« Avancer. Innover. Protéger. Ne rien lâcher. Et ne jamais dire que c'est impossible. » C'est par ces mots que Philippe de Beco, président du directoire du Groupe Socoda, concluait, en 2012, son ouvrage « La Marge verte », vibrant appel à marier économie et écologie, une démarche atypique dans le négoce. Mais une vision suffit-elle à produire une stratégie efficace pour se démarquer de la concurrence ?
« Le déclic, explique Philippe de Beco, est né de la recherche d'un millier de jeunes commerciaux, notamment issus de l'immigration. En élaborant un plan de développement durable, il s'agissait de valoriser l'aspect social et citoyen au cœur de nos entreprises, puis, progressivement, d'aller plus loin, en incitant les fabricants à proposer des produits écoconçus ou en réduisant notre consommation énergétique. » En lançant le concept de business durable, « sans partir d'un modèle existant », Socoda a surpris, voire inquiété, plus d'un adhérent du groupement. « Personne n'y croyait, admet Frédéric Rowdo, président de la branche sanitaire-chauffage (47 négoces). Aujourd'hui, de plus en plus d'adhérents y sont sensibles, comprenant qu'il y a là des sources de développement de leur activité. » Comment démontrer que cette voie n'est pas synonyme d'« usine à gaz » et que s'engager améliore sa rentabilité ?
Du vert sonnant et trébuchant
Pour que l'activité soit « durable » et permette au Groupe Socoda de proposer un positionnement spécifique de ses adhérents, les plans d'actions et d'animations commerciales (PAAC) successifs constituent un bon baromètre de l'engagement « vert ». Bilan carbone, écoconduite, accompagnement des entreprises artisanales pour les former à la RGE, déploiement du label EnR... Malgré les réticences, cette stratégie qui avance pas à pas commence à payer. « L'écoconduite est arrivée comme un cheveu sur la soupe, admet Philippe de Beco, mais elle produit déjà des effets, puisque ceux qui l'ont adoptée ont réduit de 15 % leur consommation de gazole et l'accidentologie a reculé de 10 %. »
Marie Vandycke, responsable du développement durable du groupement, confirme : « Pour convaincre les adhérents, nous avons appliqué concrètement ces règles en interne, car il faut être convaincus pour être convaincants. » L'enjeu consiste à transformer la réglementation à venir en un avantage commercial, comme l'application du bilan carbone, l'obligation de reprise des déchets par les négoces ou la mise en place de la RGE. « Nous travaillons sur le transport, sur la gestion des déchets en mettant en place de nouvelles filières, ou encore sur la réduction de l'impact environnemental des bâtiments, l'objectif étant de donner aux adhérents les moyens de gagner des parts de marché, souligne encore Marie Vandycke. Il s'agit d'intégrer le développement durable dans toutes les strates, des réunions aux magasins, dans toutes les étapes du métier des entreprises. Cette façon de penser s'insère ainsi dans chaque étape jusqu'à constituer le cœur de notre ADN. »
Parmi ces strates, le plan d'offre est stratégique pour un groupement indépendant dont l'objectif est à la fois de favoriser la massification et le maillage territorial. C'est le cas avec la mise en place, depuis 2008, de la plate-forme de référencement Addok que Socoda partage avec la coopérative Cofaq. ça l'est encore avec Iris Décoration, supercentrale de référencement en décoration (hors peintures), qui est le résultat d'une alliance entre Agir, Jefco et Socoda. Si le groupement ne recherche pas des fournisseurs tous azimuts - « pas plus de deux par produit », indique Philippe de Beco -, il étoffe, depuis plusieurs années, son offre auprès des points de vente sous forme de miniprésentoirs concentrés sur le 20-80. Par exemple sur les équipements de protection individuelle (EPI), disponibles chez des distributeurs de matériels électriques, de chauffage-sanitaire ou de quincaillerie. « Il s'agit de présenter un plan d'offre le plus large possible », insiste le président du directoire. En s'appuyant sur Addok, l'idée est de permettre aux artisans de trouver dans les points de vente un maximum de produits avec des entrées basées sur les six métiers de Socoda, pour « les empêcher de repartir ailleurs ». C'est sur ce plan d'offre que Socoda s'efforce d'influencer les fournisseurs, via une charte éthique, pour développer une offre de produits écoresponsables, comme des peintures à très faible émission de compo-sés organiques volatils (Cov), que le groupement met en avant dans ses catalogues.
Des chantiers prioritaires parallèles
Philippe de Beco reconnaît que Socoda doit encore relever un certain nombre de défis, dont la stratégie d'enseigne lancée lors de la présentation des PAAC 2015 n'est pas la moindre : « Si l'on ne pouvait pas parler d'enseigne Socoda il y a dix ans, c'est l'état d'un marché en crise qui incite les adhérents à s'engager dans cette stratégie, notamment en raison de la gestion des grands comptes. » Si cet enjeu est évident, il ne mobilise encore que modérément les adhérents. Pour Frédéric Thérond, « la branche décoration n'est pas concernée par la politi-que d'enseigne ni de surcroît par la problématique grands comptes, car composée d'acteurs locaux avec une clientèle de peintres très attachée au contact humain ». En revanche, cette nécessité est clairement ressentie par le président de la branche outils pros, qui insiste sur « l'idée d'évoluer vers un référencement commun, en vue d'une politique de massification moins coûteuse. L'évolution vers le concept d'enseigne est de plus en plus forte tout en laissant la possibilité à ceux qui le souhaitent de ne pas choisir cette voie ».
Le développement du e-commerce, dans le sens d'une démarche multicanal, est un autre chantier. « Alors que nous étions en avance en 2000 avec la création d'une place de marché informatique, nous avons pris du retard ensuite, souligne Philippe de Beco. Avec le laboratoire d'idées Cube, il s'agit de renouveler la vision commerciale, avec les fournisseurs, en développant la e-vente. » Cette volonté se concrétise par le renforcement d'outils de vente en ligne, notamment en matière d'interface, à disposition des adhérents. L'approche semble plus avancée sur les familles d'outillage et la démarche de web-to-store semble séduire, même en décoration où les pure-players ne semblent pas encore avoir de prise.
Ces chantiers vont-ils brouiller le discours unilatéral sur la marge verte et mettre en berne le business durable, ou l'ADN vert de Socoda réussira-t-il à s'installer aussi dans ceux-ci ? La bonne résistance des adhérents dans un marché secoué « conforte nos orientations, affirme Frédéric Rowdo. Nous avons la souplesse et la réactivité d'un commando, nous sommes proches des clients, nous avons la capacité de nous adapter très rapidement tant au niveau géographique que de nos stocks. Tout cela nous donne un temps d'avance, même s'il faut toujours anticiper. »
