Lafarge s'est bien arrangé avec les groupes armés islamistes en Syrie. Le groupe l'a reconnu dans un communiqué publié jeudi 2 mars. Pour sauvegarder sa cimenterie de Jalabiya, à 150 kilomètres au nord-est d'Alep, la filiale locale du groupe français à l'époque, "a remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés, dont des tiers visés par des sanctions".
Alors que la guerre civile prenait de l'ampleur dans le pays, "la détérioration de la situation politique en Syrie a entraîné des défis très difficiles quant à la sécurité, les activités de l'usine et les employés", souligne LafargeHolcim. "Cela incluait des menaces pour la sécurité des collaborateurs ainsi que des perturbations dans les approvisionnements nécessaires pour faire fonctionner l'usine et distribuer ses produits."
L'usine de Jalabiya achetée par Lafarge en 2007 représentait l'un des investissements étrangers les plus importants jamais consentis en Syrie en dehors du secteur pétrolier: les trois ans de travaux avaient coûté environ 680 millions de dollars.
Pour défendre jusqu'au bout cet investissement, Lafarge plaide donc que "les responsables des opérations en Syrie semblent avoir agi d'une façon dont ils pensaient qu'elle était dans le meilleur intérêt de l'entreprise et de ses employés. Néanmoins, l'enquête révèle des erreurs de jugement significatives en contradiction avec le code de conduite alors en vigueur", ajoute-t-il. "Rétrospectivement, les mesures prises pour poursuivre les activités de l'usine étaient inacceptables", admet le groupe.
Une enquête interne "n'a pas pu établir avec certitude quels étaient les destinataires ultimes des fonds au-delà des tierces parties concernées", ajoute cependant le groupe. Selon Le Monde, qui avait révélé l'affaire en juin, ces arrangements ont notamment profité à l'organisation État islamique (EI).
Suite aux révélations du Monde, plusieurs ONG, puis le ministère de l'Economie, ont porté plainte contre le cimentier, l'accusant notamment de financement du terrorisme et d'avoir enfreint les sanctions édictées par l'Union européenne contre le régime de Bachar al-Assad.