Enjeu chiffré à plusieurs dizaines de Mds€ dans le traitement de l’eau potable, les per et poly fluoroalkylées (Pfas) vont entrer dans le régime pollueurs payeurs. Ainsi en a décidé le parlement. Dans les mêmes termes que les sénateurs, les députés ont approuvé le 20 février les deux articles de la proposition de loi portée depuis 2023 par le député écologiste Nicolas Thierry, rapporteur.
Débats virulents
La virulence des débats dissimule un large consensus transpartisan. Seul le Rassemblement national et ses alliés de l’Union des droites pour la république se sont opposés au texte largement modifié en 2024 par le Sénat, et défendu avec vigueur, ce 20 février, par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. A l’arrivée, la proposition a recueilli 231 votes favorables, contre 51.
A raison de 1000 € par centaine de grammes rejetés dans l’eau potable, la redevance prévue à l’Article 2 a fait partie des dispositions les plus discutées. « Vous défendez l’industrie chinoise contre les Français », a répété à de nombreuses reprises le député Pierre Meurin (RN, Gard). A l’en croire, l’ensemble des représentants de la nation, à l’exception du Rassemblement national et de ses alliés, auraient cédé « aux pressions du parti Asie écologie les Verts ».
Message aux collectivités
Face à lui, l’ancien ministre macroniste Thomas Cazenave brandit les résultats des prélèvements : « 17 millions de Français ont bu de l’eau non potable en 2024. C’est à cela que vous devriez vous opposer ».
Les défenseurs de la redevance imposée aux industriels reconnaissent volontiers sa portée financière très limitée, compte tenu de l’héritage légué par des dizaines d’années de déversement dans les cours d’eau et les nappes. Auteur du rapport sur les Pfas commandé à l’été 2023 par l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, Cyrille Isaac-Sibille (Modem) évalue son produit à 2 M€. « Le message s’adresse aux collectivités. La redevance témoigne du fait qu’elles ne sont pas seules », développe le député du Rhône.
Un plan national en septembre
Moins d’un an après la promulgation de la loi, ses auteurs ont prévu qu’un plan national interministériel détaillera la stratégie de lutte contre les Pfas et la répartition de son financement. « Nous y travaillons depuis un an, en vue d’une finalisation en septembre prochain », a promis la ministre de la Transition écologique lors du débat du 20 février à l’Assemblée nationale. Autre perspective ouverte par le législateur, des cartes établies par les Agences régionales de santé présenteront l’exposition des populations.
Agnès Pannier-Runacher n’ignore pas que « le financement de la qualité de l’eau et la feuille de route de la France, dans ce domaine, constituent une préoccupation majeure des intercommunalités ». Elle renvoie les élus locaux à la prochaine « grande conférence nationale, qui abordera tous les enjeux de manière profonde, jusqu’en 2050 ».
Convergence transpartisane
Dans l’immédiat, l’ex-ministre de l’Industrie se réjouit du consensus transpartisan qui a rendu possible l’évolution du texte. La concertation avec les fabricants a permis d’épargner le groupe Seb. Annoncées dans l’article 1er avant une liste plus précise par décret, les interdictions d’utiliser les Pfas s’appliqueront entre 2026 et 2030 à la cosmétique, au fartage, au textile et à la chaussure, à l’exception de produits techniques sans autres solutions immédiates. Le contrôle de l'application de cette mesure aux importateurs reposera sur les douanes, la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que sur les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
Autre ancien ministre de l’Industrie devenu vice-président de l’Assemblée nationale, Roland Lescure exprime son « enthousiasme ». « Il y a un an, le texte attrape-tout mettait certaines de nos industries en péril. En travaillant ensemble, nous avons prouvé notre capacité à converger au service de l’industrie et de la planète », se réjouit-il.
Emotion du législateur
Louangé de la droite à la gauche dans les bancs de l’Assemblée, le rapporteur écologiste Nicolas Thierry (Gironde) n’a pas caché son émotion, à l’issue du vote qui conclut deux ans et demi de combat à plein temps. Il a rendu hommage à la coalition scientifique et citoyenne incarnée par le chimiste Pierre Labadie, les associations Générations futures, Notre affaire à tous, la Ligue contre le cancer, la CGT, la presse d’investigation…
« Ils ont brisé le silence douloureux des victimes, face à l’un des plus grands scandales sanitaires du XXIème siècle », conclut le père de la loi Pfas.