Après un siècle de bons et loyaux services, le lavabo va-t-il connaître le même sort que le bidet ? L’étiage sera sans doute supérieur car, contrairement au bidet, le point d’eau est un incontournable de la salle de bains, et le lavabo est le moins coûteux qui soit. Cependant, même si près de 700 000 lavabos ont été vendus l’année dernière, les céramistes ont cessé de se battre pour un produit dont ne veulent désormais que ceux qui y sont financièrement contraints. D’abord parce que cette décroissance est européenne. Ensuite parce que les ventes, qui ne concernent (quasiment) que le comptoir et le segment chantier, se réduisent au fur et à mesure que le prix du meuble décroît. D’autant que les céramistes ont en catalogue un produit que le consommateur apprécie, et dont les ventes progressent de manière significative : le plan de toilette en céramique.
C’est bien le meuble qui est à l’origine du déclin du lavabo sur colonne. Depuis plusieurs années, le cœur du marché, installé entre le segment du luxe (où les problèmes de rangement n’existent pas) et le segment économique (qui se contente du lavabo), réclame du fonctionnel et du rangement. Un meuble de plus en plus rarement équipé d’une vasque encastrée dans un plan de toilette en stratifié, mais plutôt coiffé d’un plan de toilette monobloc… en résine de synthèse la plupart du temps !
Le céramiste, un fabricant de mobilier ambitieux
Si la céramique est le meilleur matériau pour le plan de toilette, les fabricants de mobilier ne sont pas des céramistes, et les résines de synthèse dominent chez eux (suivies par le verre) : idéales pour réaliser des petites séries, elles leur permettent de développer leurs propres designs, voire d’intégrer le processus de fabrication - ce qu’ont fait Ambiance Bain et Decotec par exemple - et de s’affranchir des céramistes, qui ont ainsi perdu une part importante du marché du point d’eau.
Paradoxalement, la démocratisation du meuble de salle de bains, tout en provoquant le dépérissement du marché du lavabo et de la vasque, est en train de faire émerger le plan de toilette en céramique. Le matériau, porté par une image de naturel, est réclamé par les consommateurs en lieu et place des résines de synthèse. « C’est une tendance lourde », indique Nadège Laroche, chef de produit sanitaire Lapeyre. Ainsi, grâce au mobilier, le plan de toilette en céramique commence à s’imposer, tant il est vrai qu’il ne rentre dans l’habitat qu’associé à un sous-vasque. Dès lors, une question se pose : puisque le marché va à la fois vers le meuble et le plan de toilette en céramique, les céramistes n’auraient-ils pas intérêt à devenir des fabricants de mobilier ? Réponse : les ensembliers de la salle de bains le sont déjà : Allia et Selles avec une offre assez ancienne et une usine à Limoges ; Jacob Delafon qui, grâce à Sanijura, a acquis un bon savoir-faire ; Roca par l’intermédiaire de Royo, un grand fabricant espagnol dont il s’est (beaucoup) rapproché ; Villeroy & Boch qui possède deux usines dédiées… Tous présents, mais pas de manière très significative, du moins pour l’instant. D’où une autre question : les céramistes vont-ils développer leurs collections de mobilier de salle de bains afin de pousser le plan de toilette en céramique et, par la même occasion, la vasque à poser ? Réponse : c’est déjà le cas.
Tous liés et de plus en plus concurrents
Il y a donc d’un côté les céramistes, décidés à ne pas devenir les simples sous-traitants des fabricants de mobilier, de l’autre les fabricants de mobilier qui, contraints par le marché, vont devoir (re)composer avec la céramique sanitaire. Tous liés et de plus en plus concurrents. Toutefois, les forces et les faiblesses sont partagées : en tant qu’ensembliers de la salle de bains, les céramistes sont des généralistes. Ils ont l’avantage de proposer des salles de bains complètes, aux équipements coordonnés, mais ils se heurtent toujours aux spécialistes que sont les fabricants de meuble qui, notamment, ajoutent le sur-mesure au prêt à poser, et peuvent « sourcer » des plans de toilette en céramique n’importe où dans le monde. D’autant que les résines de synthèse ont encore de beaux jours devant elles, même si, comme le souligne Laurent Bazin, chef de produits sanitaires Cedeo, « leur qualité, directement proportionnelle à la charge minérale qui les compose, demeure cachée ».
La vasque, une alternative au lavabo-table
Si les ventes de vasques à encastrer sont en décroissance importante, les vasques à poser restent dans l’air du temps. Se renforcer sur le marché du meuble de salle de bains est bien, pour les céramistes, un moyen efficace de maintenir les volumes sur cet équipement. D’ailleurs, les nouvelles collections sont modulaires et, au meuble, associent vasques et plans de toilette en céramique. C’est donc en tant qu’alternative au plan de toilette en céramique, c’est-à-dire en équipant comme lui un meuble de salle de bains, que l’objet va pouvoir durer auprès d’un consommateur qui veut du pratique et du fonctionnel.


