« Le bâtiment est un outil essentiel de la transition écologique », Benoît Hamon

Après Marine Le Pen, et François Fillon, c’est au tour de Benoît Hamon de livrer au Moniteur ses propositions pour le BTP.

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Le candidat socialiste, qui a le soutien d'EELV et du Parti radical de gauche, souhaite que 50 % des marchés publics soient réservés aux PME.

L’objectif de 500 000 logements construits a presque été atteint en 2016. Les dispositifs mis en place pendant le quinquennat de François Hollande doivent-ils être pérennisés ?

Benoît Hamon : En 2016, le nombre de logements autorisés a atteint un niveau très important, bien supérieur à ce qui avait été enregistré depuis des années. Cela concerne tous les types de logements : près de 125.000 logements sociaux, mais aussi des logements intermédiaires, du locatif libre, de l’accession à la propriété classique et à prix maîtrisés pour permettre aux primo-accédants de devenir propriétaires. C’est une satisfaction, alors que beaucoup de critiques infondées ont émaillé le débat au moment de la discussion de la loi Alur, des critiques qui, elles, ont eu un effet négatif sur le marché du logement. Ces bons chiffres sont le résultat d’un écosystème favorable aidé par des taux d’intérêts bas et des mesures comme l’extension du PTZ, la TVA à taux réduit et un dispositif d’investissement locatif recentré.

Pour autant, des inégalités demeurent. La « crise du logement » qui pénalise les classes moyennes et les classes populaires persiste. La possibilité de trouver un logement correspondant à ses revenus et proche de son lieu de travail est une réalité concrète vécue au quotidien par de nombreux habitants de notre pays, notamment dans les zones dites tendues. C’est un problème pour ces ménages, pour les acteurs économiques du logement et de la construction, mais aussi, plus globalement, un problème en termes de compétitivité pour notre pays, en freinant par exemple les possibilités de mobilité professionnelle.

Aussi, je propose que l’État et les collectivités s’engagent à en finir avec le logement rare et cher, là où sont les besoins. Nous encouragerons partout où cela est nécessaire des régulations du coût du logement, qu’il s’agisse du coût de la construction, de l’attribution d’aides publiques les plus utiles possibles et mieux ciblées pour celles et ceux qui en ont besoin, pour l’accession, le marché locatif comme pour la rénovation. Notre pays a en effet trop raisonné en logique de guichet, avec des effets déplorables en termes de finances publiques ou d’aménagement du territoire, comme par exemple avec le dispositif Scellier. Ce que je veux promouvoir, c’est une France de « bien logés », en dépassant les faux antagonismes et en engageant tous les moyens nécessaires pour répondre aux besoins en nombre de logements qui vont continuer à s’accroître. Pour engager cette dynamique, il sera nécessaire d’évaluer tous les dispositifs en place, sans reconduction automatique, ni extinction à leur fin prévue a priori. Je veux assurer assurer aux différents acteurs du logement une vision à moyen terme car l’instabilité réglementaire et fiscale a trop pesé ces dernières années.

Au-delà des sempiternelles incitations fiscales, quels leviers actionner pour répondre à la forte demande de logements en France à des prix maîtrisés ?

B.H. : L’État doit fortement s’impliquer pour inciter les collectivités territoriales à assumer leurs responsabilités qui consistent à construire des logements diversifiés répondant aux besoins de la population. La gouvernance du logement sera au cœur de l'action des territoires. Avec d’une part des PLH aux objectifs évaluables et conçus comme des outils de pilotage locaux développant une véritable stratégie foncière; et d’autre part, l’État installé comme pleinement régulateur entre une politique nationale et les spécificités des territoires, avec une gouvernance citoyenne locale dans l'élaboration des documents de programmation. Pour mobiliser le foncier utile au service du logement, je propose de créer des zones de mobilisation foncière dans les territoires les plus tendus pour lutter contre la rétention et la spéculation.

Par ailleurs, je mobiliserai des moyens supplémentaires pour aller vers la construction de 150.000 logements sociaux par an dont 130.000 très sociaux (PLUS/PLAI). Je veillerai à ce que les services de l’État dans les territoires utilisent tous les moyens à leur disposition pour appliquer pleinement la loi SRU et qu’ils favorisent, dans les communes déficitaires, des opérations de construction mixtes « trois tiers bâti », entre le locatif social, le locatif libre et l’accession à la propriété. De même, je propose d’engager la construction de 60.000 logements sociaux pour les jeunes (logements spécifiques conventionnés) et d’adapter 150.000 logements au vieillissement sur la durée du quinquennat en instaurant un micro-crédit à taux zéro et en créant un crédit d’impôt Bien vieillir.

