Dans cette affaire, une société civile immobilière (SCI) a construit un bungalow puis l’a vendu treize ans plus tard à un particulier. Après son entrée dans les lieux, l’acquéreur constate des infiltrations par la toiture. Il assigne le vendeur afin d’obtenir réparation de son préjudice, mais son action est introduite après l'expiration du délai décennal.
La forclusion décennale n’évite pas toujours la condamnation du constructeur…
Les juges d’appel condamnent cependant la SCI sur le fondement de la responsabilité contractuelle, puisqu'ils estiment qu'elle a commis une faute dolosive. Selon l'article 1147 du Code civil (dans sa version applicable à l'époque des faits) en effet, énoncent-ils, "le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles".
Ils soulignent que « dès la construction, réalisée sous la direction de cette société, dont les associés étaient des professionnels du bâtiment, les documents techniques unifiés applicables n’ont pas été respectés et que la SCI, qui était chargée de l'entretien de l'ouvrage, ne pouvait ignorer les infiltrations qui affectaient tant la maison vendue que d'autres qu'elle avait fait construire en même temps si bien qu'en s'abstenant d'en informer l'acquéreur elle avait manqué à ses obligations contractuelles, en particulier à son devoir de loyauté. »
…à condition que la faute dolosive existe bel et bien
Mais la Cour de cassation estime que la faute dolosive n'est pas établie. Elle censure la décision des juges d’appel, pour s'être fondés sur « des motifs impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou fraude ».
La Cour de cassation se montre toujours exigeante pour retenir l'existence d'une faute dolosive. Par exemple, dans une affaire jugée en juillet 2019, elle avait reconnu que le non-respect d’un DTU ne suffisait pas à caractériser la faute dolosive, « qui suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude » (Cass. 3e civ., 5 décembre 2019, n° 18-19476)
Cass. 3e civ., 8 juillet 2021, n°19-13879
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