1 - Qui est l'expert en copropriété ?
Le titre d'expert en copropriété n'est pas un titre protégé. Il ne l'est que lorsque l'expert est inscrit près une cour d'appel ou la Cour de cassation.
Il est possible de rencontrer de nombreuses personnes qui peuvent se revendiquer d'une expérience voire d'une expertise dans le domaine de la copropriété. Il faut toutefois être prudent et, avant de demander un avis, s'assurer de la réalité des compétences de la personne sollicitée soit par la nature des interventions déjà réalisées, soit par son appartenance à une chambre d'experts spécialisés.
En effet les domaines d'intervention d'un « expert en copropriété » sont multiples.
2 - Comment est désigné un expert en copropriété ?
Le recours à un expert peut revêtir plusieurs formes : - la forme amiable et unilatérale : un copropriétaire souhaite un avis propre ; - la forme amiable et contradictoire : il existe un différend entre un copropriétaire et le syndicat. Le recours à l'expert peut permettre ensuite une conciliation ; - la forme judiciaire et contradictoire : il existe un différend qui a été porté devant une juridiction et les magistrats ont estimé ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour pouvoir trancher. Ils vont alors ordonner une expertise et choisir un expert dans la liste des experts agrées près la cour d'appel. La demande d'expertise peut aussi émaner des parties au procès. Que l'expert soit désigné amiablement ou judiciairement son intervention sera toujours technique et pratique.
3 - Quelles sont les raisons de souhaiter une expertise ?
L'expert en copropriété n'est pas toujours polyvalent sur tous les sujets et en fonction des questions rencontrées, il sera fait appel à un technicien de la construction, à un spécialiste des chiffres, à un coutumier de la lecture des règlements de copropriété maîtrisant la jurisprudence ou encore à un professionnel de l'évaluation des droits à construire du syndicat.
A. Le technicien de la construction
Il sera fait appel à ce technicien lorsqu'un copropriétaire ou un syndicat de copropriétaires rencontre des difficultés sur le plan technique. Ce peut être à la suite de la livraison d'un immeuble neuf avec des prestations qui ne correspondent pas techniquement à ce qui a été prévu dans les actes ou les publicités.
L'expert intervient régulièrement pour des litiges relatifs à des problèmes en matière d'isolation phonique, dans le cadre de l'achèvement des embellissements des parties communes et notamment des jardins, dans des problèmes de fissuration ou d'étanchéité comme par exemple des problèmes d'infiltrations dont on ne trouve pas l'origine, etc…
Souvent il est fait appel à un architecte spécialisé en copropriété.
B. Le spécialiste des chiffres
Il est en général sollicité dans le cadre d'expertise judiciaire. Il sera désigné à la demande d'un copropriétaire qui pense que les comptes ne sont pas tenus dans les règles de la comptabilité telle qu'elle résulte de la législation en matière de copropriété, ou encore par un nouveau syndic qui ne souhaite pas reprendre la comptabilité du précédent syndic supputant que les écritures ne correspondent pas toujours à ce qu'elles auraient dû être.
La difficulté dans ce type de dossier est relative à son aspect chronophage ainsi qu'à l'absence de pièces transmises par l'ancien syndic. Il faut alors raisonner uniquement par rapport à ce qui est fourni et fréquemment on parvient à une situation approximative qui sera finalement entérinée par une décision d'assemblée générale pour que le nouveau syndic puisse repartir sur des bases saines.
Il ne faut pas que les honoraires d'expertise dépassent les montants en jeu ce qui est parfois le cas.
L'expert peut également être désigné par le juge qui a invalidé une grille de répartition de charges. Au terme de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 , lorsque le juge répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. À ce titre, il désigne un expert qui va être en charge de proposer une nouvelle grille conforme aux dispositions légales. Cela suppose des connaissances tant en matière juridique que technique et souvent, l'expert s'adjoint un géomètre en qualité de sachant.
C. L'expert en matière de lecture du règlement
La loi du 10 juillet 1965 définit de manière assez lapidaire le contenu du règlement de copropriété. Souvent, le document qui est rédigé reprend une partie de la législation en vigueur lors de son élaboration mais ne contient pas de clauses relatives, par exemple, à l'organisation du conseil syndical, la définition précise de la destination de l'immeuble, les droits et obligations des copropriétaires ou encore la définition des parties communes.
De ce manque de précisions vont naître de nombreux conflits.
Il peut intervenir pour résoudre des litiges mais également lors de la rédaction du règlement de copropriété à la demande du promoteur.
D. Le professionnel de l'évaluation des droits à construire du syndicat
Les droits de construire, surélever et affouiller sont qualifiés de droits accessoires aux parties communes. Si un copropriétaire ou un tiers veut en disposer, il faut, d'une part, qu'une décision d'assemblée générale accepte la cession et, d'autre part, connaître la valeur dudit droit.
On rencontre de nombreux cas où un expert en évaluation, spécialisé en copropriété, va avoir des raisons d'intervenir.
