Les rencontres du commerce coopératif et associé 2019 organisées par le FCA ont rassemblé le lundi 14 mai les distributeurs du secteur. La thématique de la conférence pourrait se résumer ainsi : savoir déceler les signaux d’une disruption prochaine du marché, savoir s’y préparer et surtout s’y adapter.
Rappel sur les chiffres
Le président de la FCA, Éric Plat, a d’abord commencé par rappeler la bonne forme des entreprises qui ont adopté le modèle coopératif. Ces dernières ont en effet réalisé ensemble 156 Md€ de chiffre d’affaires en 2018, ce qui représente 7 % du PIB français. Le commerce coopératif est représenté par 49 880 points de vente et emploie 559 740 salariés. Son taux de croissance est quant à lui de 3,1 % contre 0 % pour le commerce de détail, en augmentation pour la 17ème année consécutive. Enfin, l’alimentaire représente les 2/3 du commerce coopératif.
Cependant, peu de nouveaux groupements adoptent ce type de structure, les franchises se développant plus facilement. Mais Éric Plat rappelle que les coopératives s’inscrivent sur la durée, avec un bon nombre ayant fêté leur 50 ans. Le président de la fédération a aussi pointé du doigt la grande faiblesse des coopérative : leurs fonds propres, d’où la métaphore employée de « monstres aux pieds d’argile ».
Le consommateur roi
Pour répondre en partie à ces questions, Jean-Paul Agon, directeur général du groupe L’Oréal, est revenu sur la place centrale qu’occupe à présent le consommateur avec la révolution numérique : « Ces cinq dernières années, tout a changé. Le consommateur est devenu le cœur de la démarche, ce qui a totalement changé le paradigme ». Comme le digital donne le pouvoir au consommateur, le distributeur devient un prestataire de services et donc, est de facto interchangeable. Pour lui, deux conditions sous-tendent toute transformation digitale d’une entreprise : elle doit tout d’abord venir de la base, et donc être portée par l’ensemble des collaborateurs ; elle doit ensuite être vécu comme quelque chose de positif, et non comme une remise en cause néfaste d’un modèle existant inadapté aux modes de consommation actuels. Enfin, Jean-Paul Agon a pointé du doigt la nécessité de remettre au cœur des démarches entrepreneuriales l’éthique et l’écologie, qui deviendront selon lui « majeures » dans les modes de consommation avenir. Des exigences qui selon lui « ne coûtent presque rien à mettre en place »… En tous cas en ce qui concerne l’Oréal.
Adaptabilité des entreprises
Autre intervention remarquée, celle du professeur en management à l’ESCP Europe Frédéric Fréry, qui a apporté son expertise sur les dangers d’une spécialisation à outrance. Il a observé que si le principal moteur de la spécialisation est le succès, cette réussite peut être à terme dangereuse. Il explique tout simplement que des modèles économiques qui marchent sont difficiles à remettre en cause. Et c’est cette frilosité face au changement qui peut être potentiellement néfaste. Autre rappel simple mais important de M. Fréry : « Il ne faut pas confondre innovation et numérique ». Il entend par-là que l’innovation se trouve aussi dans les modèles économiques, qui doivent accompagner les innovations numériques et les changements de paradigmes du marché cités plus haut.
L’exemple de la coopérative Cofaq
Au milieu de ces coopératives grand public telles que La Poste ou Conduite Française, Cofaq était le seul distributeur de matériaux de construction BtoB à s’exprimer à travers son directeur général Thierry Anselin. Ce dernier est d’abord revenu sur les bons résultats de l’enseigne : ses 760 points de vente ont réalisé un chiffre d’affaires 2018 de 1,3 Md€, dont 75 % en BtoB en croissance de 7%. Il est surtout revenu sur la récente acquisition d’Amarante, entreprise spécialisée dans le matériel agricole avec 123 points de vente et un volume d’achat annuel 2018 s’élevant à 25 M€. Il a identifié deux menaces : la concentration des distributeurs et des acheteurs ainsi que les nouveaux besoins des clients. Cette acquisition répond aussi à une demande des adhérents, dont une vingtaine s’était déjà diversifié dans le secteur du matériel agricole. . Si le rapport de force n’est pas égale (Cofaq a un volume d’achat annuel 2018 de 370 M€), Thierry Anselin a rappelé qu’il « ne faut pas confondre la taille et la puissance, et ça reste notre ligne de conduite ».