Acheter un logement sur plan et garder la possibilité de réaliser soi-même les travaux de finition et pose d'équipements, tel est le principe de la vente en l'état futur d'inachèvement (Vefi) proposée depuis la loi Elan du 23 novembre 2018 aux acquéreurs de logements neufs. L'idée était simple : ne plus exiger que le promoteur livre un logement complètement habitable, au risque de voir ensuite le propriétaire jeter l'évier neuf pour le remplacer par un autre plus à son goût ou refaire entièrement les peintures.
Description et chiffrage dans le contrat. L' prévoit ainsi que, lors de la signature d'un contrat de réservation d'un logement, l'acquéreur peut se réserver l'exécution de travaux de finition ou d'installation d'équipements qu'il se procure lui-même. Le contrat doit comporter une clause en caractères très apparents stipulant que l'acquéreur « accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux ». Ceux-ci doivent être décrits et chiffrés par le vendeur. Les parties doivent également fixer un délai dans lequel l'acquéreur pourra revenir sur sa décision de réaliser les travaux ; en pareille hypothèse, le promoteur sera tenu de terminer le logement aux prix et conditions convenus.
L'étude d'impact de la loi Elan estimait « le coût des travaux dont l'acquéreur se réserverait la réalisation entre 1 000 et 15 000 euros par logement et à 10 % le nombre de contrats qui comporteraient une clause de réservation de travaux au bénéfice de l'acquéreur ». Mais trois ans après la parution du texte, le constat des professionnels est unanime : ce système est très peu utilisé, même si aucun chiffre officiel n'a été communiqué par les notaires ou la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Une carte supplémentaire dans l'éventail du promoteur
Pourtant, les spécialistes du logement neuf s'accordent à dire que ce système fonctionne très bien pour les maisons individuelles - le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) permettant, en effet, à l'acquéreur de se réserver des travaux de finition. « La tendance est à l'hyper personnalisation des logements, chacun veut choisir sa décoration, et la Vefa en “prêt à finir” offre aussi cette possibilité pour l'habitat collectif, elle est donc dans l'air du temps », estime Julie Gomez-Balat, avocate associée chez Adaltys. Des personnes ayant des compétences en bâtiment peuvent réaliser les finitions, et des acquéreurs qui veulent investir dans le très haut de gamme ont la possibilité de mandater un architecte d'intérieur pour réaliser les travaux.
Les assurances du promoteur et toutes les garanties liées à la construction en Vefa ne couvrent pas les travaux réalisés par l'acquéreur.
Outre des prestations sur mesure, l'acquéreur qui choisit la Vefa en « prêt à finir » peut espérer réaliser une économie - c'était d'ailleurs l'idée des rédacteurs de la loi Elan que d'éviter au particulier de payer deux fois pour les mêmes travaux ou équipements. « Enfin, pour les promoteurs, l'existence de cette possibilité est une carte supplémentaire dans les propositions à leurs clients dans un environnement très concurrentiel », indique Paul Letierce, notaire à Arcachon (Gironde).
Complexité et risques
Pourquoi la Vefi tarde-t-elle donc à démarrer, malgré tous ses atouts ? « Dans une maison individuelle, ce mécanisme est très simple à mettre en œuvre car il y a un seul logement à gérer alors que dans un immeuble collectif, le promoteur doit prendre en compte les desiderata d'un grand nombre d'investisseurs », avance Bérengère Joly, directrice juridique de la FPI. Pourtant, le et l'arrêté du 28 octobre 2019 pris dans la foulée de la loi Elan ont limité les types de travaux concernés afin d'éviter trop de complexité. Ceux pouvant être réalisés par l'acquéreur concernent la finition des murs intérieurs, le revêtement ou l'installation d'équipements de chauffage ou sanitaires et le cas échéant le mobilier permettant de les accueillir. Les travaux doivent être sans incidence sur les éléments de structure, les alimentations en fluides, les réseaux situés dans les gaines techniques appartenant aux parties communes du bâtiment, sur les canalisations d'alimentation en eau. Ils ne doivent pas non plus toucher les évacuations et alimentations de gaz nécessitant une intervention sur les éléments de structure. Ils ne peuvent porter sur les entrées d'air et ne doivent pas conduire au déplacement du tableau électrique du logement.
Travaux modificatifs de l'acquéreur. Par ailleurs, « pour personnaliser leur logement, les particuliers préfèrent généralement utiliser des travaux modificatifs de l'acquéreur (TMA) que les promoteurs proposent et qui permettent d'aller dans un grand niveau de détail », indique Julie Gomez-Balat. Pour l'investisseur, ce système est plus simple, car le promoteur est responsable de tout. L'obligation d'inscrire dans le contrat le coût des travaux ou équipements, mais aussi le fait que l'acheteur peut changer d'avis dans un certain délai nécessite également beaucoup d'anticipation de la part du promoteur. Celui-ci tente donc de dissuader les acquéreurs de choisir la Vefa en « prêt à finir ».
Sécurité juridique. Autre frein : les économies prévues ne seraient pas toujours au rendez-vous. Réaliser les travaux par soi-même est rarement plus intéressant que les prix proposés par le promoteur. « Et l'augmentation des prix des matériaux ces derniers mois accentue la situation », souligne Bérengère Joly.
Enfin, les risques juridiques liés à cette formule ne sont pas négligeables, les assurances du promoteur et toutes les garanties liées à la construction en Vefa ne couvrant pas les travaux réalisés par l'acquéreur. En principe, les assurances décennale et dommages ouvrage ne concernent pas les travaux de finition, et l'acquéreur est couvert pour le gros œuvre du bâtiment mais, en cas de problème, les assurances risquent tout de même de se renvoyer la responsabilité. En effet, les travaux de finition - l'installation d'une salle de bains ou d'une cuisine, par exemple - peuvent avoir une incidence sur le gros œuvre, or les dégâts éventuellement causés par une installation défectueuse ne sont pas couverts par les assurances décennale ou dommages ouvrage. En outre, alerte Paul Letierce, « les garanties financières d'achèvement des travaux et de remboursement qui sont obligatoirement fournies par le promoteur afin que l'acquéreur soit remboursé en cas de faillite du promoteur ou d'un arrêt du chantier pour d'autres causes ne prennent pas non plus en compte les travaux effectués par l'acquéreur, celui-ci est donc moins protégé ». Ce dernier doit notamment s'accommoder d'un retard de chantier qui l'empêcherait d'emménager dans l'appartement ou de malfaçons qui rendraient le logement inhabitable.