A quelques kilomètres de Cayenne, en Guyane, la future centrale électrique de Larivot prend forme. Construite par EDF Production électrique insulaire (PEI), l'installation de 120 MW fonctionnera à la biomasse liquide sous forme d'huile de colza. Elle viendra remplacer la centrale au fioul de Dégrad-des-Cannes - située à une quinzaine de kilomètres -, devenue obsolète et qui fonctionne en mode dégradé depuis des années.
« Larivot fournira une électricité à la fois garantie et pilotable, capable de s'adapter en temps réel à la consommation du territoire et de compenser l'intermittence des énergies renouvelables », explique Erwan Collet, directeur de projet pour EDF PEI. Parmi celles-ci, le barrage de Petit-Saut, qui couvre les deux tiers des besoins du département mais dont la production ralentit en saison sèche.
Tâches complexes en saison sèche
Démarré à l'été 2023, le chantier arrive aujourd'hui à la fin de la phase de génie civil tandis que les opérations de montage électromécanique commencent. « Réaliser des ouvrages solides et durables alors que la saison des pluies dure six à huit mois par an constituait un enjeu majeur », souligne Erwan Collet. « Il est tombé cette année près de 3,4 m d'eau avec parfois des journées à plus de 10 cm », précise Dimitri Plantier, directeur de projet chez Vinci Construction Grands Projets, mandataire du groupement de réalisation du lot principal dans le cadre d'un contrat clé en main. Un contexte qui impacte fortement le planning des chantiers guyanais : « Nous concentrons toutes les tâches complexes en saison sèche, d'août à novembre », indique Olivier Mantez, président de Nofrayane et Sogea Guyane, filiales de Vinci.
C'est le cas des opérations de terrassement, nombreuses au départ du chantier qui se déroule sur une ancienne mangrove au sol argileux. Première étape : la mise en place d'un préchargement de 55 000 m3 et de 21 000 drains de 10 m de long pour évacuer l'eau du sol et ainsi consolider le terrain. « Cela nous a permis de gagner du temps et d'éviter des efforts supplémentaires sur les pieux qui ont été mis en place ensuite », souligne Dimitri Plantier. Pas moins de 1 100 pieux ont été ancrés dans la roche dure entre 15 et 30 m de profondeur pour supporter les bâtiments et les principaux équipements, comme les trois cuves à combustible de 8 000 m3 . Un bassin d'orage provisoire est venu compléter le dispositif de gestion des eaux en phase chantier. « Il faut souligner le savoir- faire des entreprises guyanaises dans ce domaine », fait valoir Erwan Collet.
Si la bonne gestion des eaux vise à éviter aux équipes de travailler les pieds dans la boue, elle répond aussi à des enjeux environnementaux. « En amont du bassin d'orage, nous avons installé des filtres à paille et des andains végétaux positionnés de manière à retenir les matières en suspension et purifier les eaux qui s'écoulent », détaille Erwan Collet. La centrale de Larivot occupe 10 ha, mais EDF s'est engagé à sanctuariser les 150 ha d'espaces naturels avoisinants.
Gestion des approvisionnements
Les entreprises locales sont aussi maîtresses dans l'art de la gestion des approvisionnements. « La Guyane est un îlot français dans le continent sud-américain, elle échange très peu avec ses voisins qui ne sont pas soumis aux réglementations européennes, il faut donc planifier soigneusement toutes les commandes », explique Dimitri Plantier. Le combustible viendra d'Europe, seule à pouvoir fournir une biomasse liquide répondant à la directive RED II, relative à la durabilité des bioénergies.
Une fois livrée au port de Cayenne, elle sera acheminée vers l'un des trois réservoirs à combustible par 14 km de canalisations mises en place par Eiffage et Trapil. Les réservoirs de 8 000 t chacun sont en cours de montage sous la protection de ce qui ressemble à des parapluies géants abritant les opérations de soudage, sablage et peinture. Les sept moteurs, construits en Finlande par Wärtsilä, arrivent les uns après les autres au port de Dégrad-des-Cannes d'où ils sont acheminés vers le site de nuit, par convoi exceptionnel et sous escorte policière. « Un moteur pèse 350 t et la plateforme de transport atteint 400 t, il a donc fallu vérifier chaque buse, chaque ouvrage hydraulique, chaque pont sur les 14 km du parcours pour s'assurer qu'ils étaient capables de reprendre une telle charge », développe Dimitri Plantier. Certains ont d'ailleurs dû être renforcés avant le passage du convoi.





Béton : des voiles bien formulés
Si le chantier du Larivot a nécessité la mise en œuvre de formules de bétons bien spécifiques, aucune n'est aussi complexe que celle qui a servi au coulage des parois du bâtiment usine. Ces voiles de grande hauteur culminant à 14 m ont été coulés en une seule fois, sur la même journée. « La difficulté était d'assurer la bonne répartition du béton dans toutes les zones du voile et d'éviter les ségrégations », énonce Erwan Collet, directeur de projet pour EDF PEI. « Il a fallu six mois de recherche pour trouver la formule adéquate avec une prise ni trop lente ni trop rapide, précise Dimitri Plantier, directeur de projet pour Vinci Construction Grands Projets. A partir de 5 à 6 m de hauteur, le béton en partie basse doit avoir commencé sa prise pour éviter une trop forte poussée sur les banches. »
Glace
En juillet 2024, Nofrayane a procédé à un bétonnage d'essai complet, sur 14 m, pour valider sa formulation. Comme sur l'ensemble du chantier, la météo a dicté ses exigences à l'opération. « Il fait très chaud en période estivale et nous avons dû ajouter de la glace dans l'eau du béton pour refroidir et ralentir sa réaction », se souvient Dimitri Plantier.
Ce béton refroidi constituait une première en Guyane.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : EDF PEI.
Assistance à maîtrise d'ouvrage : Eureteq.
Contrat clé en main : Vinci Construction Grands Projets (centrale), mandataire ; Vinci Construction Outre-mer, Nofrayane et Sogea (lot génie civil, VRD, terrassement) ; Wärtsilä (moteurs).
Entreprises principales : Eiffage, Trapil (canalisations) ; Omexom, Nofrayane (poste HTB).
Durée du chantier : début des travaux en juillet 2023, mise en service prévue en 2027.
Montant de l'opération : 600 M€.