Cela peut être : - parce qu'un copropriétaire souhaite :
- acquérir une partie commune, comme par exemple des toilettes sur un palier ou des combles. L'expert va alors déterminer la valeur vénale desdites parties communes en défalquant les travaux à réaliser mais également les frais liés à la modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété (puisqu'un nouveau lot va être crée). Il est totalement déconseillé de vendre une partie commune à l'euro symbolique car cela ne correspond pas à un prix et n'est pas admis par les tribunaux,
- pratiquer une extension de son appartement sur un balcon. Souvent les copropriétaires pensent qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent sur leur terrasse ou leur balcon. Mais c'est oublier qu'il s'agit généralement d'une partie commune à jouissance privative et que l'édification d'une construction ou l'extension d'un appartement doit être autorisée par l'assemblée générale et valorisée car le syndicat des copropriétaires cède du droit à construire. La question est plus délicate depuis que dans le cadre des PLU, il n'existe plus de COS mais des règles gabaritaires car le copropriétaire qui va pratiquer l'extension n'ôte rien au syndicat alors qu'avant, il utilisait tout ou partie du reliquat du droit à construire. Pour autant les praticiens s'accordent à toujours considérer que ledit copropriétaire doit indemniser le syndicat. L'expert va procéder à un calcul de la notion de charge foncière, c'est-à-dire qu'il va partir de la valeur d'un m² bâti qu'il multipliera ensuite par le nombre de m² qui constitueront la nouvelle construction, duquel il va soustraire le montant des travaux, des frais, etc… pour parvenir à une valeur au m² de charge foncière que le copropriétaire règlera au syndicat, montant qui sera soit réparti entre tous les copropriétaires (dont l'acquéreur) soit affecté à des travaux communs ce qui est souvent le cas ; - parce qu'un copropriétaire a acheté un appartement qui en fait intègre des parties communes et que le syndicat lui en demande le paiement. Ce type de litige est plus fréquent que l'on pourrait le penser et concerne des ventes d'appartements situés au rez-de-chaussée. Le vendeur a réalisé des extensions sur la terrasse ou le jardin, le notaire est rédacteur de l'acte mais n'a pas vu le bien vendu et par la suite le syndic entre en contact avec l'acquéreur pour lui indiquer qu'il doit régulariser la situation en créant un nouveau lot et parfois en indemnisant le syndicat. L'expert va alors intervenir, comme dans le cas précédemment cité, pour calculer le montant de la charge foncière sachant toutefois que dans cette hypothèse il ne dispose pas des devis relatifs aux travaux ; - parce qu'un tiers veut acquérir le droit de surélever l'immeuble. Depuis la qui a considérablement assoupli les obligations en matière de surélévation, il existe un marché de la vente du droit de surélever. L'expert calcule la valeur du droit à construire en réalisant un bilan promoteur et en intégrant d'une part les conséquences de la surélévation sur l'existant (par exemple sur l'ascenseur) mais également les aides que l'acquéreur du droit peut obtenir du fait des travaux liés à l'amélioration de la performance énergétique de l'immeuble. Il tiendra aussi compte des éventuelles indemnisations à prévoir pour diminution de la valeur vénale de certains lots dans l'immeuble ou de troubles que la construction pourrait apporter au voisin notamment en matière d'ensoleillement. Dans ce type de dossier l'expert peut ensuite assister le syndic pour la mise en œuvre de la réalisation de la vente des droits. Il peut aussi se faire aider par un ingénieur en pathologie du bâtiment car la confortation du sous-sol représente parfois des montants très importants ; - parce qu'un tiers veut acquérir le tréfonds (le sous-sol). Le syndicat peut céder le droit de surélever mais il peut aussi céder une partie de son sous-sol. Cela sera le cas lorsqu'un promoteur a acheté un terrain voisin et qu'il n'a pas assez de place pour créer un parking. Cela est aussi le cas actuellement avec les travaux du Grand Paris. Pour la construction des tunnels du métro, le Grand Paris n'a pas besoin d'acquérir les biens en surface mais uniquement le tréfonds. L'expert pratique alors la valorisation du tréfonds en utilisant une méthode qui est basée sur la valeur vénale du terrain affectée de coefficient en fonction de la profondeur des biens vendus. Plus on se rapproche du sol plus la valeur est haute. Sur le plan juridique comme il va être procédé à un découpage du terrain non pas en surface mais en coupe, des volumes seront créés ; - parce qu'un copropriétaire souhaite sortir de la copropriété (scission). Il existe des configurations où il est possible de diviser le sol d'une copropriété car les immeubles sont indépendants. Dans ce cas un copropriétaire peut demander « la scission » de la copropriété. On peut citer par exemple la situation ou sur un même terrain se trouvent un immeuble et une maison individuelle, le tout en copropriété. L'expert intervient alors pour calculer la soulte que le « sortant » peut avoir à verser ou à recevoir (mais là nous sommes alors dans de la théorie) en intégrant d'une part la valeur du terrain mais également la valeur des parties communes bâties qui vont être cédées.
On voit, dans cette brève description, que le rôle de l'expert en valorisation est très éclectique mais qu'il est très utile. Il permet de connaître la valeur de biens difficilement estimables car il n'existe pas de valeur de comparaison comme en matière de vente de biens déjà bâtis.
En synthèse, le recours à l'expert permet soit d'anticiper des difficultés, soit de les aplanir si les parties acceptent de s'en remettre à ses conclusions, mais surtout son intervention est objective et dénuée d'intérêts personnels ce qui permet d'éviter des suspicions sur la réalité des indemnisations ou prix proposés.