Décryptage

La régularisation des constructions illégales a la cote

Urbanisme - Depuis plusieurs années, les outils juridiques permettant de faire primer la mise en conformité sur la démolition se sont étoffés. Le juge apporte également sa pierre à l'édifice.

 

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Les cas de constructions irrégulières - érigées sans permis ou en méconnaissance des règles fixées par l'autorisation -ne sont pas anecdotiques. Le législateur s'y est intéressé ces dernières années et a organisé un dispositif de régularisation a posteriori des ouvrages illégaux. Ce régime a été institué avec l' relative au contentieux de l'urbanisme. Il a ensuite été complété par les lois Alur (), Elan (), et plus récemment par la loi Engagement et proximité (). Le juge est aussi venu contribuer largement au dispositif.

Régularisation après l'achèvement des travaux

Il est de principe constant que, dès lors qu'un permis de construire a été délivré, les travaux peuvent être régulièrement entrepris, même si un recours a été exercé contre ce projet, sauf décision de suspension prononcée par un juge. Un bâtiment peut donc être édifié, même s'il s'avère irrégulier après achèvement ou en cours de chantier, en raison de l'annulation du permis par le juge.

Sursis à statuer. Aussi, afin de limiter les cas de constructions illégales, les articles et du Code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi Elan, prévoient la possibilité de régularisation des permis de construire même après l'achèvement des travaux. Cette régularisation s'impose désormais au juge administratif qui, s'il identifie qu'une illégalité peut être levée au moyen d'un permis de construire modificatif, doit surseoir à statuer et fixer un délai pour la régularisation de l'autorisation d'urbanisme. Naturellement, l'autorisation ne pourra être régularisée que si les modifications sont mineures. Si elles changent la conception - « l'économie » - générale du projet, un nouveau permis de construire sera alors nécessaire (, publié au Bulletin ; , publié au recueil Lebon).

Démolition exclue. Par ailleurs, construire sans permis ou en méconnaissance des règles qu'il fixe est une infraction pouvant être sanctionnée par la démolition de l'ouvrage illégal. Mais la Cour de cassation a considéré que la délivrance d'un permis de construire de régularisation faisait obstacle à la démolition de l'ouvrage tant que ce permis n'a pas été annulé ou s'il est devenu définitif. De son côté, le Conseil d'Etat a admis que l'autorité compétente pouvait délivrer un permis de régularisation même pour une construction dont la démolition a été ordonnée par un jugement définitif (, publié au Recueil ; voir également rép. min. n° 18027, JOAN du 9 juillet 2019).

Sanctions. Pour autant, la Cour de cassation considère de manière constante que la régularisation ne fait pas disparaître l'infraction. Les sanctions pécuniaires habituelles en matière de droit pénal de l'urbanisme peuvent donc être prononcées (Cass. crim. , 26 février 1964, Bull. crim. n° 70157).

De même, les actions civiles sur le fondement du trouble anormal de voisinage, d'une atteinte au droit de propriété (en cas d'empiétement sur la propriété voisine par exemple), ou d'une violation de servitude de droit privé sont possibles, qu'il s'agisse de l'autorisation initiale ou d'une régularisation.

Droit à l'oubli. En outre, quand une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus du permis de construire ne peut pas être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Néanmoins, ce « droit à l'oubli » n'est pas applicable lorsque les constructions exposent les tiers ou leurs occupants à un danger avéré, si elles sont situées dans une zone faisant l'objet d'une protection particulière (parc national ou site classé, par exemple), si elles sont implantées illégalement sur le domaine public, si une action en démolition a été engagée, ou encore si la construction a été réalisée sans qu'aucun permis de construire n'ait été obtenu alors que celui-ci était requis ( ).

La Cour de cassation considère que la régularisation ne fait pas disparaître l'infraction.

Des conditions de régularisation facilitées

Le propriétaire qui envisage de faire des travaux sur une construction ancienne mais illégale est donc tenu de régulariser sa situation. Pour cela, il doit déposer un nouveau permis de construire portant sur l'ensemble des éléments non autorisés (, mentionné aux Tables ; , publié au Recueil).

Contenu de la demande de régularisation. Sur ce point, une certaine souplesse à l'égard du maître d'ouvrage est acceptée par le juge administratif. En effet, le Conseil d'Etat a admis que si la contestation de la régularité des travaux n'a pas été effectuée par l'administration dans le délai imparti (trois ou cinq mois selon les cas, à compter du dépôt de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux), l'autorité compétente ne peut plus « exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur la construction qu'il présente une demande de permis […] portant également sur des éléments de la construction existante, au motif que celle-ci aurait été édifiée sans respecter le permis de construire précédemment obtenu » (, mentionné aux Tables).

Mise en demeure. Enfin, la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 est venue ajouter de nouvelles dispositions au Code de l'urbanisme afin d'étendre les pouvoirs de l'autorité compétente en matière de constructions illégales. Ainsi, cette dernière peut désormais mettre en demeure le pétitionnaire, le cas échéant sous astreinte, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité des travaux, soit de déposer une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation (art. à C. urb.).

Date de délivrance du permis. Contrairement à une croyance répandue, la règle applicable aux demandes de permis de régularisation n'est pas celle du dépôt de la demande, ni celle applicable à la date à laquelle les travaux ont été réalisés, ni celle en vigueur lorsque le bien a été acquis (). Une régularisation n'est possible que si les travaux à régulariser respectent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de délivrance de ce permis.

A défaut, le permis de construire ne peut être délivré et les travaux irréguliers doivent donc être démolis ou mis en conformité avec les règles d'urbanisme en vigueur (rép. min. n° 09985, JO Sénat du 10 octobre 2019).

Toutefois, le juge administratif admet depuis longtemps que la circonstance qu'une construction existante ne soit pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, soit doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, soit sont étrangers à ces dispositions (, publié au Recueil). Naturellement, cette solution n'est applicable que lorsque la construction existante est régulière à l'origine.

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