Le ZAN et les premiers projets de la transition énergétique à la table des dossiers examinés par l’Autorité environnementale en 2022

Dans son rapport annuel d’activité, l’institution déplore le manque d’ambition des projets et plans/programmes sur le changement climatique et s’interroge sur le bilan environnemental des projets présentés comme positifs pour l’environnement et la santé humaine.

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Ae - rapport annuel 2022
L'Autorité environnementale a publié son rapport annuel d'activité de l'année 2022.

Avec 120 avis (72 projets, 48 plans/programmes) rendus en 2022, « les constats des années précédentes sont pour une bonne part, encore et toujours d’actualité », relate l’Autorité environnementale (Ae) dans son rapport annuel d’activité. En particulier, l’institution relève « des décalages importants entre les ambitions environnementales affichées par certains projets, le contenu des dossiers présentés et la prise en compte des enjeux environnementaux et de santé humaine dans les choix faits par les maîtres d’ouvrage ».

Méthodologies solides pour les dossiers de projets

Sur un plan général, l’Ae fait état de dossiers de projets encourageants aux « méthodologies solides », alors que dans le même temps, aucune réelle inflexion n’est constatée sur la planification et les programmations. Les critiques sont récurrentes. Pas de bilan des plans précédents, alors que l’élaboration d’un nouveau plan devrait se concevoir dans une logique d’amélioration de l’impact de la politique qu’il porte au vu du retour d’expérience du plan précédent. Des plans qui s’avèrent encore peu prescriptifs, se limitant bien souvent à des recommandations ou à des rappels réglementaires. Et enfin, des plans qui renvoient aux études d’impact des projets qui en découleront « alors que les plans/programmes doivent faire leur propre évaluation environnementale », pointe Alby Schmitt, président par intérim de l’Ae. « L’évaluation environnementale est encore trop perçue comme une procédure entrainant des délais inutiles et retardant une autorisation considérée comme étant de droit », souligne le rapport.

Le climat, absent des dossiers

Les auteurs du document déplorent également des « faiblesses persistantes » : en particulier les dossiers restent peu ambitieux, dans le contexte – pourtant bien connu – du  changement climatique, les bilans carbone étant « les parents pauvres » des études d’impact, malgré l’existence de nombreux guides.

Sur le volet planification, si les objectifs des plans climat-air-énergie territorial (PCAET) sont « ambitieux », ils restent peu crédibles car « les programmes d’action ne sont pas assez efficaces et opérationnels », note Philippe Viroulaud, président de la MRAe de Bretagne. Quant aux documents d’urbanisme, ils sont « sans action concrète pour développer les énergies renouvelables » et la réflexion sur le changement climatique (prévention des ilots de chaleur urbains, protection des zones humides…) « reste embryonnaire ». De manière générale, la sobriété énergétique est un sujet absent des dossiers examinés par l’Ae, observent les auteurs du rapport.

Destruction d'espèces protégées, une interdiction avant tout

Aure faiblesse, s’agissant de la biodiversité cette fois : trop de projets présupposent qu’une dérogation espèce protégée leur sera accordée moyennant des mesures de compensation. Or, rappelle Alby Schmitt, « le régime de protection des espèces, c’est d’abord une interdiction de porter atteinte à ces espèces et leur habitat ». La dérogation, aux yeux des maîtres d’ouvrage, est trop perçue comme étant la règle. Enfin, peu de mesures de réduction de la vulnérabilité aux risques naturels sont prises.

Les projets routiers à l’heure du ZAN

2022 a été marquée par la mise en œuvre de la loi Climat et résilience qui a introduit l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050. A cet égard, les documents d’urbanisme ne se situent pas vraiment dans cette trajectoire, note le président de la MRAe de Bretagne qui se demande même « si le point de passage en 2031 de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation sera respecté ».

La consommation foncière est également un enjeu fort pour les projets d’aménagement qui doivent encore faire des efforts pour rechercher des « formes urbaines et architecturales permettant de réduire les surfaces artificialisées ».

L’Ae s’est également penchée sur les projets routiers à l’heure du ZAN : un « zoom » y est d’ailleurs consacré dans son rapport. L’institution rappelle que les infrastructures de transport ont la particularité de générer une artificialisation directe du fait de leur emprise au sol mais également indirecte liée à l’urbanisation diffuse que permet le projet. Le projet d’autoroute Castres-Toulouse est emblématique : « Le projet, dont la réalisation entraînera à elle seule une importante artificialisation, de l’ordre de 600 ha […] devrait en outre, sur le long terme, renforcer l’évolution tendancielle de l’urbanisation déjà constatée dans ces territoires, ce que les études d’impact des projets routiers n’évaluent presque jamais correctement ».

Pourtant, « une forte artificialisation, directe ou induite, n’est […] pas inéluctable ». Pour les membres de l’Ae, il est en effet possible de limiter cette artificialisation en réutilisant d’anciennes infrastructures, en maîtrisant davantage l’urbanisation et en réduisant le nombre d’échangeurs sur les autoroutes.

Mesures compensatoires

En outre, l’Ae considère qu’une analyse précise doit être conduite à l’échelle de tout projet d’infrastructure routière, pour justifier de sa contribution au ZAN. Or, déplore-telle, les pétitionnaires et les bureaux d’études omettent l’atteinte de cet objectif lors de la recherche de mesures compensatoires et la limitent souvent aux sujets sur lesquels porte une obligation spécifique (défrichements, espèces protégées, zones humides…). Elle met notamment en avant l’exemple du demi-échangeur A641/ RD19 à Oeyregave dans les Landes (surface imperméabilisée de 11 000 m²) qui « dans le cadre de la démarche ERC, présente une désartificialisation nette positive grâce à la déconstruction d’ouvrages et de routes sur 17 000 m² et s’accompagne de mesures de compensation complémentaires intéressantes, comme la création de gîtes à chauves-souris ».

Projets de la transition énergétique, des projets comme les autres

Enfin, 2022 fut également l’année des premiers grands projets de la transition énergétique (usine de batterie, agrivoltaïsme, développement du fret fluvial au port du Havre et création du canal Seine-Nord Europe). Si l’objectif est louable, l’AE s’interroge néanmoins sur le bilan environnemental de tous ces projets présentés comme « positifs pour l’environnement et la santé humaine ». Pour le Canal Seine-Nord Europe par exemple, le projet fait « le pari d’un choc d’offre pour induire un transfert modal du fret routier vers la voie d’eau ». Mais « sa capacité à susciter un transfert modal massif n’est pas démontrée par le dossier […]: l’articulation avec le rail n’est pas systématiquement prévue pour proposer une alternative complète et cohérente au fret routier. »

L’Ae se refuse donc à considérer ces projets comme positifs simplement parce qu’ils sont estampillés « transition énergétique », conclut Alby Schmitt. Comme pour n’importe quel projet, « leurs impacts doivent être étudiés en profondeur pour les éviter, les réduire ou les compenser tout en recherchant à maximiser les externalités positives ».

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