En Bretagne, les acteurs de l'immobilier, Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) en tête, élus et collectivités territoriales se félicitent unanimement de la prorogation du Pinel régional jusqu'en 2024. « Créé par la loi de finances pour 2020 [art. 164, NDLR], ce dispositif local est entré en vigueur le 1er avril 2020 pour une mise en œuvre jusqu'à fin 2021 », rappelle la Dreal. Sa reconduction, demandée par sept députés bretons, a été intégrée au projet de loi de finances pour 2022. Le texte doit être promulgué avant le 31 décembre après contrôle du Conseil constitutionnel.
Cette initiative a permis de déployer de manière expérimentale le dispositif fiscal dans les zones B2 bretonnes. Marquée par une crise sanitaire sans précédent, elle se devait, de l'avis de tous, de perdurer pour en mesurer les effets réels. « Sans prolongation, la région serait revenue début 2022 dans le dispositif de droit commun et donc au zonage qui avait amené à proposer cette adaptation locale, poursuit la Dreal. Cette reconduction permettra également de consolider le retour d'expérience. De plus, l'analyse des besoins en logements en Bretagne a démontré la nécessité d'accompagner la dynamique de construction dans certaines villes moyennes. » Rappelons qu'en mars 2019, à la date d'extinction du Pinel dans les zones B2 et C partout en France, la majorité du territoire régional, soit plus de 180 communes dont Brest, Quimper, Lorient, Vannes, Saint-Brieuc et Vitré, avaient été exclues du dispositif. Seuls les investisseurs des zones « tendues » Abis, A et B1 (Rennes Métropole et Saint-Malo) pouvaient bénéficier de la défiscalisation. En réaction, le comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH), dont 15 représentants de collectivités bretonnes, s'était alors mobilisé autour d'une possible adaptation locale à titre expérimental. La Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) avait alors imposé une expérimentation à enveloppe constante sans générer de zones supplémentaires.
Péréquation régionale. Comme le souligne le président (PS) de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, « Rennes Métropole et Saint-Malo ont fait preuve de solidarité afin d'assurer la péréquation régionale en cédant des Iris [découpage infracommunal éligible au Pinel expérimental, NDLR]. Retirer ces équivalents-habitant en zone A et B1 et les répartir sur le territoire, uniquement en zone de renouvellement urbain, était la clé pour obtenir l'accord d'expérimentation. » L'élu précise également que la région a bénéficié d'une fenêtre de négociation avec l'Etat à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes. Donnant-donnant. « Des villes comme Fougères, Brest ou Vitré ont pu mettre en œuvre des programmes plus denses de renouvellement urbain et bénéficier d'une diversité dans l'offre de logements qu'elles n'avaient pas jusqu'alors, de l'accession libre et aidée, du locatif intermédiaire soutenu par le Pinel et du logement social », relève Loïg Chesnais-Girard.
A l'est de Rennes, la dynamique commune de Vitré (18 000 habitants pour une communauté d'agglomération de 83 000), fief jusqu'aux dernières élections de l'ex-ministre du Logement (UDI) Pierre Méhaignerie, a milité pour que le Pinel s'applique à des configurations urbaines comme la sienne. Isabelle Le Callennec, l'actuelle maire (LR) souligne qu'« avec l'un des taux de chômage le plus faible de France, 42 % des salariés dans l'industrie et une dynamique économique soutenue, nous devons répondre à une demande de logements intermédiaires. Le dispositif permet à des villes comme la nôtre d'attirer les investisseurs pour créer du locatif à prix abordable. » Selon l'élue, le Pinel donne la possibilité d'amorcer une opération de renouvellement urbain qui comprend aussi du logement social, de l'accession libre, des résidences services pour personnes âgées et étudiants, etc. « Mené avec le promoteur Réalités et l'agence d'architectes Clénet-Brosset, le projet d'aménagement de La Baratière, avec ses 250 logements, est l'exemple emblématique de la réhabilitation d'un quartier soutenu par les investissements Pinel, illustre-t-elle. Nous n'aurions pas abouti à une opération d'une telle envergure sans les incitations fiscales. » A noter que ce programme est lauréat 2021 des Pyramides d'or de la FPI au titre de la conduite responsable des opérations.
Et la qualité ? En plein débat sur la qualité du logement, la production en Pinel est dans le viseur. Petites typologies, réduction des surfaces habitables, orientations malheureuses… Le rapport de la mission Girometti-Leclercq, « Référentiel du logement de qualité », rendu le 8 septembre à Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, a enfoncé le clou. En cours de préparation, le Pinel+, qui doit remplacer le dispositif actuel à partir de 2023, annonce un conditionnement de la réduction d'impôt au respect de nouveaux critères de qualité du logement et à l'anticipation de la RE 2020. Ces conditions s'appliqueront aussi au Pinel breton. « Les plafonds de loyers continueront à être réévalués chaque année. La dégressivité de la réduction d'impôt prévue par le Pinel national à compter de 2023 devrait également s'appliquer en Bretagne. Il n'est pas envisagé par ailleurs d'évolution en termes de zonage », précise la Dreal. La révision du zonage du Pinel breton suscite néanmoins des interrogations de la part des promoteurs (lire entretien ci-dessous).
Si elle se félicite de la prorogation du Pinel breton, la FFB réagit vivement à l'introduction de tels changements : « De nouvelles contraintes sont imposées pour être éligible au dispositif à taux plein en 2023 et 2024. Des exigences en termes de qualité d'usage : des superficies minimales par type, la présence d'un espace privatif extérieur et double exposition à partir des T3 sont déjà annoncées. Il faudra aussi que le logement anticipe l'étape 2025 de la RE 2020 [première étape de la sortie des énergies fossiles, NDLR]. » Selon la fédération, cette annonce est en totale contradiction avec les clauses de revoyure prévues pour s'assurer de la soutenabilité de cette nouvelle réglementation. « De plus, aucune étude d'impact sérieuse ne mesure aujourd'hui le surcoût associé à toutes ces exigences cumulées, donc la capacité à faire, ajoute-t-elle. Plutôt que de dégrader les réductions d'impôt, il serait plus judicieux de les bonifier en fonction des objectifs de qualité atteints. » La carotte plutôt que le bâton donc.
Autre pavé lancé par la FFB : pourquoi l'expérimentation bretonne ne serait-elle pas exportée dans d'autres territoires ? Lors de la cérémonie des Pyramides d'or, le 15 décembre dernier, à Paris, Emmanuelle Wargon a estimé que « le sujet du zonage doit être rouvert, suite à la crise sanitaire et à l'attractivité retrouvée des villes moyennes ». Si l'Etat confirme ces intentions, le Pinel breton aura donc porté ses fruits.