Ce 30 septembre, sur le chantier de restructuration du lycée des métiers Léonard-de-Vinci à Blanquefort, en périphérie de Bordeaux, la dizaine d’ouvriers présents, le conducteur de travaux, l’architecte tout comme le représentant de la maîtrise d’ouvrage, tous arboraient un badge d’identification avec photo.
Le dispositif mis en place par le maître d’ouvrage, BMA, le mandataire de la région Nouvelle-Aquitaine en Gironde, n’anticipe pas sur la loi qui rend obligatoire à partir de 2017 l’identification des salariés du BTP sur un chantier. Il fait suite au rapport sur le travail dissimulé et les offres anormalement basses du conseiller régional, l’avocat pessacais Patrick Guillemoteau. Alain Rousset, le président de région, avait promis de ne pas le mettre au placard. Deux ans plus tard, ses services décident de lancer une expérimentation sur l’opération de restructuration du lycée des métiers de Blanquefort.
Représentant un montant global d’opération de 12,9 millions d’euros, le chantier d’une durée de deux ans est emblématique. Au plus fort de l’activité, il occupera 300 personnes.
Système équilibré
Le choix de l’opération n’est pas le fruit du hasard. Le maître d’œuvre de l’opération est l’agence WIA Architectes dirigée par Eric Wirth, président du conseil de l’ordre des architectes d’Aquitaine. Thibaut Lucas, l’architecte en charge du suivi du projet, a ainsi été étroitement associé à la réflexion sur le dispositif né au moment de la consultation des entreprises. «Au sein de l’agence, nous faisons depuis longtemps un contrôle de la sous-traitance. Elle est bienvenue quand elle apporte une compétence technique. Sinon, cela pose problème et représente un risque de tâcheronnage. Une bonne utilisation de la sous-traitance est gage de bonne exécution de la construction», estime-t-il.
«Nous avons imaginé un système équilibré qui parte du déclaratif et qui soit pédagogique. Nous avons voulu un système gagnant-gagnant pour les entreprises titulaires et les sous-traitants. Ce qui est important, c’est la traçabilité. On peut ainsi connaître le temps travaillé par un salarié, sa durée totale d’activité sur le territoire, etc.», poursuit François Jolly, directeur de la construction et de l’immobilier de la Nouvelle-Aquitaine.
Justificatif des prestations sous-traitées
Le dispositif comprend plusieurs mesures. Tout d’abord, le port obligatoire du badge avec photo pour tous les intervenants sur site a été inscrit dans le dossier de consultation des entreprises puis mis dans le plan général de coordination. Ensuite, pour chaque demande d’agrément de sous-traitant, la maîtrise d’ouvrage, en collaboration avec l’architecte, demandera aux entreprises titulaires un justificatif des prestations sous-traitées (technicité particulière, surcharge temporaire de travail, etc.) et le détail précis des prestations sous-traitées avec les montants, tout comme la vérification de la compétence de l’entreprise sous-traitante.
En cas de non-respect des consignes, les entreprises devront payer une pénalité de 300 euros par jour calendaire conformément à l’article 6.3 du Cahier des clauses administratives particulières.
Contrôle inopiné
S’y ajoute un contrôle inopiné sur le chantier. Pour cela, la maîtrise d’ouvrage a confié une mission supplémentaire au bureau Coordis, coordinateur «sécurité et protection de la santé» (SPS), lui donnant le pouvoir d’exclure toute personne non identifiée et/ou non répertoriée. Il s’appuie sur une liste nominative des salariés présents sur le chantier - y compris sous-traitants et intérimaires - que doivent lui remettre les entreprises titulaires. «Pour le contrôle, nous envoyons sur le terrain, chaque semaine et jamais le même jour, une personne différente. Nous remettons ensuite un rapport hebdomadaire à BMA. En comptant la fabrication des badges, cette mission supplémentaire coûte 400 euros HT par mois et mobilise trois personnes. Le dispositif est plutôt bien perçu. Il demande de la rigueur et le contrôle permet de maintenir le dispositif en état», témoigne Jean-François Campet, gérant de Coordis.
A ce jour, une entreprise sous-traitante choisie pour un traitement antitermite a été refusée. De même que le SPS a refusé l’accès à deux intérimaires. Des points d’étape sont prévus pour voir comment déployer le dispositif. Le premier aura lieu fin octobre. «Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment les entreprises le vivent et de connaître leur avis pour le faire évoluer. L’objectif est de ne pas avoir un système trop lourd. L’autre objectif est de responsabiliser chacun», conclut François Jolly, le directeur de la construction et de l’immobilier.
Connaître la capacité exacte des effectifs mis en place par chaque entreprise sur le chantier.
Contrôler la bonne déclaration des personnels travaillant sur le chantier (en sous-traitance ou en intérim)
lutter contre le travail dissimulé.
Renforcer la sécurité du chantier. Les entreprises sont informées des exigences régionales, des potentiels contrôles, des risques encourus. L’objectif est de les responsabiliser en agissant prioritairement sur la prévention.
Maître d’ouvrage: Conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine
Maître d’ouvrage délégué: Bordeaux métropole aménagement (BMA)
Maîtrise d’œuvre: WIA Architectes (mandataire), Céline Le Maire, architecte associée, Cetab Ingénierie, Comeron Conseil environnemental, Cuisinorme, Cetab.
Assistants à maîtrise d’ouvrage: Coordis (SPS), Anco (bureau de contrôle).
Entreprises: Avenir Déconstruction (désamiantage-démolition), Delta Construction (démolition, gros œuvre, charpente métallique, VRD), Sopréma-IBS-T2B (bardage, étanchéité, menuiserie aluminium, serrurerie), Navelier-Daney Comet-Plamursol-Sopréa (plâtrerie, menuiserie bois, carrelage, sols souples, peinture), Lecoq-Fauché (lots techniques), Orona (ascenseur), Froid cuisine 33 (équipement de cuisine et mobilier).
Surface utile: 3 343 m2.
Coût des travaux: 8,5 millions d’euros HT (démolition et désamiantage inclus).