« Le rural au coeur de la ville du XXIe siècle »

Christophe Bayle, urbaniste

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Partout dans le monde la ville gagne du terrain et empiète sur l'espace rural qui diminue de façon apparemment inéluctable. La victoire de l'urbain fait place à un nouveau paradoxe : l'espace rural laisse l'urbain dans le vide. Le vainqueur n'a rien appris du vaincu, et l'urbain n'est pas satisfait de cette hégémonie. Par contrecoup, il devient de plus en plus difficile de promouvoir le développement par l'urbain et, partout, des résistances s'organisent contre les aménageurs. Ce paradoxe déstabilise aussi les mouvements politiques et sociaux bénéficiaires de l'urbanisation depuis la révolution industrielle. Or, comment construire la ville quand la nécessité de concentrer les biens et les personnes s'inverse ?

Une nouvelle urgence apparaît : celle de la préservation et du développement d'une agriculture vivrière à proximité immédiate des grandes zones agglomérées.

Considérée encore de façon marginale par les urbanistes, la question de l'agriculture vivrière au bord des villes va devenir dans les années à venir une exigence qui réorganisera l'ordre de priorité des aménagements. Et ceci pour des raisons macro-économiques et d'urbanisme. Aujourd'hui les secteurs alimentaires sont sommés de produire plus avec moins, d'où l'altération des lieux d'approvisionnement et la moindre qualité des marchandises (fast-food), et l'érosion du patrimoine rural (vache folle, fièvre aphteuse). Par ailleurs, la population mondiale atteindra 9 milliards d'habitants en 2050. On peut penser qu'à leur tour les biens de subsistance vont « manquer ». Et le manque créant de la valeur, la donne du rapport urbain/rural va changer. Ce qui justifie de réinvestir l'action publique dans l'exigence nouvelle de production vivrière aux abords des mégapoles. Une nécessité qui tient à la fois à leur rareté, à leur rendement économique, et au caractère durable des débouchés de ces productions de qualité ; mais aussi aux emplois dignes et aux paysages de qualité qu'elles peuvent offrir.

Si l'on s'en tient aux délaissés dans lesquels sont actuellement parquées ces productions, elles ne résisteront pas longtemps. Les urbanistes doivent donc rapidement donner à ces territoires des formes susceptibles de résister aux pressions du siècle à venir. La priorité des vingt ans qui viennent n'est plus de construire dans des champs, ni seulement de construire la ville sur la ville, mais de maintenir et de développer une économie agricole de qualité aux abords des villes. De qualité, c'est-à-dire durablement installée, avec toutes les conséquences d'aménagement et de création de valeurs de paysage et d'activités que cela suppose.L'enjeu mondial de ce nouveau paradigme est de modifier de fond en comble la forme de nos interventions sur le paysage en réinsérant les facteurs d'organisation hétérogènes (et régionaux) de la ruralité dans un système de liaison avec les territoires urbains. Le rural n'est plus aux abords des villes, il est au coeur de la ville du XXIe siècle.

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