La « tiny house »  : solution ou mirage pour le logement d’urgence ?

Le mouvement des « tiny houses » se développe en France depuis moins de vingt ans. Face à la crise du logement, la mini maison écologique se présente comme une alternative et s’est offert ses premières rencontres internationales à Caen.

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Des "tiny houses" d’Un toit vers l’emploi, au centre de Rouen (Seine-Maritime)
Au centre de Rouen, à proximité d’une résidence pour seniors, les « tiny houses » d’Un toit vers l’emploi sont destinés aux sans-abris pour les aider à sortir de la précarité et retrouver un emploi.

Littéralement « minuscule maison », la « tiny house » est en réalité à mi-chemin entre la maison et la roulotte. Mobile, compacte, économe en énergie comme en espace. Les premiers prototypes sont apparus aux Etats-Unis en 2005 après le passage de l’ouragan Katrina. Puis en 2008, elles ont permis aux familles touchées de plein fouet par la crise des « subprimes » de trouver à se loger immédiatement. Dès leur origine, elles apparaissent donc comme une solution possible de logement d’urgence ou transitoire.

En France, leur arrivée est plus récente, sans qu’on puisse précisément la dater. « Le modèle importé des Etats-Unis arrive à la fin des années 2000 ou 2010 et le mouvement s’accélère depuis le Covid. Mais comment les « tiny houses » sont arrivées en France et s'y développent, qui les habitent, combien sont-elles ? Nous n’avons pas de données scientifiques sur le sujet », mesure Alexis Alamel, maître de conférence en géographie à Sciences Po Rennes, à l’origine des premières rencontres internationales de la « tiny house » organisées à Caen le 29 mars dernier.

Le chercheur a travaillé sur l’habitat en containers des étudiants au Pays Bas et au Havre avant de s’intéresser à la mini-maison. « Si les premières initiatives sont individuelles, aujourd’hui, les collectivités s’intéressent au modèle comme une offre alternative de logements pour certaines populations : étudiants, saisonniers, jeunes travailleurs, réfugiés, sans-domicile, etc. »

Des villages pour sans-abris

Antonin Margier, maître de conférences en études urbaines à l’université Rennes 2, a lui étudié le développement des « tiny house villages » destinés aux sans-abris sur la côte ouest des Etats-Unis, notamment à Portland dans l’Oregon. Il en dénombrait 150 en 2019, avec une forte accélération depuis 2015. Ils sont souvent installés à la place d’anciens villages informels ou squats dont ils en constituent la version « institutionnalisée », permettant aux autorités de « reprendre le contrôle de l’espace public », analyse le géographe.

Innovation sociale, solution de mise à l’abri ou outil de contrôle social, les villages de sans-abris en modulaires faisaient encore scandale dans les années 1990 en France, lorsque l’architecte et philosophe Paul Virilio lançait le concours « Balises urbaines » pour créer de l’habitat léger pour SDF.

Acceptabilité

« Aujourd’hui, il y a une acceptabilité de ce micro-habitat pour les sans-abris, surtout depuis la pandémie », note Djemila Zeinedi, directrice de recherche au CNRS au laboratoire Géographie-cités à Paris, qui s’intéresse également à ces formes d’habitat. « Ce qui semble inédit dans ces hébergements, c’est qu’ils quittent le monde de l’informel auquel il est courant de les associer, pour être adoptés par les institutions, les collectivités locales et territoriales. Ces refuges sont proposés en réponse à la crise du logement dans une déclinaison décalée de la politique du « housing first », « le logement d’abord » en France. Mais pas seulement puisqu’ils sont aussi dans un contexte de préoccupations écologiques déployés selon les logiques de « low impact housing ». 

La « tiny house » semble plus « acceptable » car elle bénéficie de son côté « instagrammable », résume Alexis Alamel. Prisée des néoruraux et des retraités, valorisée comme résidence secondaire et de loisir, c’est du « low cost bobo ». Elle présente aussi l’avantage d’être construite de manière industrielle, rapidement, hors sol, et de coûter relativement peu cher, même si les coûts se sont envolés ces dernières années (entre 35 000 et 150 000€).

Flou juridique

Le problème, c’est le flou juridique qui entoure son statut d’habitat mobile et les règles d’urbanisme qui s’y rattachent. En France, des expérimentations ont déjà été lancées à Tours (association Entraide et Solidarités), Lyon  (Le Mas), dans les Deux-Sèvres avec Emmaüs, et à Rouen (La Case départ).Souvent portés par des associations, en lien avec les collectivités locales, ces projets associent logement et accompagnement social dans un parcours vers l’insertion. La « tiny house » sert alors de refuge provisoire avant l’accès à un logement permanent.

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