De la crise énergétique à la remontée des taux d'intérêt, les secousses qui ont ponctué l'année 2022 n'ont pas provoqué de grand chambardement dans le haut de notre classement des promoteurs immobiliers, établi sur la base du chiffre d'affaires (CA) qu'ils ont déclaré. Nexity devance encore Altarea, qui ne retrouve pas son niveau de 2019. En perte de vitesse depuis la pandémie, Bouygues Immobilier conserve tout de même sa troisième place. Dans son rétroviseur, Vinci Immobilier (4e) perd du terrain, tandis que le promoteur 100% résidentiel Pichet (5e) et le groupe coté Kaufman & Broad (6e) affichent une timide progression de leur CA. Remarquons également la performance d'Icade (7e), porté par une croissance à deux chiffres.
En milieu de tableau, Procivis (10e) décroche après une année 2021 historique. Des opérations ont été reportées, faute d'équilibre économique. Plus loin, Quartus (13e), l'un des rares promoteurs nationaux qui croient en la réhabilitation, continue de grandir. De son côté, le toulousain GreenCity Immobilier (18e), qui tisse sa toile de la Haute-Savoie à l'Ile-de-France, déclare la plus forte hausse annuelle de son CA (+26%). Opérant majoritairement en Ile-de-France, Emerige (19e) se maintient dans l'élite malgré un CA en baisse de 10%. Dans sa roue, le mosellan Demathieu Bard Immobilier qui intègre notre classement.
« Les promoteurs nationaux continuent à être rentables ». Les 20 premiers promoteurs de France présentent donc des résultats honorables. A contre-courant du discours alarmiste de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui pointe les autorisations en baisse, les délais de commercialisation qui s'allongent… « Même si les marges ont tendance à se contracter, elles sont comprises entre 3% et 12%, assure Radmila Pineau, économiste au sein du groupe Ecole supérieure des professions immobilières (ESPI). Les promoteurs nationaux [présents dans notre classement, NDLR] continuent à être rentables, contrairement aux acteurs locaux dont le volume d'opérations ne permet pas de lisser les impacts de l'inflation depuis 2022 et de la hausse du coût de construction depuis 2021. »
A l'instar de la crise financière survenue en 2008, la crise sanitaire a poussé les promoteurs à vendre largement en bloc les logements inaccessibles aux particuliers. « La vente aux bailleurs sociaux et aux investisseurs institutionnels a permis de sauver les meubles en 2022, mais de manière moins significative que durant la période 2020-2021, sous l'effet du plan de relance post-confinement du gouvernement », relève Vincent Desruelles, directeur d'études de l'institut Xerfi. En 2021, cinq promoteurs du top 20 vendaient plus en bloc qu'au détail. En 2022, ils étaient six. Linkcity (15e) détient le record : 86% de ses 2049 logements réservés ont été cédés à des assureurs, banques, organismes HLM… Mais attention : la filiale de Bouygues Construction s'expose au retrait des investisseurs institutionnels qui sont dans l'attente d'une stabilisation des taux directeurs et à une faible commande des bailleurs sociaux en difficulté.

Contrairement à ce qui a été publié dans notre Top 20 des promoteurs français du 7 juillet 2023 (« Le Moniteur » n° 6253, p. 8), Pierreval ne se classe pas en 20e position. Cette place revient à Demathieu Bard Immobilier. Par ailleurs, le CA de Pichet intègre les programmes en maîtrise d’ouvrage déléguée par sa foncière tertiaire.
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Trois championnats, une méthodologie
De mai à juin, « Le Moniteur » a sollicité une trentaine de sociétés susceptibles d'intégrer nos classements. Ceux-ci reposent sur le chiffre d'affaires (CA) déclaré et issu uniquement de la promotion immobilière. Réalisé en France, ce CA est consolidé, c'est-à-dire qu'il prend en compte l'avancement des chantiers et reflète l'activité économique du 1er janvier au 31 décembre de l'année écoulée. D'autres informations, qui ne figurent pas dans les tableaux que nous publions, sont demandées : nombre de logements livrés en 2022 respectant le seuil 2025 de la RE 2020, nombre de programmes livrés en 2022 ayant obtenu le label BiodiverCity… Un classement dynamique compilant ces données sera consultable prochainement sur notre site Internet. Douzième en 2021, Alila a refusé de participer à l'édition 2022. D'autres acteurs générant plusieurs centaines de millions d'euros de CA par an ont également décliné.
