Pourquoi l’agence Rogers Stirk Harbour + Partners s’installe-t-elle à Paris maintenant ?
Le Brexit, et je me permettrais de dire l’absurdité de ce processus, a rendu cela indispensable. Jusqu’à présent, nous avions juste besoin d’un bureau à Paris pour le suivi des chantiers, mais pas d’une véritable agence d’architecture parce que l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne et la facilité à pouvoir rejoindre la capitale française en un peu plus de deux heures de train avaient effacé la frontière.
Nous sommes implantés en Australie et en Chine mais, intellectuellement, nous n’avons jamais traité la France comme un pays lointain. Cela fonctionnait bien et correspondait aux méthodes de travail de RSHP. Nous aimons mener notre travail de conception de manière très collective.
Nouvelle donne
Aujourd’hui, nous devons donc nous organiser pour faire face à la nouvelle donne. Notre installation est en cours avec une équipe sur place qui prépare l’ouverture de la nouvelle agence parisienne. Mais si, personnellement, je considère le Brexit comme une catastrophe, je préfère voir cette implantation en France comme une occasion favorable.
Pourquoi Richard Rogers, qui a fondé l’agence en 1977, n’avait-il pas choisi d’ouvrir un bureau à Paris alors même qu’il venait d’y livrer le Centre Pompidou avec son confrère Renzo Piano ?
Je n’y étais pas présent mais, tout d’abord, l’équipe qui avait œuvré sur Pompidou comptait essentiellement des Britanniques qui sont alors repartis chez eux. Et malgré ses racines italiennes, à l’époque, Richard se sentait plus ancré à Londres, du moins professionnellement. Son écriture architecturale, fondée sur une culture de l’ingénierie très anglo-saxonne et alliant l’efficacité structurelle à l’élégance, justifiait aussi de privilégier Londres.
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Depuis lors, l’agence a bien livré quelques bâtiments en France, comme la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg ou le tribunal de Bordeaux, mais c’est la consultation sur le Grand Paris, en 2008, qui a marqué votre retour…
A partir de là, nous avons en effet voulu faire croître nos activités en France et nous investir dans un pays qui porte des valeurs exemplaires en matière d’architecture et d’urbanisme. Certes, Londres est un gigantesque chantier depuis des années mais on a souvent reproché le laisser-faire britannique. La France à l’inverse fait montre d’une politique urbaine et d’une vision stratégique.
Evolution naturelle
Par ailleurs, le langage de notre agence, qui était souvent assimilé à l’acier et au high-tech, a beaucoup évolué sous l’effet du travail collectif. Nous avons par exemple produit de nombreux projets en bois. Nous pouvions présenter un portfolio assez large, bien plus diversifié qu’on ne le pensait parfois, et souhaitions surtout démontrer notre capacité à concevoir des bâtiments innovants, économes en énergie et en carbone.
Le Grand Paris nous a donné l’occasion d’échanger avec nos confrères, de nouer des contacts, de gagner en visibilité et d’être sollicités sur d’autres projets comme Bercy-Charenton, dans le XIIe arrondissement ou le projet de réhabilitation du centre Maine-Montparnasse. L’évolution s’est faite naturellement.
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Est-ce que la France ne présente pas, en plus, l’avantage de rémunérer les concours ?
C’est vrai qu’ils sont bien payés mais ils le sont encore plus en Chine, par exemple. Par ailleurs, au Royaume-Uni, les honoraires sont en général plus élevés qu’en France. Les récompenses sont souvent d’une autre nature : la part accordée à la créativité, ainsi que la qualité des procédures, sont pour beaucoup dans notre envie de travailler de votre côté de la Manche. Parfois, compte tenu de nos méthodes de travail, c’est un challenge mais c’est toujours un réel plaisir.