Le grand oral vient de s'achever pour Arep, MVRDV, UniLux et l’agence luxembourgeoise 2001. Mercredi 26 et jeudi 27 janvier, les quatre équipes ont présenté à huit ministres du gouvernement Luxembourgeois, puis à plusieurs comités technique, scientifiques et citoyens le programme « Luxembourg in transition », pour un territoire zéro carbone en 2050.
La démarche concerne la « région fonctionnelle » du Luxembourg, c’est-à-dire non seulement le pays stricto sensu, mais aussi les zones concernées par les échanges transfrontaliers, soit une partie de la France et de la Belgique notamment. « Au total, cela représente une emprise grande comme trois fois la surface du Grand-Duché, où les habitants présentent l'empreinte carbone la plus importante de l’Union Européenne avec 26 t CO2eq/personne/an. Un chiffre qui descend à 18 t CO2eq/personne/an lorsque l’on considère la région fonctionnelle », détaille Madeleine Masse, directrice de la direction territoires d'Arep.
Zéro artificialisation brute
Pour réduire cette empreinte carbone et atteindre l’objectif de 2 t CO2eq/personne/an, les équipes d’Arep ont modélisé tout un panel de paramètres (croissance démographique, patrimoine bâti, densité d’usage, infrastructures existantes…, mais aussi l’évolution des modes de déplacement et du régime alimentaire). « Notre démarche s’est appuyé sur un concept qui nous est cher : le zéro artificialisation brute (ZAB), reprend Madeleine Masse. Il se distingue du zéro artificialisation nette (ZAN) parce qu’il n’inclut pas la possibilité de compenser la construction de nouveau m², sur des sols non artificialisés, ce qui implique de construire sur le déjà là et de réinvestir le bâti existant ».
Et justement, les simulations numériques montrent que la région fonctionnelle pourrait appliquer cette démarche pour engager sa décarbonation d’ici à 2050. « Si tous les leviers connus sont activés, tels que changer son régime alimentaire, décarboner la mobilité, arrêter de prendre l’avion, ne pas artificialiser davantage les sols, etc., le territoire suffit à répondre aux besoins de la population en terme d’alimentation, de fourniture d’énergie, de séquestration de carbone. Urbaniser de nouveaux espaces devient inutile et le précieux capital existant doit être préservé », résume la directrice.
Développer l’agroforesterie
Pour éviter de construire de nouveaux mètres carrés, il est nécessaire de transformer et de réinventer le patrimoine existant. C’est pourquoi Arep a mené l’exercice théorique sur un éco-quartier emblématique, celui de la Cloche d’Or au sud de Luxembourg Ville. « Ce territoire a mis 20 ans à sortir de terre. Il vient d’être inauguré et s’avère être un condensé des erreurs à éviter, puisqu’il comporte un important centre commercial, peu d’espaces verts, des parkings en sur-sol sur trois niveaux sur lesquels sont posés des logements avec de larges voiries très minérales », détaille Madeleine Masse.
Pour ce cas d’école, Arep a considéré tous les m² construits et envisagé de nouveaux usages. Et comme chaque mètre carré compte, « nous avons fait en sorte qu’ils cumulent plusieurs fonctions. Les espaces verts seront cultivés, une partie des voiries transformées, et les forêts reconsidérées, au cœur de la conception des aménagements ».
Actuellement, 1/3 du territoire est occupé par les forêts, mais le pays ne comporte aucune scierie. Par ailleurs, les arbres sont menacés par les scolytes. Devant ce constat, Arep propose de développer l’agroforesterie et d’améliorer la résilience des forêts grâce au choix d’essences adaptées.
Réinvestir le patrimoine existant
L’étude s’est également intéressée spécifiquement aux logements. « Nous avons passé en revue la taille des logements, celle des ménages qui les occupent, les vacances…, pour constater que même avec l’évolution démographique prévue d’ici 2050, l’offre disponible actuelle suffirait théoriquement à accueillir la population future, à condition d’organiser une grande colocation !», poursuit Madeleine Masse.
Pour pallier aux habituelles critiques de ceux qui ne manqueront pas de dire que ce contexte n’incite pas les promoteurs à construire, la directrice déléguée rappelle : « il est largement temps de changer de logiciel et de reconquérir friches et locaux industriels, en particulier, et réinvestir le patrimoine bâti hérité. Le champ d’intervention est immense. »