En avant la diversification
Un indicateur permet d'anticiper le pire : le carnet de commandes. Constitué des réservations non actées et la partie du chiffre d'affaires (CA) restant à dégager sur les actes notariés déjà signés, il permet d'évaluer le niveau d'activité pour les années à venir. En 2021, Nexity disait bénéficier de six ans de visibilité sur son CA en immobilier d'entreprise. Au 31 décembre dernier, son backlog tertiaire, le plus important de ce marché en berne, équivalait à deux années d'activité similaire à 2022… Dans le résidentiel, plus porteur, seul un promoteur sur deux communique son carnet de commandes. « Les réponses disponibles laissent penser que 2023 ne devrait pas être particulièrement catastrophique, commente Radmila Pineau, économiste au sein du groupe Ecole supérieure des professions immobilières (ESPI). En revanche, 2024 pourrait l'être car le carnet de commandes, et donc le CA 2024, se remplit en fonction de l'état actuel du marché du crédit, défavorable à l'activité. »
Fin des aides. Reste à voir si l'extinction du Pinel, annoncée par le gouvernement, stimulera les particuliers souhaitant bénéficier de cette dernière carotte fiscale avant sa disparition, fin 2024. « La fin des aides pour le neuf impose aux promoteurs qui ne l'ont pas encore fait de revoir leur modèle pour baisser le coût de construction », insiste Vincent Desruelles, directeur d'études de l'institut Xerfi. Cela passe par des partenariats ou des investissements, sur le modèle de GA Smart Building. Le promoteur toulousain, dont le CA 2022 provient à 99% de l'immobilier d'entreprise, a officialisé l'an dernier son virage résidentiel. Les logements de sa marque Rooj by GA seront construits dans ses usines françaises. D'autres acteurs unijambistes, comme le groupe Pichet et le réseau Procivis pour le marché résidentiel, sont « les plus exposés », juge Vincent Desruelles.
Recyclage urbain. A l'inverse, les mieux parés sont ceux qui ont misé sur des relais de croissance comme le recyclage urbain, destiné à croître au pays du ZAN. Icade a par exemple lancé en mars dernier une offre dédiée à la transformation des entrées de ville, qui ne générera pas de CA dans l'immédiat. Il y a pourtant urgence : la filiale de la Caisse des dépôts vend deux fois moins de logements par rapport à 2022. De son côté, Nexity demande à ses fournisseurs de pivoter franchement vers un autre métier : la rénovation. Un marché qui rime à la fois avec sobriété foncière et sobriété énergétique. Surtout que les aides publiques sont amenées à augmenter, au nom de la chasse aux passoires thermiques.
Des objectifs rarement atteints
Nexity n'a pas atteint son rythme de croisière souhaité de 20 000 logements vendus par an. Pour autant, le tenant du titre n'est pas près de se faire détrôner. Ses concurrents ont eux aussi peiné à trouver des acquéreurs, dont le pouvoir d'achat est fragilisé par la remontée des taux d'intérêt. Altarea (2e) déclare ainsi 10 017 réservations nettes en 2022, et non 12 000 comme prévu à l'automne. Seul Kaufman & Broad (6e) annonce un carnet de commandes correspondant à plus du double de son chiffre d'affaires réalisé en 2022.
Top 10 des promoteurs dans le résidentiel par CA
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N.B. : Bassac, qui aurait pu faire partie du top 10, n’a pas voulu communiquer le CA résidentiel de ses filiales.
NC : non communiqué.
Un déclin qui se confirme
Lancé en 2018, le classement tertiaire (bureau, commerce et logistique) est dominé par Nexity. C'est la première fois que le champion de notre classement tertiaire affiche un chiffre d'affaires aussi bas, symbole du déclin de ce marché cyclique, à la peine depuis la pandémie. Ses poursuivants se tiennent dans un mouchoir de poche. Leader en 2019, Altarea (5e) compense le recul du bureau par la croissance de la logistique. Seuls quatre promoteurs (Quartus, GA Smart Building, Sogeprom et Icade) déclarent un niveau d'activité supérieur à celui de 2019.
Top 10 des promoteurs dans le tertiaire par CA
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NC : non communiqué.
* CA révisé à la baisse par rapport à notre classement 2021.