Présenté ce mercredi 8 janvier en Conseil des ministres, le projet de loi pour la reconstruction de Mayotte, dévastée le 14 décembre par le cyclone Chido, a pour objectif, selon l'exposé de ses motifs de permettre aux acteurs publics de « rétablir les conditions de vie des habitants » tout « en préparant la reconstruction » du petit archipel français de l'océan Indien.
A la sortie du Conseil des ministres, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a chiffré à « plusieurs centaines de millions d'euros » les mesures prises, regroupées en 22 articles autorisant notamment l'Etat à déroger pendant deux ans aux règles d'urbanisme, facilitant les règles d'expropriation - notoirement compliquées à Mayotte - mais contenant aussi des mesures sociales plus temporaires.
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Un militaire pour piloter la reconstruction
La loi prévoit ainsi que « les constructions à usage d'hébergement d'urgence édifiées à Mayotte (...) postérieurement au 14 décembre 2024 et jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la publication de la présente loi (...) sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ».
Concernant les écoles, durement touchées alors que Mayotte est le département le plus jeune de France avec un habitant sur deux mineur, le projet prévoit que « l'Etat ou un de ses établissements publics » puisse assurer leur construction, reconstruction ou rénovation en lieu et place des collectivités locales jusqu'au 31 décembre 2027.
Pour mener à bien cette mission, le texte prévoit d'élargir les missions de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (EPFAM) pour lui confier « la mission de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte ». Le général Pascal Facon, commandant militaire de la zone Sud, sera nommé à la tête de cet opérateur.
Un texte à amender
Sur le foncier, alors qu'il est souvent difficile d'identifier formellement les propriétaires des terrains à Mayotte, le texte prévoit de déroger aux règles habituelles et de pouvoir exproprier avant qu'un propriétaire ait été identifié, quitte à l'indemniser a posteriori.
Rien en revanche sur l'habitat précaire, alors que François Bayrou avait promis lors de son déplacement fin décembre « d'empêcher la reconstruction » des bidonvilles à Mayotte. Manuel Valls a reconnu que le texte était « sans doute incomplet », espérant des amendements et « d'autres mesures très urgentes ». « Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville », a-t-il martelé, en augmentant notamment « les moyens pour les forces de l'ordre ».
« Je reconnais que c'est un des dossiers les plus difficiles car plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent dans ces bidonvilles (...). Tous ne sont pas en situation irrégulière, tous ne sont pas immigrés. C'est un dossier délicat qu'on ne peut pas régler en claquant des doigts », a souligné le ministre, alors que nombre d'habitants des quartiers informels de l'archipel ont déjà reconstruit leur habitation.
Pas de relogement dans des bidonvilles
« Je vais être très clair, la priorité pour nous, c'est la reconstruction des maisons, des toits des Mahorais », a-t-il poursuivi, excluant le relogement des habitants des bidonvilles - souvent des Comoriens sans papiers - pour ne pas donner de « prime à l'immigration irrégulière ».
Par ailleurs, le texte contiendra aussi plusieurs mesures économiques qui resteront en vigueur « jusqu'au 31 mars 2025 », comme la suspension du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, la prolongation des droits des assurés sociaux et des chômeurs ou l'augmentation de la prise en charge au titre du chômage partiel.
Selon des sources parlementaires, le texte passera en commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale dès le 13 janvier, jour de la reprise de l'activité à l'Assemblée. Son examen en commission pourrait se prolonger mardi 14, avant un examen du texte en séance le 20 janvier.
Pour les mesures de plus long terme, notamment autour des questions d'immigration, de sécurité et de développement économique, le gouvernement prévoit un autre projet de « loi programme » qui sera élaboré dans les trois mois, a indiqué Matignon.
Premières réactions
« Le texte est inacceptable parce qu'il n'apporte aucune réponse aux vraies urgences de Mayotte », a estimé l'ancien député et vice-président LR en charge des Outre-mer Mansour Kamardine, réclamant « une mesure qui inscrit l'interdiction des bidonvilles » dans l'archipel. De son côté, la députée Liot de Mayotte Estelle Youssouffa, sans commenter le projet de loi d'urgence, a réclamé que « les entrepreneurs de Mayotte soient prioritaires sur les contrats » de reconstruction de l'archipel.