Concernant les règles fiscales, il faut leur assurer un minimum de stabilité : je proposerai une loi de programmation fiscale dédiée, afin de favoriser plus les mutations et moins la rétention, notamment sur les terrains à bâtir en zone tendue. Je souhaite aussi orienter une part de l'assurance-vie vers la construction de logements à prix maîtrisés.

Conformément à la récente décision du Conseil d’État, je veux étendre l’encadrement des loyers dans les métropoles en région, comme cela se pratique d’ailleurs sans heurts en Allemagne. Pour mieux sécuriser les locataires comme les propriétaires, le projet d’une garantie universelle des loyers sera rediscuté. Par ailleurs, des formes innovantes comme la dissociation du foncier et du bâti récemment engagée à Lille ou l’habitat participatif, seront encouragées, car elles permettent de maîtriser les coûts pour les occupants, quel que soit leur statut.

Enfin, le plan national de renouvellement urbain sera doté de 10 Milliards d’euros et une péréquation des ressources des collectivités sera engagée. Les dotations de l’État seront réformées dans le sens d’une égalité réelle pour les villes pauvres et les maires bâtisseurs afin de permettre à ces derniers de construire les équipements nécessaires à l’arrivée de nouveaux habitants et que les ménages déjà sur place y aient aussi intérêt.

Parlons de la place qu'occupe le bâtiment dans votre politique écologique. Rénover les 7,4 millions de passoires énergétiques coûterait 4 milliards d’euros par an à l’Etat. Est-ce une priorité pour vous ?

B.H. : Le bâtiment occupe un outil essentiel de la transition écologique et constituera l'une de mes priorités. Afin de lutter contre la précarité énergétique et contribuer au nouveau modèle de développement, je lancerai un programme massif de 100 milliards d'euros sur 5 ans permettant la rénovation thermique des bâtiments publics et des logements privés, financés par des emprunts de très long terme de la Caisse des dépôts.

J’engagerai aussi la mise en place un véritable bouclier énergétique qui garantira aux ménages habitant les logements les moins bien isolés qu’ils ne dépenseront pas plus de 10 % de leur revenu dans leur facture d’énergie. Il s’agit donc d’un investissement « rentable ». Ce plan comprendra trois priorités : la réhabilitation thermique des logements sociaux, un plan ambitieux d’accompagnement des initiatives du secteur privé avec des aides renforcées et conditionnées au recours à des artisans labellisés, une protection des foyers en situation de précarité énergétique avec un véritable bouclier “énergie” pour éviter les situations de privation.

Enfin, les approches globales, financées par les gains sur le long terme, du type d'Energie Sprong initiée au Pays-Bas et soutenue par l'Union européenne, seront encouragées à se développer en France.

Les infrastructures souffrent d’un manque cruel d’investissement ces dernières années. Prévoyez-vous d’y remédier ?

B.H. : Les infrastructures actuelles ne correspondent plus aux nouveaux besoins. Nos infrastructures, qui étaient parmi les plus performantes au monde, sont vieillissantes. Il est urgent de relancer massivement l'investissement public.

Je renouerai avec l’esprit de la décentralisation dans un pacte de confiance avec les collectivités. Je veillerai ainsi à ce qu’aucun territoire ne soit oublié. État et collectivités locales doivent être ensemble, les acteurs de la cohésion sociale, territoriale et économique. Je créerai des Territoires prioritaires d’action publique pour coordonner l’action de l’ensemble des services publics là où sont les besoins : zones rurales, péri-urbaines, quartiers périphériques, avec une attention particulière aux outre-mer. Je créerai un Fonds Unique Dédié à la revitalisation des centres-bourgs et des centres villes.

Je consoliderai le maillage du réseau ferroviaire, afin que tous nos territoires restent correctement desservis et que la sécurité soit assurée. Tous les arrêts de train des lignes d’équilibre du territoire, tels que reconnus par le schéma national des services de transport, seront maintenus.

