Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de la moitié des communes concernée par la loi SRU ne la respectent pas. A quoi attribuez-vous cet échec ?
Il ne s’agit pas d’un échec de la loi SRU, selon moi. C’est elle qui permet de mettre en tension ces communes. Sans loi SRU, il n’y aurait pas d’obligation de construire des logements sociaux ni de suivi de cette obligation. La mécanique de la loi SRU fonctionne bien, au contraire.
Sur la période 2017-2019, 1064 communes ne remplissent pas l’objectif de 25% de logement sociaux. Parmi elles, 550 n’atteignent pas leur objectif fixé avec le préfet sur cette période de trois ans. Et au sein de ce groupe, nous proposons d’en sanctionner 52%, un niveau historique, contre 41% pour la période 2014-2016. J’ai fait passer des consignes de fermeté aux préfets dès ma prise de poste.
Pourquoi une petite moitié des communes ne respectant pas leur objectif échappe-t-elle encore aux sanctions ?
Il s’agit par exemple de communes qui atteignent 80% de leur objectif triennal ou bien de petites collectivités, qui voient leur taux chuter en raison du décalage d’une seule grosse opération immobilière. Il peut exister des explications exogènes qui ne traduisent pas un manque de volontarisme. La cible n’est pas de sanctionner 100% de ces communes.
Faut-il accroître les contraintes sur les municipalités récalcitrantes ?
Il faut d’abord faire un bilan sur la manière dont les mécanismes de sanction et d’incitation fonctionnent aujourd’hui. Les amendes sont-elles dissuasives ? Faut-il mobiliser davantage la reprise par l’Etat de la délivrance des permis de construire ? Faut-il inventer autre chose ? Revoir le pilotage avec les élus ? Au-delà de l’habitat social, cette réflexion concerne la construction de logements au sens large. Ce sont les élus qui décident de l’octroi des permis de construire. C’est pourquoi j’ai signé le pacte pour la relance de la construction durable avec leurs associations. Nous avons besoin d’un bon partenariat
Selon l’Association des maires de France, vos propos sur « les maires qui ne jouent pas le jeu » sont « profondément injustes et démagogiques ». Que leur répondez-vous ?
Je regrette que certaines collectivités n'aient pas respecté l'objectif de construction de logements sociaux, mais je salue surtout toutes celles qui l'ont fait ! De nombreux maires se sont mobilisés ce qui a permis d'atteindre un nombre de logements supérieur à l'objectif sur la période. Pour autant les efforts des uns ne doivent pas cacher l'insuffisance des réalisations des autres. Chacun a un rôle à jouer pour prendre sa part dans la construction de logements sociaux dont les Français ont grandement besoin.
La loi SRU arrive à échéance en 2025. Pour préparer la suite, deux articles du projet de loi « contre les séparatismes », rebaptisé « confortant les principes de la République » prévoyaient de vous habiliter à passer par voie d’ordonnance sur ce sujet. Ces deux dispositions ont finalement été retirées du texte. Avez-vous répondu à une injonction du Conseil d’Etat ?
Non ! J’avais proposé deux articles, l’un sur la loi SRU et l’autre sur les attributions de logements sociaux, rédigés sous forme d’habilitation à légiférer par ordonnance. Le Conseil d’Etat les a validés. Cependant, pour des raisons politiques, nous ne souhaitions pas ouvrirun débat sur des sujets par ordonnance. Je proposerai donc des dispositions rédigées, mais cette rédaction sera probablement succincte afin de pouvoir être enrichie au cours du débat parlementaire
A quelle échéance ?
J’y travaille en ce moment et serai prête fin janvier. Les parlementaires demandent d’avancer vite. les dispositions sur ces 2 sujets prendront place dans l’un des prochains vecteurs législatifs. Il s’agira soit d’un texte spécifique soit d’un texte existant.
Pourquoi aller si vite alors que la loi SRU court jusqu’à 2025 ?
Compte tenu de la mécanique SRU, c’est assez urgent ! La loi impose d’avoir atteint 25% de logement social dans toutes les communes concernées en 2025, et on sait déjà que certaines communes en sont trop éloignées et qu’il faut donc inscrire l’effort et l’obligation dans la durée. En pratique, cela fonctionne par période de trois ans, en amont de laquelle les maires négocient leurs objectifs avec les préfets. Donc les objectifs de la prochaine période 2023-2025 se négocient dès 2022 : la réforme doit donc avoir été menée avant.
Cet abandon du recours à l’ordonnance doit-il permettre de répondre aux acteurs du monde HLM, qui craignait une absence de débat ?
Effectivement. Les fédérations de bailleurs sociaux se félicitent d’avoir plus de temps pour formuler des propositions.
Vous estimez qu’avec environ 100 000 logements en 2020, on ne construit pas suffisamment de logements sociaux en France. Quel serait selon vous le bon niveau ?
Il est trop tôt pour vous répondre. Nous avons agréé 105 000 logements sociaux en 2019, l’objectif de 110 000 en 2020 ne sera pas atteint. Je pense que nous devons nous fixer des objectifs plus ambitieux. J’organise en ce moment une discussion avec le mouvement HLM sur ce point. Une fois cet objectif fixé, nous trouverons les moyens financiers nécessaires.
Quelle typologie d’HLM souhaitez-vous privilégier ?
Nous avons besoin de booster tous les compartiments. Nous devons notamment redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif actuel de 40 000 PLAI (réservés aux locataires en situation de grande précarité, NDLR), qui n’est jamais rempli. Nous devons aussi renforcer l’accession sociale à la propriété...