« C’est la première fois en France qu’un immeuble de logements reçoit une façade en béton de chanvre projeté sur ossature bois sur ses 25 m de hauteur », assure Philippe Septier, responsable marketing et communication chez l’industriel BCB Tradical, du Groupe Lhoist.
Jusqu’alors, les règles professionnelles de la construction en chanvre pour les logements limitaient les constructions au R+2+combles. « Le législateur s’est limité dans un premier temps aux bâtiments de deuxième famille pour des questions d’assurabilité et d’habitudes constructives », explique Quentin Pichon, chargé de mission pour l’association Construire en Chanvre, avant de poursuivre : « ces règles professionnelles sont actuellement en cours de révision. La nouvelle version devrait voir le jour d’ici à juillet 2020. »
En attendant, les architectes de l’agence North by Northwest et le bureau d’ingénierie LM Ingénieur ont dû trouver une astuce réglementaire pour contourner les règles existantes sans avoir recours à de longs et coûteux essais.
Pour obtenir l’aval du bureau de contrôle, les façades ont simplement été recoupées tous les trois étages d’une épaisse lisse de bois (45 mm) apposée en bout de dalle. Ce découpage de la façade permet de considérer les logements comme un empilement de R+2.
Projeter 60 m3 de béton de chanvre
Concrètement l’immeuble de la rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) bénéficiera donc des atouts de ce matériau biosourcé.
Et en premier lieu de son faible poids qui a permis de débuter les travaux en décembre 2018 avec des fondations superficielles. Sur cette emprise constructible restreinte de 122 m², a ensuite été mis en œuvre à la grue l’ossature primaire en prédalles et prémurs de béton.
Dessus, ont été fixés les panneaux de façade à ossature bois de 3 à 4 m de large x 2,50 m de haut. « Ils comprennent des plaques de gypse qui assureront les finitions intérieures tout en servant de fond de coffrage au 60 m3 de béton de chanvre projeté au moyen d’une lance sur 22 cm d’épaisseur », détaille Richard Thomas, architecte co-fondateur de l’agence North by Northwest.
L’isolant enveloppe aussi les liaisons parois/planchers afin d’éviter les ponts thermiques, sauf au niveau des fameuses lisses de bois qui recoupent les façades.
Dans deux mois, lorsque le second œuvre sera en cours d’achèvement et le béton de chanvre bien sec, un enduit de 2 cm à la chaux recouvrira l’ensemble, assurant une pérennité de l’ouvrage sur 100 ans, selon les FDES. L’immeuble sera alors prêt à être livré, en avril 2020.

Optimiser les coûts
« Certes, l’utilisation du béton de chanvre présente un surcoût de 5 à 10 % par rapport à une opération classique, mais cette solution s’inscrit dans nos engagements en matière de développement durable et dans notre ambition de réduire la facture énergétique de nos locataires », explique Adrien Biggi, responsable de projets chez Immobilière 3F.
En plus du choix de ne pas construire de sous-sol et de ne pas employer une ossature primaire en bois, l’utilisation du béton de chanvre a participé à l’optimisation des coûts globaux.
Par sa légèreté d’une part, puisque selon Philippe Septier, « sa masse volumique n’est que de 280 kg/m3 contre 2,2t/m3 pour un système béton + ITE, ce qui a permis de rester en fondations superficielles ».
De plus, l’épaisseur de la paroi est limitée à 22 cm, ce qui permet de gagner de la surface habitable. Le matériau se suffit à lui-même et ne nécessite pas de pare vapeur ou de bardage.

Diminuer la facture
Coté performance énergétique, les capacités hydro thermiques du béton de chanvre évitent des systèmes de climatisation et de chauffage superflus et allègent donc la facture de l’occupant. « Pour un T3 de 60 m², sachant que le matériau a une conductivité thermique λ de 0,076 W/m.K et la paroi une résistance thermique R de 3, que la consommation annuelle est estimée à 41 kWh/m², nous anticipons les coûts de chauffage/ECS inférieur à 20€/mois », estime Grégoire Mouly.
Au béton de chanvre est d’ailleurs associé un système de récupération des calories des eaux grises au moyen d’un échangeur positionné sous les douches pour préchauffer les ECS, qui seront ensuite mélangée à l’eau chaude de la chaudière dans le mitigeur. De quoi produire 30 % d’énergie renouvelable.
In fine, le bâtiment répond à la certification NF Habitat HQE niveau RT 2012 – 20 %, selon les calculs du bureau d’étude. Gregoire Mouly assure que « s’il avait été amené à rentrer dans la labellisation E+C-, il aurait obtenu une note C2 avec un bilan global de 426 kg eq CO2/m² ».
Fiche technique
Maitrise d’ouvrage : Immobilière 3F
Maitrise d’œuvre : North by Northwest architectes ; LM Ingénieur (BET structure et thermique), WOR ingénierie ; MOTEEC ( BET économiste)
Entreprises : JR Bat (gros œuvre et béton de chanvre) ; Meha charpente / Val Bois (ossature bois)
Industriel : BCB Tradical, Groupe Lhoist
Surface : 2065 m² ou 750 SDP
Cout : 1,6M€HT
Livraison : avril 2020