Je lutterai contre les zones blanches, et j’investirai dans le Très haut débit fixe et mobile pour garantir une égalité effective à tous les citoyens. À cet effet, je créerai un droit à la connexion haut débit.

Pour lutter contre le manque d’activité physique dès le plus jeune âge, je multiplierai le nombre d’équipements sportifs légers de proximité dans les écoles et à proximité de celles-ci.

Comment financerez-vous les investissements de long terme. Par l’emprunt ? La fiscalité ? L’appel au privé ?

B.H. : Je financerai les investissements de long terme par trois moyens:  par le recours à l'endettement en premier lieu, car les principales institutions internationales (OCDE et FMI) nous le disent : c'est le bon moment pour s'endetter. Les taux d'intérêts sont bas et notre pays souffre surtout de sous-investissement chronique. La fiscalité carbone nous permettra en outre de financer une partie de ces investissements. Mais nous laisserons évidemment une large place au financement privé, et sa réorientation vers le financement de la transition écologique.

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Canal Seine-Nord-Europe... Quel sort réservez-vous aux projets en suspens ?

B.H. : Lorsque l’existence est établie d’un lourd impact écologique d’un grand projet d’investissement local ou national, une Conférence de Consensus, réunissant experts, citoyens, élus, associations, doit être organisée pour faire émerger des solutions alternatives, alliant le réalisme économique, le progrès social et la préservation de l’environnement.

Dans cet esprit seront notamment mises en œuvre deux conférences de consensus destinées à étudier, dans le respect du légitime développement urbain de Nantes, toutes les alternatives au projet de Notre-Dame-des-Landes, dont le site actuel sera abandonné, ainsi que la ligne ferroviaire en construction Lyon-Turin où une ré-étude globale des réponses à apporter aux dangers de pollution des vallées alpines sera menée.

L’investissement local est mis à mal par la baisse des dotations. Comment permettre aux collectivités de lancer des chantiers alors que leurs moyens déclinent ?

B.H. : Je stabiliserai notre organisation territoriale et renouerai avec l’esprit de la décentralisation dans un pacte de confiance avec les collectivités. Aucune dépense supplémentaire ne sera demandée sans ressources nouvelles. Je proposerai qu’une feuille de route soit établie avant fin 2017 entre l’État et les collectivités lors d’une Conférence des Territoires. Elle définira un cadre financier pour le quinquennat, décliné chaque année par une loi de financement des collectivités. Je veillerai à ce qu’aucun territoire ne soit oublié. État et collectivités locales doivent être, ensemble, les acteurs de la cohésion sociale, territoriale et économique. Je relancerai un mouvement ambitieux d’aménagement du territoire.

Il faut aider davantage les maires bâtisseurs à financer leurs équipements. Une partie de la dotation globale de fonctionnement sera donc modulée en fonction des constructions de logements et du respect de leurs objectifs inscrits dans les PLH. Renforcer l’État local c’est lui permettre de jouer son rôle d’impulsion et de contrôle en matière de logement.

Ce sont les métropoles qui portent aujourd’hui la demande, tant en infrastructures qu’en logements. Chance ou handicap ?

B.H. : Je veux retrouver une cohérence territoriale, notamment sur les sujets qui ne peuvent s'améliorer que collectivement : le logement et l'hébergement d'urgence, la pollution, le développement des transports collectifs, l'intermodalité,.... Dans ce cadre, la métropole est une plus-value évidente ; une coordination des communes est indispensable pour que ces sujets avancent. Il faut que l'ensemble des acteurs jouent le jeu et s'investissent de manière solidaire. Il est par exemple nécessaire que les ressources entre les territoires les plus aisés et les plus pauvres soient mieux réparties, par le biais d'un dispositif de péréquation efficient. Cela demande une véritable coopération entre les villes. L'aménagement du territoire doit être réorganisé de façon à accompagner le processus de transition écologique, outil essentiel pour vivre mieux, en limitant l'impact de nos activités humaines, en créant des emplois de qualité et non délocalisables, en développant les équipements collectifs et le logement, et en réduisant les écarts environnementaux entre les régions.

La construction est un secteur de main d’œuvre avec 1,6 million de travailleurs. Quelle place occupe le BTP dans votre politique de l’emploi ?

