La Nouvelle route du littoral franchit une étape symbolique sur fond d'inquiétudes

Alors que le dernier voussoir vient d’être posé sur le Grand viaduc, des blocs endommagés sur les digues suscitent les craintes et l'approvisionnement en granulats est suspendu.

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NRL
Vue depuis le Grand viaduc, en direction de la Possession. A gauche en bas, des acropodes ancienne génération sont visibles sur le flanc de la côte.

C’est officiel. Le dernier voussoir de la partie viaduc de la Nouvelle route du littoral vient d’être posé. Une route suspendue et ininterrompue de 5,4 km de long se dresse à présent entre le littoral réunionnais et l’Océan indien, à 20 m au-dessus du niveau de la mer. L’étape, symbolique, est importante pour les différents intervenants du chantier. D’autres nouvelles pourraient toutefois venir gâcher la fête. Il y a une quinzaine de jours, le journal de l’Ile révélait qu’une centaine d’accropodes censés protéger les digues construites le long de la route s’étaient « brisés comme du verre » lors des récentes tempêtes. Ces dégradations pourraient, toujours selon la source locale, se chiffrer à plusieurs centaines de millions d’euros.

Pose du dernier voussoir sur le Grand viaduc de la Nouvelle route du littoral à La Réunion.
Pose du dernier voussoir sur le Grand viaduc de la Nouvelle route du littoral à La Réunion. Pose du dernier voussoir sur le Grand viaduc de la Nouvelle route du littoral à La Réunion.

Inquiétudes locales

Dans la foulée, les politiques ont réagi à ces déclarations. « Le Journal de l'Ile vient de publier un article qui révèle qu’une centaine d'accropodes, ces gigantesques blocs de béton censés constituer une carapace protectrice à la base des digues de la Nouvelle route du littoral, se sont carrément brisés alors qu’il n’y a pas eu d’épisode de forte houle. La Région confirme la réalité du problème sans que personne actuellement n’en connaisse l’origine. Ces blocs fracassés concernent la digue d’entrée de Saint-Denis. Plusieurs questions se posent : s’agit-il d’un aléa de chantier normal, prévisible ? Selon le JIR, le changement d'accropodes brisés va générer un surcoût de plusieurs millions d’euros, quelle sera la facture finale ? Qui va la payer ? », s’est inquiété Jean-Pierre Marchau, secrétaire régional du groupe Europe Ecologie les Verts.

Les accropodes de deuxième génération, les Accropode™ II, sont commercialisés par l’entreprise CLI, une filiale d’Artelia. Plus de 38 000 d’entre eux sont nécessaires à l’endiguement de la Nouvelle route du littoral. Plusieurs formats de blocs sont destinés au chantier : le plus petit d’un volume de 4 m3 pèse 10 t,  tandis que le plus grand de 11 m3 peut atteindre un poids de 25 t. Ils ont été coulés dans une usine située hors de la zone du chantier. Leur forme si caractéristique fait l’objet d’un brevet, tout comme leur plan de pose. « Le détenteur du brevet donne des consignes strictes et l’entreprise qui assure la pose de ces blocs sur le chantier doit suivre celles-ci à la lettre », rappelle Adrian Martinez, directeur du projet de la NRL chez Egis.

Une centaine de blocs concernés

Joint par le Moniteur, le maître d’œuvre a confirmé qu’une quarantaine d’accropodes avaient été endommagés en mars 2018, lors du passage du cyclone Dumazile et une vingtaine d’autres en avril 2018, au cours de la tempête tropicale Fakir. Le bilan se chiffre à une centaine de blocs, sur au moins vingt mille apportés sur le site. « L’essentiel des blocs abîmés est situé sur les parties supérieures des digues et moins de 10% du poids total de l’accropode a été enlevé, ce qui n’a pas d’impact sur la stabilité de l’ouvrage », tient à rappeler ce dernier. En outre, « ces casses se produisent au cours des premiers épisodes de fortes houles. Il se produit alors un phénomène de serrage, qui a été prévu par les experts. Il n’a rien d’anormal à cela, cela a été prévu dans les formules de stabilité », assure Adrian Martinez.

A noter que les blocs endommagés vont tous être remplacés en vue de la livraison du chantier, ce qui est déjà le cas pour environ 50% d’entre eux, précise l'intéressé.

Action en justice en cours

D'autres hypothèses ont toutefois été soulevées ces derniers jours. Selon le JIR, le béton utilisé aurait ainsi pu être « trop sec » suite « à un problème de dosage au niveau de la formule ». Une cause démentie par le maître d'œuvre : « cela n'est pas possible parce que les blocs ne sont pas coulés sur site, où ce genre de problème pourrait se produire, mais sont coulés en usine, dans des conditions très strictes, et ils sont échantillonnés. Si tant est que d'autres explications soient plausibles, la cause principale est pour 90% due au serrage des blocs de carapace lors des épisodes de houle, qui ont été calculés dans nos prévisions. Pour les 10% restants, nous recherchons d’autres causes possibles, comme la géotechnique ou une manipulation accidentelle, mais ces cas, s'ils sont vérifiés, restent marginaux », insiste le directeur. Suite à la déclaration de ces casses, une action en justice a été déposée auprès du tribunal de commerce de Lyon par l’assureur du groupement. Cette procédure a été déclenchée dans le cadre du contrat d’assurance « Tous risques chantier » (TRC), qui couvre les dommages causés aux travaux par des faits fortuits, comme une tempête.

L'exploitation de la carrière du lieu-dit la « Ravine du trou – Bois blanc » suspendue

Une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule, le tribunal administratif a annulé lundi 29 avril l'arrêté préfectoral autorisant à exploiter la carrière du lieu-dit la « Ravine du trou – Bois blanc ». Un site implanté dans la commune de Saint Leu et dont les roches massives devaient servir à réaliser les 3 kilomètres de digues restants, sur un linéaire total de 4,4 kilomètres. Au préalable, l'autorité administrative avait suspendu l'autorisation préfectorale de défrichement, prélude à l'exploitation de cette carrière située sur la commune de Saint-Leu. 

Un sérieux coup de frein au projet sachant qu'en juin 2018, il restait encore 11,5 millions de tonnes à extraire pour achever les travaux. Or, 85 % devaient provenir de la carrière de Saint Leu. 

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