prend pas en compte les agressivités agressions plutôt ? sensorielles et psychiques qui peuvent être générées par certaines formes architecturales, certains matériaux… Elle ne précise pas non plus la diversité d’usages qui nécessite un mobilier polyvalent et adapté à tous, ni les besoins de maintenance, d’entretien et de pérennisation des espaces et des équipements qui le composent, ne prend pas en compte la nécessité des locaux techniques, et de leur accessibilité, nécessaires à ces usages.
Problème, les associations de défense des personnes handicapées ne sont globalement pas satisfaites par ce guide : « Nous avions bien souligné que ce document devrait contenir des règles qui ne soient pas susceptibles d’interprétation et que des sanctions financières devaient être prévues dans le cadre des marchés pour s’assurer de leur respect », explique Handi-Social par communiqué. L’association relève des erreurs dans le manuel, et conclut que le guide « relève plutôt de la sensibilisation » que de l’obligation. L’Occitanie a été condamnée le 8 juillet pour absence de mise en conformité de ses ascenseurs… à l’hôtel de région.