B.H. : Le logement et par ricochet le BTP est un secteur clé de notre économie et un outil de la transition écologique de notre société. J‘organiserai une conférence sur le logement dans les 6 mois suivants mon élection avec l’ensemble des professionnels, bailleurs et associations de locataires afin de déterminer une politique nationale transparente et rénovée du logement ce sera mis en place avec un type de production de travail sur l’adéquation par rapport à la demande et la localisation. Je souhaite par exemple que le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire participe à l’effort de construction de logement accessible à ses salariés.

La rénovation thermique du parc actuel privé et public sera également au cœur de mon projet avec une mobilisation de tous les acteurs et un accompagnement de la professionnalisation de nos artisans et entreprises. Pour la rénovation du parc privé, je solliciterai la Caisse des dépôts. Pour la rénovation du parc social, je mettrai fin aux ponctions sur la trésorerie des offices HLM en échange d’objectifs chiffrés de réhabilitation de logements sociaux.

Le BTP est un secteur essentiel pour l’emploi en France. Il est sans doute nécessaire de revaloriser les métiers et les carrières, au moment du choix d’orientation des familles. Il faut montrer en quoi aujourd’hui, il est une grande source d’innovation pour notre pays, de la maquette numérique aux villes connectées, en passant par des recherches de pointe sur les matériaux et les techniques de construction et de rénovation. Ce que nous produisons en France constitue aussi une marque de fabrique pour vendre notre savoir-faire et gagner des marchés à l’étranger.

Le travail détaché est légal en France, sous certaines conditions. Que proposez-vous pour lutter contre les abus ?

B.H. : Sur le volet social, je veux mettre fin à la concurrence entre les peuples. Je proposerai un processus de convergence sociale qui débutera par un salaire minimum par pays à hauteur de 60% du salaire median. La directive sur les travailleurs détachés sera révisée pour garantir le respect du principe « à travail égal, salaire égal »: lutte contre la fraude des sous-traitants, renforcement des inspections du travail et des contrôles sur les chantiers.

Pour faciliter les contrôles, le secteur du BTP s’est lui-même équipé d’une carte professionnelle. Sous votre mandat, l’Etat accroîtra-t-il les contrôles sur les chantiers ?

B.H. : La carte professionnelle sur les chantiers est une bonne mesure. Elle permet de sécuriser les entreprises  qui respectent les règles comme les salariés. La compétition économique ne peut accepter le dumping social et des conditions de travail dégradées. Cela nécessite aussi une plus grande responsabilisation des donneurs d’ordre face à leurs sous-traitants. Bien entendu, dans ce cadre, je serai attentif à ce que des contrôles plus réguliers soient effectués.

Le compte pénibilité, tel qu’imaginé actuellement, est-il la bonne réponse aux travaux difficiles ?

B.H. : Pour que chacun puisse bénéficier d’une même durée de retraite en bonne santé, je veux remplacer la loi travail par une nouvelle loi qui, en concertation avec les partenaires sociaux, renforcera entre autres le compte pénibilité et le compte personnel d’activité. Le maintien et l’extension des comptes pénibilités permettront à ceux qui ont eu les carrières les plus difficiles de partir plus tôt. Je ne repousserai pas l’âge de départ en retraite. Nous permettrons également des transferts de trimestres validés entre conjoints pour favoriser les retraites à taux-plein. L'automatisation de certaines tâches doit aussi pouvoir permettre de réduire, à terme, la pénibilité de celles-ci.

Prévoyez-vous de favoriser l’accès des PME, voire des PME locales, à la commande publique ? Si oui comment?

B.H. : Pour une économie renforcée face à la mondialisation, j’accorderai la priorité au made in France. 50 % des marchés publics seront réservés aux petites et moyennes entreprises (PME-PMI-TPE). J’introduirai des clauses sociales, environnementales, d’emploi et de « produire local ». Les entreprises qui délocalisent devront rembourser les aides publiques reçues. Je m’opposerai aux traités de libre-échange (CETA et TAFTA) qui menacent nos préférences collectives. J’exclurai les services publics et l’agriculture du champ des négociations commerciales.

Pour aider nos petites et moyennes entreprises à se développer, je faciliterai leur accès aux financements à tous les stades de leur croissance. La Banque Publique d’Investissement (BPI) interviendra en garantie comme en prêteur lorsque les banques seront réticentes à accompagner les projets. Je créerai une monnaie alternative inter-entreprises qui leur permettra de s’échanger des services sans mobiliser leur trésorerie

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