Interview

Loi Littoral : « Le concept d'espace déjà urbanisé pourrait avoir des effets pervers », Olivier Sut, préfecture de Haute-Savoie

A l'occasion de la parution de son ouvrage « La loi Littoral, décryptage du volet urbanisme au travers des décisions du juge administratif » (1), Olivier Sut, Olivier Sut, chargé du contrôle de légalité des autorisations d'urbanisme à la préfecture de Haute-Savoie, revient sur les principales règles de la loi du 3 janvier 1986 qui fait encore couler beaucoup d'encre dans les tribunaux.

 

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Aujourd’hui, c’est la règle de continuité de l’urbanisation qui revient régulièrement devant les tribunaux », explique Olivier Sut.

Pourquoi la loi Littoral fait-elle toujours autant l'objet de décisions juridictionnelles ?

Les collectivités territoriales pouvaient, dès l'origine, préciser les dispositions de la loi à travers notamment des directives territoriales d'aménagement (DTA) [supprimées par la en 2010, NDLR]. Au-delà des DTA, elles auraient aussi pu identifier, dans les PLU, les espaces proches du rivage, les villages, ce qui aurait permis d'éviter des contentieux, mais elles n'ont pas utilisé les outils à leur disposition. Ce n'est que quelques années avant la loi Elan que les communes ont accepté de préciser la loi Littoral dans leurs documents d'urbanisme.

Pourquoi ne l'ont-elles pas fait plus tôt ?

Les collectivités se sont longtemps réfugiées derrière les PLU pour autoriser des constructions en considérant que le document faisait écran entre la loi et l'autorisation. Sur ce point, le Conseil d'Etat a affirmé en 2017 que la loi Littoral s'applique aux autorisations d'urbanisme accordées sur un territoire couvert par un PLU [, NDLR]. Les communes ont pu aussi être déroutées par les divergences d'interprétation de certaines juridictions.

Par exemple, si les juges ont parfois écarté la qualification de village en présence d'une quarantaine de constructions [, NDLR], ils l'ont aussi retenue [, NDLR]. Cette ambiguïté n'a pas facilité la tâche des rédacteurs des PLU.

Sur quelles dispositions de la loi les juges sont-ils le plus souvent amenés à se prononcer ?

Pendant longtemps, la question du régime juridique applicable aux espaces proches des rivages a cristallisé tous les contentieux. Aujourd'hui, c'est la règle de continuité de l'urbanisation qui revient régulièrement devant les tribunaux. Ainsi, le PLU d'Ajaccio a été partiellement annulé en avril 2021 parce qu'il classait certains secteurs en zone constructible alors que les terrains n'étaient pas en continuité avec un village. De plus, le tribunal administratif a rappelé que le principe de continuité s'applique à toute construction, y compris si le projet est d'intérêt général.

La loi Elan a-t-elle permis de clarifier certaines règles ?

Oui. Elle a supprimé certaines ambiguïtés, notamment en permettant aux Scot de préciser les notions clés prévues par le législateur en 1986 (village, agglomération, autre espace urbanisé). Elle a confirmé ce que les juges pratiquaient ces cinq dernières années. L'objectif était de sécuriser juridiquement les rapports entre les collectivités et les citoyens à travers les documents locaux : il fallait que les administrés soient informés de la possibilité de construire ou pas sur tel ou tel terrain, et sous quelles conditions.

La loi Elan a aussi créé des « secteurs déjà urbanisés » aux côtés des villages et agglomérations. Ce nouveau concept ne risque-t-il pas de créer de nouvelles difficultés ?

Tout dépend de la manière dont le juge appliquera cette notion. Elle est censée recouvrir une zone moins dense qu'un village mais plus construite qu'une zone d'urbanisation diffuse. Se pose la question de savoir à partir de combien de constructions peut-on considérer qu'il s'agit d'un espace déjà urbanisé ? La cour administrative d'appel de Nantes a admis en mars 2020 qu'une cinquantaine de constructions constituait untel secteur déjà urbanisé [, NDLR]. Pourquoi ne pas avoir qualifié ce secteur de « village » ? Si elle n'est pas davantage précisée, cette troisième forme urbaine pourrait avoir quelques effets pervers.

(1) Editions Berger-Levrault, mai 2021.

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