« Nous ne voulions surtout pas dénaturer l’œuvre de Renzo Piano et Richard Rogers, explique Nicolas Moreau, fondateur avec Hiroko Kusunoki de l’agence choisie à l’unanimité du jury pour assurer la maîtrise d’œuvre du volet culturel de la rénovation du Centre Pompidou. Notre premier travail a été de nous plonger dans les archives pour bien comprendre la dimension matérielle et immatérielle de cet édifice complexe, spectaculaire et radical, véritable manifeste véhiculant des idéaux culturels mais aussi politiques et sociaux. » Chargé de cet ambitieux réaménagement spatial et fonctionnel, le duo franco-japonais entend réactiver l’ADN du bâtiment. Il sera épaulé dans sa tâche par Frida Escobedo Studio, intervenant comme designer.
Un investissement de 200 millions d’euros
Pour Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou, ce volet architectural, qui représente un investissement de 200 millions d’euros, doit « réinventer l’institution » dans le sillage du colossal chantier technique nécessitant cinq années de fermeture à compter de l’été 2025. Pas d’extension ni de nouvelle construction, le Centre Pompidou 2030 tout entier se glissera dans l’exosquelette animé de tubulures rouges, bleues et vertes qui défraya la chronique en 1977. Seuls quelques espaces d’exposition seront gagnés en investissant d’anciens parkings situés sous la fameuse Piazza qui ancre l’édifice dans la ville. L’intervention de l’agence Moreau Kusunoki s’étend à l’ensemble de l’équipement, à l’exception des 4e et 5e étages accueillant la collection d’art moderne et du 6e consacré aux expositions : l’évolution de ces secteurs sera directement placée sous la responsabilité des équipes d’architectes-scénographes du Centre Pompidou.
Porosités visuelles et transparences
Outre le plus grand respect pour l’intention initiale des concepteurs, trois autres points cardinaux guident les choix du tandem Moreau-Kusunoki : multiplier les porosités physiques et visuelles, simplifier l’orientation et le parcours des visiteurs, activer les espaces pour qu’ils dévoilent de nouvelles potentialités.
La Piazza sera ainsi dynamisée par des interventions à ses extrémités nord et sud : une rampe facilitera l’accès des personnes à mobilité réduite, des gradins inviteront les passants à profiter des spectacles de rue et le pavillon Brancusi, réhabilité et largement vitré, accueillera désormais le centre Kandinsky de recherche et de ressources. L’angle sud-ouest de la façade s’ouvrira avec les terrasses du pôle restauration placées en belvédère de la Piazza.
Point de départ de tous les parcours, le Forum retrouvera clarté et attractivité. Les coupe-feux opaques seront remplacés par des modules vitrés pour laisser percer la lumière et dégager de grandes perspectives horizontales.
Réinterprétation de la chenille
La séquence d’arrivée sera bien plus intuitive. Des escaliers mécaniques rouge réinterprétant la fameuse « chenille » extérieure inviteront les visiteurs à descendre ou gagner les étages. La trémie s’ouvrant sur l’agora s’agrandit pour accueillir des installations monumentales. On pourra profiter de ce spectacle assis sur de larges gradins ou depuis le café cosy installé sur la mezzanine élargie.
Terrasse panoramique
Dédié aux pratiques artistiques et au jeu, un pôle « Nouvelle génération » s’adressant par tranche d’âges au jeune public, mêlera ateliers et vastes espaces flexibles. Toujours placée aux 2e et 3e étages, la Bibliothèque publique d’information (BPI) s’organisera de façon ludique autour d’îlots proposant différents dispositifs d’assise ou d’un « archipel » établissant un lien entre les œuvres littéraires et les collections d’art, entre monde lisible et monde visible.
Enfin, tout au sommet, une terrasse panoramique offrira un panorama unique sur le Châtelet et les toits de Paris, point d’orgue de ce parcours culturel vertical et poétique.