La menace de plans sociaux se précise dans la promotion immobilière

Des Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) sont envisagés, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Déstabilisés par la remontée des taux, les clients particuliers et institutionnels sont toujours aux abonnés absents.

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« Certains promoteurs commencent à préparer des Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) », confie Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
« Certains promoteurs commencent à préparer des Plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) », confie Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Comme la Fédération française du bâtiment (FFB), la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) anticipe une casse sociale à cause de la décroissance de la construction neuve. « Nous allons perdre 300 000 emplois d’ici fin 2025. 150 000 dans le bâtiment, et 150 000 dans les métiers qui gravitent autour : promoteurs, architectes, assureurs, bureaux d’études, fabricants », annonce Pascal Boulanger, en conférence de presse le 14 septembre.

Sur les 35 000 emplois de la promotion immobilière en France : « Il n’y a plus personne qui embauche chez les promoteurs, il y en a qui commencent à préparer des PSE (Plans de sauvegarde de l’emploi, NDLR) », confie-t-il, ajoutant que « les départs ne sont plus remplacés ». Quelques heures après cette déclaration, la FPI précise au "Moniteur" ne pas avoir connaissance de plans sociaux en préparation, mais confirme que cette voie est envisagée par certains.

Les sociétés de taille intermédiaire, à dimension régionale, sont les plus menacées par cette casse sociale. A l’inverse, les petits promoteurs qui produisent « un ou deux immeubles par an », « peu engagés » donc en capacité de faire le dos rond, et les acteurs nationaux, qui affichent « une trésorerie solide », ont « des actionnaires sérieux », sont les mieux lotis pour traverser la tempête qui devrait donc durer plusieurs années, observe Pascal Boulanger.

Chute des mises en vente et des réservations

La principale cause de la crise de l’offre de logements demeure « le manque de permis de construire », rappelle-t-il. Fin juillet, la moyenne mensuelle des autorisations à l’échelle nationale depuis les dernières élections municipales s’élève à 17 560, contre 19 311 entre les élections de 2014 et 2020, selon la FPI.

Concernant la crise de la demande, liée à la remontée des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation annuelle qui reflue lentement (+4,8% fin août), deux indicateurs nationaux restent alarmants, selon les données du premier semestre (S1) de la FPI.

Les mises en vente (39 393) chutent de 28,8% sur un an, un niveau identique au S1 2020, marqué par un grand coup de frein lié au premier confinement (40 359).

Les réservations (46 448) reculent de 30,8%, un niveau inférieur au S1 2020 (58 697). Avant la pandémie et en 2021, la FPI relevait plus de 80 000 réservations par semestre…

Une perte de 4Mds€ pour l’Etat

La vente au détail (33 304) baisse de 37,4%, la vente en bloc (10 244), de 3,6%. Les logements en résidences gérées type coliving sont aussi en décroissance, passant de 3 300 réservations au S1 2022 à 2 900 réservations entre janvier et juin 2023.

« Les ventes reculent car des ménages gagnant autour de 70 000€ annuels n’entrent pas dans les critères du HCSF (le Haut conseil de stabilité financière, qui encadre les conditions d’octroi d’un crédit immobilier, NDLR) alors que leur reste à vivre est confortable, même avec un taux d’effort supérieur à 35% », assure Didier Bellier-Ganière, directeur général de la FPI.

Autre message pour Bercy : « Pour l’Etat, c’est aussi moins de recettes sur la TVA. En 2023, avec 80 000 logements vendus en moins, cela représenterait une perte de 4Mds€ », calcule-t-il.

Le stock dur officiellement dévoilé

Autre conséquence de la désertion des clients : il faut désormais 17,3 mois en moyenne pour vendre un programme, contre 10,2 mois un an plus tôt. La métropole de Nantes détient le record national, de 29 mois.

Quelle conséquence sur le stock dur, cauchemar des promoteurs ? Les 7112 logements finis mais non vendus recensés par la FPI pèsent 6% de l’offre commerciale globale. Avant la crise actuelle du logement, « les promoteurs étaient habitués à zéro, le stock dur était un accident de parcours », souligne Pascal Boulanger. C’est la première fois que cette statistique gênante, que les professionnels rechignent à dévoiler, est mise en avant dans les données de la FPI.

Dans ce contexte morose, Action Logement et CDC Habitat promettent d’aider les promoteurs à écouler leur stock de logements pour qu’ils soient en capacité financière de lancer de nouveaux programmes. Le groupe paritaire promet 30 000 acquisitions d’ici fin 2024, la filiale de la Caisse des dépôts, 17 000.

La décote par rapport à un logement vendu à un particulier s’élève à entre 10 et 12% pour Action Logement et 20% pour CDC Habitat. Pourquoi un tel écart ? « CDC Habitat doit entrer les informations (prix, durée du chantier…) de chaque opération dans un système informatique, qui valide ou non dans la foulée. Action Logement raisonne autrement. Le groupe part du prix du promoteur. Connaissant ses contraintes, il lui laisse ses honoraires de gestion, qui représente 5 à 6% du prix total d’un logement vendu au détail, car ces honoraires lui permettent de payer les salaires. Enfin, Action Logement essaie de ne pas rogner la marge du promoteur, de près de 5% aujourd’hui, contre environ 8% avant la crise », explique Pascal Boulanger.

La FPI trop tendre avec le gouvernement ?

A la demande des adhérents de la FPI, déçus par les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement en juin dernier, Pascal Boulanger sera moins tendre avec le gouvernement ces prochains mois. « J’ai refusé de participer aux commissions, réunions » et autres mains tendues par les ministres, de Christophe Béchu (Transition écologique) à Thomas Cazenave (Comptes publics). Le porte-parole des promoteurs leur a répondu : « Vous avez tout sur votre bureau. »

Fléchage de la TVA, inversion de la plus-value foncière… les idées de la fédération sont connues. « Pas question que je mobilise à nouveau nos 700 membres pour que ça débouche sur un rapport qui ne sera pas utilisé. Maintenant, il faut trancher », appuie Pascal Boulanger, qui dit faire « confiance » au nouveau ministre du Logement, Patrice Vergriete.

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