« Il est temps que l’eau rejoigne l’énergie, dans la mesure de la performance environnementale des bâtiments ». Françoise Despret situe en ces termes l’objectif de la relance du label Qualipluie, délivré par l’association Essor durable dont elle assure la présidence.
Le décret du 12 juillet 2024 sur l’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine (EICH) crée, selon elle, les conditions favorables à cet alignement entre deux indicateurs majeurs de la construction durable.
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Rassurer les clients et les assureurs
Emanation des organisations professionnelles des artisans du bâtiment (Capeb), des TP et du paysage (CNATP, également présidée par Françoise Despret) ainsi que des fournisseurs et bureaux d’études spécialisés dans le traitement de l’eau à la parcelle (Atep), Essor durable délivre le label sous deux conditions : 25 réponses justes sur 30, dans le questionnaire à choix multiples qui suit deux jours de formation ; puis la validation d’un dossier administratif.
Chef de projet à la CNATP qui héberge Essor durable, Benoît Dhelin situe l’enjeu prioritaire à ses yeux : « Développer le végétal dans le cycle de l’eau ». Mais le nouveau marché des EICH domestiques déborde de l’arrosage des jardins : les chasses d’eau, les machines à laver et les piscines font partie des usages des eaux de pluie validés par le décret, ce qui ouvre des opportunités aux maçons et aux plombiers, en plus des artisans des TP et du paysage. A toutes ces communautés professionnelles, les promoteurs du label promettent un gain de confiance des assureurs et des clients.
Formations agréées
Pour développer les compétences des candidats, deux organismes de formation se partagent le marché : « Eau fil de l’eau » et « Fontaine Ingénierie ». Les opérateurs de compétence des professions concernées financent les stages agréés par Essor durable, qui a contribué à en finaliser les contenus, en 2023.
L’association recense à ce jour une centaine d’artisans labellisés, sur un tiers du territoire. « Une fois le label délivré, on ne lâche pas les gens dans la nature. Des échanges réguliers entretiennent un esprit de famille et un niveau de compétence », témoigne Loïc Berger, administrateur de la CNATP.
Sans lien direct avec les fabricants, les propriétaires de la marque Qualipluie ne ferment pas la porte aux fournisseurs qui cherchent à promouvoir des solutions innovantes. « Ces techniques peuvent enrichir les formations », précise Loïc Berger.
Etape par étape
Essor Durable a retenu les leçons de la flambée éphémère du marché de la récupération des eaux pluviales domestiques, au début des années 2000. « L’arrêt des subventions avait entraîné la mise en sommeil du label », se souvient Françoise Despret.
Après avoir participé à la rédaction du nouveau décret, les associations membres d’Essor durable programment une montée en puissance progressive. « Nous n’avancerons pas tête baissée dans les réseaux séparatifs dédiés à la récupération et au recyclage des eaux grises. Mieux vaut commencer par des chantiers test », soutient Loïc Berger.
Volontariste, mais prudent
Sa prudence se justifie par le déficit de compétences dans l’entretien des installations de gestion des eaux grises. « Cela crée un risque de contreperformance. A la fin, c’est l’entreprise qui en paye les pots cassés », alerte l’administrateur de la CNATP.
Comme entrepreneur, Loïc Berger mesure l’immensité du fossé qui reste à combler, sur le terrain de la formation. « A l’école, on ne m’a jamais parlé d’eaux pluviales. Et ça n’évolue pas beaucoup », lâche l’administrateur de la CNATP.