« Petites lignes, grande cause. » C’est par cette formule lapidaire que Carole Delga, présidente de la région Occitanie, a donné le ton lors de la conférence de presse le 11 juin à Montpellier. « Quelque 70 % du réseau ferroviaire régional pourrait disparaître d’ici 2032 si rien n’est fait. » Avec ses 2 600 km, l’Occitanie représente seulement 9 % du réseau national, mais 54 % de ce réseau est composé de lignes « secondaires », contre 22 % en Hauts-de-France. Or, ces sections, essentielles pour desservir les territoires ruraux, sont peu soutenues, voire abandonnées par l’Etat. Les régions en assurent jusqu’à 66 % des coûts d’entretien, sans en être ni propriétaires ni pleinement responsables. Ainsi, en 17 ans, la région a investi près de 900 millions d’euros dans le ferroviaire. « D’ici 2027, nous mobiliserons encore 16,5 millions pour sauver des tronçons prioritaires, mais il faudrait 800 millions pour sécuriser 1 000 km de lignes menacées. Nous ne pouvons plus continuer seuls », martèle Carole Delga. Le constat est national : 4 000 km de petites lignes pourraient fermer dans les prochaines années.

Dans le cadre de la conférence « Ambition France Transports » pilotée par Dominique Bussereau, Carole Delga relaie l’appel de Jean-Pierre Farandou (président de la SNCF) et réclame un engagement financier fort de l’Etat pour sauver les petites lignes. Autour de la présidente (de gauche à droite) : Jean-Luc Gibelin (vice-président Transports, groupe CRC), Vincent Garel (président de la commission Mobilités, groupe Radicaux de Gauche) et Benjamin Assié (président du groupe Occitanie Pays Catalan Ecologie). © Région Occitanie
Quelque 70 % du réseau ferroviaire régional pourrait disparaître d’ici 2032 si rien n’est fait
— Carole Delga, présidente de la région Occitanie
Des pistes innovantes pour financer le rail
Face à ce défi, la France reste l’un des pays européens les moins engagés. « L’Allemagne investit 115 euros par habitant dans le rail ; la France stagne à 51 euros », déplore la présidente, rappelant qu’« une tribune commune des présidents de régions publiée en 2022 appelait à un plan de 100 milliards sur dix ans. » Pour sortir de l’impasse, elle incite l’Etat à instaurer des mécanismes innovants de financement, en commençant par revoir le système des concessions autoroutières, qui génèrent 4 milliards d’euros de bénéfices annuels. « Réallouer la moitié de ces gains au rail serait vertueux : la voiture financerait le train, d’autant plus que les infrastructures autoroutières sont largement amorties. Cela représenterait environ 20 milliards d’euros sur 10 ans. » Autres pistes : la généralisation d’une écotaxe sur le transit routier international, comme dans le Grand Est, et l’affectation au rail, des recettes du futur système européen de quotas carbone (en anglais, European Union Emissions Trading System – EU ETS), estimées à 2,3 milliards d’euros par an pour la France. Au total, 5,5 milliards d’euros annuels pourraient être dégagés, indispensables pour compenser la baisse du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit), passé de 4,6 à 3,7 milliards entre 2024 et 2025.

Avec 71 % de lignes secondaires, l’Occitanie est l’une des régions les plus exposées à la disparition des petites lignes : près de 1 000 km sont menacés. La région reste toutefois offensive en matière de politique ferroviaire, avec la réouverture progressive de la ligne Rive droite du Rhône et, d’ici 15 jours, de la ligne Montréjeau-Luchon. © Région Occitanie
Mobilisation citoyenne et alliances
Pour renforcer son appel, la région lance une pétition citoyenne intitulée « Petites lignes, grande cause », rappelant qu’une mobilisation similaire avait fait évoluer la position de l’Etat sur les LGV en 2017. La présidente appelle à une prise de conscience, alors que les conclusions de la conférence de financement des mobilités « Ambition France Transports » sont attendues mi-juillet. « Dominique Bussereau suit notre initiative de près. Il est partisan d’un renforcement massif des investissements dans les mobilités prioritairement décarbonées », assure-t-elle, espérant fédérer d’autres collectivités. La Bourgogne-Franche-Comté soutient déjà la démarche, la Bretagne se dit intéressée, et des rencontres sont prévues avec les présidents d’autres régions lors du salon du Bourget (du 16 au 22 juin 2025). Réformer pour sauver le rail ? Pour Carole Delga, « c’est maintenant ou jamais. Quand un pays traverse des difficultés, c’est le moment d’être innovant et de prendre ses responsabilités. »
16,5 millions d’euros
C’est l’enveloppe que la région Occitanie a décidé de mobiliser d’ici 2027 pour éviter la fermeture de plusieurs lignes ferroviaires. Ces crédits financeront des travaux d’urgence sur cinq tronçons jugés prioritaires :
Toulouse-Auch : 4,5 millions d’euros
Quart nord-est toulousain : 5,1 millions d’euros
Saint-Césaire – Le Grau-du-Roi : 2,2 millions d’euros
Perpignan – Villefranche-de-Conflent : 0,5 millions d’euros
Nîmes-Alès : 4,2 millions d’euros