Le secteur du BTP en mal de profs

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Le lycée professionnel Ashton, à Chaumont, en Haute-Marne

Les formations aux métiers du BTP attirent de plus en plus de jeunes. Faute de places et d’enseignants, nombre de ces candidatures ne sont pas satisfaites. Enquête.

Y aura-t-il, demain, suffisamment d’enseignants pour former les jeunes aux métiers du BTP ? Rien n’est moins sûr. Le faible nombre de professeurs recrutés chaque année en témoigne. "Depuis l’après-guerre, plus de 300 enseignants étaient recrutés chaque année, rappelle Yves Malier, ancien directeur de l’Ecole normale supérieure de Cachan et membre de l’Académie de technologie. Le déclin s’est amorcé au début des années 1990 pour arriver, cette année, à la création d’une trentaine de postes." Une goutte d’eau face à une demande croissante des jeunes vers le BTP.

"Aujourd’hui, les jeunes qui postulent dans nos établissements sont motivés, souligne Pierre Bounhoure, proviseur du lycée des métiers du BTP de Blanquefort (Gironde). La voie professionnelle devient une voie de réussite." Un constat dressé par la plupart des lycées professionnels (préparant les CAP, BEP, Bac Pro) et technologiques (Bac STI et BTS). "Près de la moitié des 100 000 jeunes formés chaque année, du niveau CAP au niveau ingénieur, occupent à la sortie un emploi dans le BTP. La part de ces jeunes qui restent dans le secteur après l’obtention de leur diplôme progresse d’année en année. C’est le signe que les sections du BTP attirent davantage un public motivé", illustre André Montès, inspecteur général de l’Education nationale. Un attrait porté par un marché de l’emploi dynamique et des perspectives dopées par le Grenelle de l’environnement.

Une croissance freinée

Faute de moyens, l’ouverture de sections supplémentaires reste impossible. Pour la rentrée 2008, le département génie civil de l’IUT d’Illkirch-Graffenstaden en Alsace a reçu près de 1 000 dossiers pour 150 places. "Nous ne pouvons pas accueillir plus d’élèves car nous n’avons pas de profs supplémentaires. En cinq ans, nous avons doublé le nombre de nos étudiants et accueilli un enseignant de plus !", témoigne Bernard Lickel, chef du département.

Dans une logique de réduction du nombre de fonctionnaires, le ministère de l’Education nationale applique à l’ensemble des disciplines les mêmes coupes franches sans se soucier de la réalité économique des secteurs d’activités. "Penser les moyens de façon globale est absurde, plaide un enseignant. Le ministère devrait regarder les besoins secteur par secteur, région par région." Du secondaire au supérieur, les établissements déploient des trésors d’imagination pour pouvoir joindre les deux bouts et assurer, tant bien que mal, les cours. "Nous avons actuellement sur l’Académie de Lyon une quarantaine d’enseignants certifiés ou agrégés. Entre les départs à la retraite et la mobilité de certains professeurs vers l’enseignement supérieur, nous devons mener des actions pour pallier le manque d’enseignants. Une des voies que nous explorons est la reconversion de professeurs qui enseignent dans d’autres disciplines comme l’électrotechnique ou la mécanique", explique Patrick Gaillard, inspecteur pédagogique régional de l’académie de Lyon.

Recours aux heures supplémentaires, recrutement de vacataires… autant de dispositifs largement utilisés par les établissements de formation. "Lorsque nous avons un poste vacant, le ministère nous alloue un certain nombre d’heures sans pour autant nous affecter d’enseignant ! Trouver des professeurs vacataires (issus du monde de l’entreprise) à une époque où l’activité du BTP est florissante constitue une gageure, déplore Denis Deschamps, chef de travaux au lycée La Martinière Montplaisir de Lyon. Quant aux heures supplémentaires, les enseignants en font déjà beaucoup." Sans une mobilisation forte de la profession pour inverser la tendance, le manque criant de professeurs risque d’entraîner la fermeture de certaines sections.

Emmanuelle N'Haux

Retrouvez l'enquête complète dans "Le Moniteur" n°5452 du 23 mai 2008

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