Pas de temps à perdre. Les maîtres d’ouvrage publics disposent de cinq ans pour tester le marché global de performance énergétique avec tiers-financement (MGPE-TF) aux termes de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023. Cette dernière ouvre en effet la voie à ce type de contrat en autorisant à titre expérimental et dérogatoire le paiement différé, autrement dit la possibilité pour la personne publique de ne payer les loyers au tiers financeur qu’au moment où les économies d’énergie générées par les investissements commencent à se matérialiser, en phase d’exploitation.
Pour que le dispositif soit pleinement opérationnel, un décret d’application doit être adopté. Son projet vient d’être mis en consultation publique jusqu’au 2 juin par Fin Infra (Mission d'appui au financement des infrastructures), l’organisme expert rattaché à la Direction générale du Trésor qui sera chargé de rendre un avis sur les études préalables.
L'étude préalable pour justifier son choix de montage
Pour mémoire en effet, la loi impose la réalisation d’une étude préalable à la décision d'opter pour un MGPE-TF. Cette étude devra démontrer que "le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique ». Le projet de décret prévoit que cette étude devra apprécier les avantages et inconvénients de ce montage en tenant compte notamment « des objectifs de performance énergétique fixés par l’acheteur, du périmètre des missions susceptibles d’être confiées au titulaire, des modalités de partage de risques entre l’acheteur et le titulaire [et] des modalités de financement envisagées ».
Le texte se borne ensuite à une description succincte du contenu de l’étude. Celle-ci devra tout d’abord procéder à « une présentation générale du projet, de ses enjeux et de ses caractéristiques, ainsi que de l’acheteur concerné et de la situation de référence retenue pour l’analyse de la performance énergétique ». Puis vient le temps de la comparaison, en détaillant les « différentes options de montages contractuels de la commande publique envisagés » puis en analysant les « avantages et inconvénients du [MGPE-TF] par rapport aux autres montages contractuels envisagés ».
Afin de ne pas trop retarder le projet, le décret octroie un délai d’un mois (contre six semaines pour l’étude requise préalablement à un marché de partenariat par l’article R. 2212-7 du Code de la commande publique) à Fin Infra pour rendre un avis sur l’étude préalable, son silence à l’issue du délai valant avis favorable.
Une méthodologie en question(s)
Le texte de présentation de la consultation publique fournit beaucoup plus d’indications que le décret lui-même sur ce à quoi pourrait ressembler une étude préalable. Fin Infra en profite en effet pour sonder les acteurs sur la méthodologie de sa réalisation, avec une grille complète de questions. Par exemple, pour la présentation de la « situation de référence », l’organisme expert propose de reprendre les dispositions de l’arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux contrats de performance énergétique (CPE). Mais demande aux volontaires de donner leur avis sur cette idée, d’identifier d’éventuelles difficultés et de proposer dans ce cas des méthodologies plus adaptées.
Pour mesurer la performance énergétique, Fin Infra suggère de s’appuyer sur la méthodologie d’évaluation « établie dans le cadre du Fonds Vert, qui porte sur les consommations d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre (GES) et le suivi des consommations », en sollicitant là aussi des avis critiques. Elle interroge notamment sur l’opportunité d’aborder d’autres thématiques comme « le niveau d’isolation des éléments de l’enveloppe, l’étanchéité à l’air, le pilotage des installations/systèmes de régulation, les consommations spécifiques d’électricité et l’intégration des énergies renouvelables ». Ou encore, d’intégrer dans la mesure une analyse de l’empreinte carbone des matériaux utilisés pour la rénovation.
La grille de questions aborde également la question de l’évaluation des gains financiers associés à la rénovation – qui implique d’évaluer les prix de l’énergie - , et celle des modalités d’évaluation des risques, Fin Infra envisageant de proposer une matrice des risques standard en annexe de sa méthodologie.
Enfin, les contributeurs sont invités à donner leur avis sur la notion de taille critique des projets, absente de la réglementation mais qui pourrait éventuellement être prise en compte dans l’étude préalable ; et sur l’opportunité de comparer une rénovation globale à une rénovation légère en cascade et à la mutualisation de travaux.
La soutenabilité budgétaire à démontrer
Le projet de décret ne traite pas que de l’étude préalable. Il définit aussi le contenu de l’étude de soutenabilité budgétaire également imposée par la loi. Celle-ci devra inclure notamment « le coût prévisionnel global du contrat en moyenne annuelle », en ventilant les coûts de fonctionnement, de financement et d’investissement ; ainsi que « l’indication de la part que ce coût représente par rapport à la capacité d’autofinancement annuelle de l’acheteur et son effet sur sa situation financière ». En outre, l’étude présentera « l’impact du contrat sur l’évolution des dépenses obligatoires de l’acheteur, ses conséquences sur son endettement et ses engagements hors bilan » et une « analyse des coûts résultant d’une rupture anticipée du contrat ».
Hormis la précision sur la ventilation du coût prévisionnel global, le contenu de cette étude serait donc le même que celui prévu en matière de marché de partenariat par l’article R. 2212-9 du CCP.
Le ministre du Budget devra rendre un avis motivé sur l’étude de soutenabilité budgétaire dans le délai d’un mois (contre six semaines en marché de partenariat – art. R. 2212-10 du CCP), faute de quoi son avis sera réputé favorable.
Accords pour lancer, et pour conclure
Enfin, les modalités d’obtention des autorisations préalables à l’engagement et à l’achèvement de la procédure de passation d’un MGPE-TF, requises par la loi, sont détaillées dans le futur décret s'agissant des projets de l'Etat et de ses établissements publics.
Pour le lancement desdits projets, l’accord des ministres chargés du Budget et de l’Economie sera acquis à défaut de réponse expresse dans le délai d’un mois après réception des deux études et deux avis précités. Une procédure allégée est prévue pour les petits projets (< 5 M€) : seul l’avis du ministre chargé de l’Economie est requis, et dans un délai ramené à 15 jours.
S’agissant des établissements publics de l’Etat, une formalité s’ajoute : l’organe délibérant doit se prononcer sur le principe du recours à ce mode contractuel au vu des études et avis rendus.
Au stade de la conclusion, de façon similaire, un accord de l’exécutif (ministres chargés du Budget et de l’Economie pour les marchés de l’Etat, auxquels s’ajoute le ministre de tutelle pour les marchés des établissements publics de l’Etat) est requis, et réputé acquis à défaut de réponse un mois après réception du projet de contrat. Délai ramené à quinze jours pour l’accord du ministre de l’Economie (marchés de l’Etat) ou du ministre de tutelle (marchés des établissements publics de l’Etat) sur la conclusion des petits marchés (< 5 M€).